Cette tache étrange sous les cheveux est-elle un cancer de la peau ou simplement une verrue de vieillesse ? Une nouvelle formation apprend aux coiffeurs à faire la différence.
« En tant que dermatologue, je constate une énorme augmentation du nombre de maladies de la peau, des cheveux et des ongles, » déclare Annemie Galimont, une médecin belge qui travaille aux Pays-Bas. « La demande de dermatologues augmente donc, mais l’offre ne suit pas. En conséquence, les patients doivent souvent attendre très longtemps pour une consultation. » Comme cela ne devrait pas changer rapidement, Annemie Galimont souhaite faire appel à d’autres groupes professionnels. « Comme certains patients risquent de passer entre les mailles du filet, nous devons regarder en dehors de notre domaine pour voir où il y a encore des mains et des yeux à mobiliser. Ce sont en premier lieu les médecins généralistes et d’autres professions de la santé, mais aussi des personnes qui ne travaillent pas dans le secteur des soins. Par exemple, des esthéticiennes, des manucures, des pédicures et aussi des coiffeurs pourraient détecter des maladies de la peau, à condition d’avoir été formés pour cela. » C’est pourquoi Annemie Galimont organise, en collaboration avec la spécialiste en prothèses capillaires Willeke Pietersma, une formation en ligne pour devenir « médicoiffeur ».
Que peuvent exactement faire les coiffeurs ?
Annemie Galimont : Des recherches internationales montrent qu’ils peuvent notamment contribuer à la prévention et à la détection précoce du cancer de la peau. Les taches suspectes sur la tête ou le cou sont souvent mal visibles et passent donc inaperçues pendant longtemps. Vous ne pouvez souvent pas les voir vous-même, et elles ne sautent pas aux yeux de votre entourage non plus. Les coiffeurs sont bien placés pour détecter de telles taches, mais seulement s’ils savent ce qu’ils doivent rechercher, car il n’est pas question qu’ils tirent la sonnette d’alarme pour chaque verrue bénigne. C’est pourquoi nous apprenons d’abord à nos étudiants à reconnaître les formes les plus courantes de cancer de la peau. Dans certains cas, cela peut même sauver des vies : un mélanome non détecté peut devenir plus épais et, à terme, se propager. Mais d’autres formes de cancer de la peau, comme le carcinome épidermoïde, peuvent aussi se développer très rapidement. Plus tôt nous agissons, plus petite sera la tache à retirer. Non seulement le patient n’aura pas à se promener pendant des semaines avec un trou dans la tête, mais l’intervention prendra aussi moins de temps et coûtera moins cher.
Que doivent faire les coiffeurs s’ils voient une tache suspecte sur la tête d’un client ?
Ils ne peuvent bien sûr pas poser de diagnostic eux-mêmes, mais ils peuvent attirer l’attention de leur client sur le fait qu’ils ont remarqué quelque chose de suspect. Je suis bien consciente qu’il n’est pas facile d’entamer une telle conversation. Lorsqu’on va chez le coiffeur, on ne s’attend pas à entendre qu’on pourrait avoir un cancer de la peau. Raison pour laquelle nous apprenons aux coiffeurs, pendant la formation de médicoiffeur, comment aborder cette information de la meilleure façon et ce qu’ils doivent faire si un client commence à pleurer ou, au contraire, réagit très mal.
Nous ne pouvons évidemment pas obliger les professions de la beauté à prendre en charge une partie des soins de santé.
Annemie Galimont, dermatologue, créatrice de la formation de médicoiffeur
Les coiffeurs peuvent-ils aussi être utilisés pour détecter des affections moins graves?
Absolument. Dans cette formation de médicoiffeur, nous voulons aussi leur enseigner quelques bases sur le psoriasis, l’eczéma et la perte de cheveux, car ce sont des problèmes auxquels ils sont souvent confrontés. Non seulement ils peuvent parfois remarquer de telles affections lorsqu’ils coupent les cheveux d’un client, mais certains clients leur posent parfois des questions à ce sujet. Souvent, ils vont alors chercher des réponses sur Internet qui, évidemment, ne livre pas toujours des informations fiables. Le résultat est qu’ils donnent parfois de mauvais conseils à leurs clients. Par exemple, les affections du cuir chevelu sont souvent traitées avec des crèmes ou des lotions hormonales. Il existe tellement de désinformation à ce sujet qu’il est probable qu’un coiffeur dise à un tel patient : « Il ne faut pas faire ça ! C’est dangereux ! » Ou qu’il recommande à son client de mettre de l’huile de pissenlit sur la tête ou de boire beaucoup de lait.
Ne serait-il pas préférable d’inclure des connaissances sur les maladies de la peau dans la formation de base des coiffeurs et autres métiers de la beauté ?
Cela ne me semble pas une si bonne idée de l’imposer à tous les coiffeurs. Ne serait-ce que parce que nous ne pouvons pas obliger les métiers de la beauté à prendre en charge une partie des soins de santé. Devenir médicoiffeur doit rester un choix. Ceux qui s’inscrivent à notre formation sont souvent des personnes qui, pour une raison ou une autre, ont une affinité avec les maladies de la peau. La formation est aussi un moyen pour elles de se distinguer de leurs collègues. Pour les clients ordinaires, c’est un avantage supplémentaire si leur coiffeur a suivi notre formation. Mais je peux aussi imaginer qu’il y a des gens qui cherchent spécifiquement un médicoiffeur parce qu’ils ont, par exemple, des membres de la famille ou des amis atteints de cancer de la peau. C’est pourquoi tous les coiffeurs qui réussissent actuellement la formation sont enregistrés dans une base de données en ligne.