Les résultats de l’élection présidentielle ne devraient pas tomber le jour même de l’élection. Certains facteurs pourraient ralentir ou accélérer sensiblement leur parution.
Dans de nombreux Etats européens, le gagnant des élections est connu le soir même du scrutin. Aux Etats-Unis, cela dépend. Parfois, les résultats de la présidentielle américaine donnent un vainqueur en quelques heures. En 2016, Donald Trump avait acquis dès 2h29 du matin (heure de New York) la majorité des 538 «grands électeurs», condition sine qua non à sa victoire.
En 2020, il a fallu quatre jours pour que Joe Biden fasse de même. Car s’il a remporté en 24 heures des Etats très disputés (des swing states) comme le Michigan et le Wisconsin, il a fallu qu’il s’impose en Pennsylvanie le samedi pour atteindre la barre fatidique des 270 grands électeurs nécessaires. Il n’a même pas dû attendre les résultats dans d’autres swing states comme la Géorgie, la Caroline du Nord ou le Nevada pour imaginer son avenir à la Maison-Blanche.
Le risque d’une élection très serrée
Les Américains ne votent pas directement pour le président mais pour les grands électeurs, répartis entre les Etats selon la taille de leur population. Si Donald Trump ou Kamala Harris recueille la majorité des voix dans un Etat, il remporte tous les grands électeurs qui y sont associés (sauf dans le Maine et le Nebraska, qui répartissent proportionnellement leurs «super élus»).
«On pourrait très bien imaginer que Harris ou Trump s’impose facilement et cumule rapidement un nombre important de grands électeurs, ce qui aboutirait à un résultat rapide», explique Jérôme Jamin, professeur de sciences politiques à l’ULiège. Le souci, c’est que les sondages sont très serrés. «Si ce qu’ils indiquent se vérifie, je peux vous garantir que cela va durer très longtemps.»
L’élection de 2000 représente un cas extrême. George W. Bush et Al Gore étaient quasiment à égalité en nombre de grands électeurs. Seule la Floride pouvait trancher entre les deux. Il a fallu attendre plus d’un mois pour que le républicain remporte le «Sunshine State», après recomptage et arbitrage de la Cour suprême.
«Si un camp perd de peu, il va sans doute se produire la même chose qu’en 2000 et ça se passera mal, c’est évident», estime l’universitaire liégeois. «Trump est déjà en train de semer le doute sur sa reconnaissance d’une éventuelle défaite», ajoute Charles Voisin, analyste politique spécialiste des USA et auteur d’une biographie de Bernie Sanders. «S’il introduit un recours en justice, notamment dans les Etats clés, le processus électoral «prendra plus de temps», prévient-il.
Dans plusieurs Etats, un candidat peut contester les résultats si l’écart de voix est inférieur à 0,5%, comme en Caroline du Nord et en Géorgie. En Pennsylvanie et en Arizona, un recomptage automatique est même décrété sous ce même seuil.
Des votes plus ou moins difficiles à comptabiliser
Dans l’hypothèse où les résultats ne seraient pas si serrés, d’autres facteurs peuvent ralentir ou accélérer la divulgation du nom du vainqueur. «Tous les États n’organisent pas les élections de la même manière, fait remarquer Jérôme Jamin. Les électeurs peuvent utiliser des ordinateurs, des bulletins à cocher ou à perforer. Certains doivent voter en même temps pour la présidentielle, la Chambre, le Sénat, le gouverneur, plusieurs référendums, etc. Il faut alors du temps pour tout traiter.»
Charles Voisin relève pour sa part que «certains Etats peuvent commencer à comptabiliser les votes par correspondance avant le jour de l’élection». Ce sera par exemple le cas pour la toute première fois dans une partie du Michigan, qui pourrait ainsi rendre son verdict assez rapidement. A l’inverse, cette procédure est interdite dans plusieurs swing states comme la Pennsylvanie.
Des médias plus ou moins hâtifs pour annoncer les résultats
L’analyste politique pointe ensuite une autre subtilité: les médias n’attendent pas les résultats définitifs pour déclarer le nom d’un gagnant. Lorsqu’ils voient qu’un candidat dispose d’une avance irrattrapable, ils peuvent décréter «à l’avance» qu’il l’a emporté. Dans des Etats très connotés à gauche ou à droite, le résultat arrive donc rapidement. De telles prévisions sont plus délicates dans les swing states, où l’analyse d’un média peut ne pas recouper celle des autres.
«En 2020, cela avait occasionné une petite crise interne chez Fox News, qui avait déclaré avant tout le monde que Joe Biden avait remporté l’Arizona, se souvient Charles Voisin. Les spectateurs étaient désarçonnés et cette prédiction était peut-être un peu trop hâtive. Mais au final, il s’est avéré qu’elle était correcte.» L’analyse politique se fiera pour sa part tout particulièrement aux analyses de l’agence Associated Press, qui font autorité en la matière.
Une «grosse tendance» dès mercredi?
Au regard de ces différents paramètres, certains instituts ont tenté de livrer une estimation du moment où le résultat sera connu dans tel ou tel Etat. C’est notamment le cas du site d’analyse des sondages FiveThirtyEight, qui a interrogé des responsables électoraux à travers tous les USA, et de l’équipe du New York Times.
Bilan: certains swing states pourraient désigner leurs vainqueurs en quelques heures, comme la Géorgie ou le Michigan. La Pennsylvanie et le Wisconsin seraient un peu plus lents, avec un résultat au mieux mercredi. Pour l’Arizona et le Nevada, il faudrait attendre plusieurs jours. «Bien sûr, personne ne sait avec certitude quand un vainqueur sera déclaré, précise FiveThirtyEight. Des imprévus, qu’ils soient causés par une erreur humaine ou des problèmes techniques, peuvent retarder le processus.»
«Les premiers résultats pourraient déjà donner une grosse tendance dès mercredi matin, prédit Charles Voisin. La liste des possibles se réduira ensuite au fur et à mesure, notamment si la Pennsylvanie penche côté démocrate ou républicain.»
Jérôme Jamin se montre quant à lui plus prudent: «Il me paraît très peu probable qu’on ait le nom du gagnant mercredi. A mon avis, il faudra attendre davantage. Puis il faut se rappeler que la liste des swing states évolue dans le temps. On pourrait très bien avoir une surprise, par exemple avec un Etat traditionnellement conservateur qui basculerait côté démocrate, car des électeurs républicains protesteraient contre les restrictions sur le droit à l’avortement.» La semaine dernière, un sondage donnait par exemple Kamala Harris gagnante dans l’Iowa, un bastion républicain, même si cette prédiction se situait dans une marge d’erreur importante de 4%.