Des travailleurs d’i-City ont saisi le service communal pour la prévention et la protection du travail, qui mènera une enquête.
«Abus, autoritarisme, démissions, licenciements abusifs, insultes, remarques inappropriées…» Voici les termes évoqués pour dénoncer le «climat de peur» qui régnerait au sein de l’asbl i-City, le département informatique externalisé de la Ville de Bruxelles. Un climat qui a poussé, le 26 juin, des collaborateurs à introduire une «plainte» collective auprès du service interne pour la prévention et la protection du travail (SICPPT) de la Ville de Bruxelles. Plus précisément à solliciter «une intervention psychosociale formelle à caractère principalement collectif». Dans le document, les plaignants, dont l’identité n’est pas communiquée à la direction d’i-City conformément à la législation, demandent que l’employeur prenne les mesures collectives appropriées pour «auditer les comportements professionnels et humains des directeurs en place (NDLR: ceux d’i-City) et faire les adaptations nécessaires pour retrouver un cadre professionnel respectueux».
Cette procédure oblige le management à mettre en place une «remédiation» dans les trois mois. Elle a ainsi été transmise à la direction d’i-City le 5 juillet. Pourtant, pour les salariés à l’origine de la démarche, «personne n’entend parler de cette plainte chez i-City». Ils y voient une «tentative d’étouffement».
Le 4 septembre, elle figure à l’ordre du jour du Comité de la prévention et de la protection au travail (CPPT). Et le 9 septembre, elle fait l’objet d’une question posée par Didier Wauters (Les Engagés) à l’échevin en charge d’i-City, Benhur Yusuf Ergen (Défi), remplaçant depuis juillet 2024 Fabian Maingain.
Au cœur de ce que les employés décrivent comme un «management de l’arbitraire, amplifiant la « chappe de silence »», tous pointent Marie-Odile Lognard, directrice générale, et Régis Pitolet, directeur Informatique & Transformation. «La directrice générale et certains de ses directeurs ont des attitudes interpellantes vis-à-vis des collaborateurs qui semblent ne pas leur plaire: ne pas dire bonjour, même quand ils rentrent dans un bureau, ne pas répondre aux mails directement adressés, refuser une demande de rendez-vous, s’autoriser des propos dénigrants ou faire des commentaires comme « les gens sont incapables dans telle ou telle équipe » ou même « c’est des cons ».» Selon ces témoins, «des réunions ou des séminaires sont organisés où une personne se voit critiquée, voire rétrogradée, par le management devant toutes les autres personnes présentes».
Rien n’aurait fuité à i-City
Le document fait encore état d’un système de grille salariale «peu clair et pas toujours respecté», d’attribution de voitures de société «tout aussi floue», de changements d’organigramme et de réorganisations «secrètes», de contacts répétés en dehors des heures de bureau ou durant les congés, de «mise sous contrôle rapprochée». Les plaignants évoquent encore «des énervements, des cris, des reproches et des accusations» adressés aux collaborateurs par certains directeurs.
Interrogés sur l’absence de plaintes formelles non anonymes, ils expliquent que «beaucoup de personnes vivent dans la peur d’être renvoyées sans raison du jour au lendemain, pire pendant leurs vacances ou pendant leur congés maladie». Et d’ajouter que de « très nombreuses plaintes informelles et anonymes aurait été introduites chez Mensura et, plus récemment, auprès du SICPPT». En vain, disent-ils.
“Un management de l’arbitraire, amplifiant “la chappe de silence””
Contactés, des membres du conseil d’administration (composé de l’échevin-président, d’un représentant de la Ville de Bruxelles et de 8 administrateurs désignés par le conseil communal, d’un représentant du CPAS de la Ville de Bruxelles et d’un représentant de la Région de Bruxelles-Capitale) confirment que la question n’a jamais été évoquée. «Rien n’a fuité, rien n’est jamais remonté.»
Jointe également, Marie-Odile Lognard, directrice générale, entend réserver à la demande une «suite légale». Concrètement, le SICPPT doit, selon la procédure, mener «une analyse interne des risques au sein de l’organisation». La directrice générale, quant à elle, doit, d’ici au 5 janvier, proposer des recommandations et des pistes d’action au CPPT. Sur le contenu, Marie-Odile Lognard déplore «des généralités et aucun fait concret». «S’il existe un malaise, il faut le traiter de façon sereine, à l’abri d’une tempête médiatique.»
L’asbl, ex-Gial, a déjà été source de plusieurs scandales, dont une série de fraudes aux marchés publics de la part du directeur général et de deux de ses collaborateurs, révélés en 2018 par LeVif.