La réforme des pensions qui est en préparation au sein de l’Arizona provoque beaucoup d’inquiétude sociale. Tout comme la perspective qu’aucune réforme n’ait lieu. Est-il possible d’éviter que la confiance dans le gouvernement ne se dégrade encore davantage?
À côté des réformes du marché du travail et de la fiscalité, la réforme des pensions est l’un des trois grands chantiers qui sera mené par le prochain gouvernement fédéral. Trois thèmes qui enflamment rapidement et fortement les passions, en particulier en matière de pensions.
Les personnes qui ont travaillé dur toute leur vie espèrent, à la fin de leur carrière, une pension légale décente, afin de pouvoir passer leurs vieux jours de manière agréable et sans grandes inquiétudes financières. Environ une personne sur cinq en Belgique a 65 ans ou plus. Des centaines de milliers de personnes de plus de 60 ans espèrent par ailleurs pouvoir partir à la retraite dans un avenir proche. Ces deux groupes constituent un pan important de la société pour qui la retraite promise/espérée reste un sujet extrêmement sensible.
Aujourd’hui, les pensions belges forment un enchevêtrement dans lequel même les plus grands spécialistes ont du mal à s’y retrouver. Les pensions légales des fonctionnaires, des travailleurs indépendants et des salariés sont très différentes les unes des autres, et au sein de chaque catégorie, il existe encore de nombreuses exceptions et régimes particuliers. Des exemples classiques sont les militaires qui peuvent partir à la retraite dès 56 ans et le personnel roulant de la SNCB qui peut le faire dès 55 ans. Mais il existe des centaines d’autres exceptions.
Sans une véritable réforme, la viabilité des pensions est mise en danger. Et cela pèse également sur les dépenses publiques relatives au système de santé, à la police, à la justice, aux infrastructures…
Une réforme des pensions ne doit pas seulement mettre fin à cet enchevêtrement injuste: si rien ne change, la viabilité des pensions est mise en danger. Et pas seulement celle des pensions, car si ces dépenses augmentent (et plus vite que le PIB, soit ce qu’un pays produit collectivement en biens et services), une plus grande part des revenus publics devra être consacrée aux pensions. Cela pèse non seulement lourdement sur le budget, mais met également sous pression les dépenses publiques du système de santé, de la police, de la justice, des infrastructures, etc.
L’une des versions de la supernote que le formateur Bart De Wever (N-VA) a présentée aux partis négociateurs N-VA, Vooruit, CD&V, MR et Les Engagés, stipule que «le risque existe que la Belgique se retrouve dans une situation où elle ne serait plus en mesure de respecter ses obligations en matière de pensions sans augmentations fiscales considérables ou des coupes drastiques ailleurs dans le budget».
Pire encore: «Le système actuel (des pensions) risque, s’il n’est pas modifié, d’avoir un effet négatif sur la solidarité intergénérationnelle», peut-on lire dans la supernote. «Les générations plus jeunes devraient porter une charge disproportionnée pour financer les pensions d’une population vieillissante, ce qui pourrait entraîner des tensions entre les générations et même provoquer des troubles sociaux.» Sans réforme des pensions, la possibilité de troubles sociaux chez les jeunes est bien réelle.
Malgré la phrase «dans le respect des attentes légitimes des personnes proches de l’âge de la retraite», les accompagnateurs de la SNCB, les militaires et les syndicats se sont immédiatement mis sur la défensive.
Pour toutes ces raisons, une réforme des pensions est plus que souhaitée, elle est même nécessaire. Mais la question se pose alors: à quoi doit ressembler cette réforme des pensions? Que doit-elle inclure? Comment éliminer toutes les petites faveurs et régimes spéciaux et rendre l’ensemble du système transparent? Comment harmoniser les pensions des fonctionnaires, des salariés et des travailleurs indépendants? Comment faire en sorte que les pensions légales ne se réduisent pas à une aumône?
Pensions: sacrifier les droits acquis pour éviter les troubles sociaux?
La réforme des pensions reste floue, bien que certaines informations aient déjà fuité sur ce qui est en discussion lors des négociations gouvernementales, notamment concernant les exemples classiques de conditions particulières. «L’âge de la retraite des militaires (56 ans) et des accompagnateurs de train de la SNCB (55 ans) sera relevé à 58 ans à partir du 1er janvier 2025», peut-on lire dans une supernote. «À partir du 1er janvier 2026, leur âge de la retraite sera progressivement augmenté de six mois par an – dans le respect des attentes légitimes des personnes proches de l’âge de la retraite – jusqu’à l’âge de la retraite légal des autres fonctionnaires, salariés et travailleurs indépendants.»
Malgré les mots «progressivement» et la phrase «dans le respect des attentes légitimes des personnes proches de l’âge de la retraite», les accompagnateurs de la SNCB, les militaires et les syndicats se sont immédiatement mis sur la défensive. Ils considèrent les exceptions comme des droits acquis auxquels nul ne peut toucher, surtout pas sans compensation.
Un autre extrait de la supernote indique: «La pension d’un salarié et d’un travailleur indépendant est calculée sur la base du salaire ou du revenu sur l’ensemble de la carrière. Lors du calcul de la pension des fonctionnaires, seul le salaire des 10 dernières années de carrière est actuellement pris en compte. Cette inégale méthode de calcul de la pension des fonctionnaires sera progressivement supprimée en basant le calcul sur le salaire des 20 dernières années à partir du 1er janvier 2025. À partir de 2026, cette période de référence sera augmentée d’une année chaque année jusqu’à 40 ans à partir de 2045.»
Est-ce qu’une personne de 22 ans choisit consciemment de devenir enseignant parce que cela lui rapportera une meilleure pension plus de 40 ans plus tard ? La question se pose.
Les fonctionnaires ont réagi immédiatement. Ils estiment que leur pension doit être plus élevée que celle des salariés, car il s’agit d’une forme de «salaire différé» : s’ils gagnent moins pendant leur carrière, cela est censé être compensé par leur pension. Les fonctionnaires soulignent aussi qu’ils ne peuvent pas faire croître leur pension légale via le deuxième pilier, la pension complémentaire, contrairement aux salariés et aux travailleurs indépendants. Bien que tous les salariés ne bénéficient pas d’une pension complémentaire.
La victime
Résultat: «Les fonctionnaires qui bénéficient d’un régime privilégié sont les victimes», comme l’a souligné l’experte en pensions Ria Janvier (UAntwerpen) début décembre dans De Morgen. «Parmi ce groupe de fonctionnaires, les enseignants forment le plus grand groupe. Il est tout à fait compréhensible que les fonctionnaires se sentent floués, étant donné qu’ils ont un jour choisi consciemment de travailler pour l’État», a-t-elle ajouté. Mais est-ce qu’une personne de, disons, 22 ans choisit consciemment de devenir enseignant, parce que cela lui rapportera une meilleure pension plus de 40 ans plus tard? La question se pose.
Si les négociations gouvernementales réussissent et que les réformes des pensions, telles qu’elles sont connues jusqu’à présent, sont mises en œuvre, cela entraînera de toute façon des troubles sociaux, cette fois alimentés par les plus de 60 ans. Beaucoup ne supporteront pas de ne pas recevoir la pension qui leur a été promise pendant des années, même si elle était basée sur un régime d’exception.
Bref, des troubles sociaux sont à prévoir, qu’une réforme se concrétise ou non. C’est le résultat de l’inaction pendant des années, voire des décennies, concernant une réforme en profondeur des pensions.
Car la situation actuelle fut annoncée il y a bien longtemps. Peu de choses peuvent être aussi facilement prédites que le nombre de personnes qui partiront à la retraite dans 30, 40, 50 ans. Et cela avait même également été calculé: pour analyser les conséquences budgétaires et sociales du vieillissement, la Commission d’étude sur le vieillissement a été créée en 2001. Celle-ci a remis chaque année un rapport soulignant la hausse des dépenses en santé et en pensions. En 2013, la Commission de réforme des pensions a été mise en place, proposant des scénarios pour une réforme des pensions. Dix ans plus tard, et rien n’a changé.
Rupture de contrat et troubles sociaux autour des pensions
Une réforme des pensions ne peut pas avoir d’effet rétroactif, comme il n’est pas possible de retirer la pension des personnes qui bénéficient déjà de leurs vieux jours. Il sera également très difficile de faire entrer la réforme des pensions en vigueur à court terme, car cela pourrait rapidement être perçu comme une «rupture de contrat».
La réforme des pensions devra donc être introduite progressivement, même si cela signifie que les pensions continueront de peser très lourdement sur le budget pendant encore de nombreuses années, que certains régimes d’exception disparaîtront lentement, que l’enchevêtrement persistera encore quelque temps, et ainsi de suite.
C’est ainsi que cela figure dans l’une des supernote: «La gradualité et le respect des droits acquis sont les pierres angulaires des réformes (des pensions) que nous mettons en œuvre. Cela signifie que les changements seront mis en place progressivement afin de minimiser leur impact sur les individus et que les droits existants des bénéficiaires de pensions seront respectés. Cette approche garantit que les réformes sont durables et socialement justes, et qu’elles contribuent à la stabilité à long terme de notre système de pensions.»
Les politiciens responsables auraient donc dû introduire la réforme des pensions progressivement il y a 20 ans. Ils ont laissé la situation s’aggraver et plus cela dure, plus cela devient difficile.
Le PS et l’Open VLD préfèrent laisser à d’autres le soin de nettoyer le fiasco qu’ils ont provoqué
Qui sont les responsables directs ? Les ministres des Pensions. Depuis le début de ce siècle, neuf se sont succédés: Frank Vandenbroucke (Vooruit), Bruno Tobback (Vooruit), Christian Dupont (PS), Marie Arena (PS), Michel Daerden (PS), Vincent Van Quickenborne (Open VLD), Alexander De Croo (Open VLD), Daniel Bacquelaine (MR) et Karine Lalieux (PS).
Les socialistes et les libéraux portent donc une grande responsabilité. Vooruit et le MR négocient actuellement pour former un nouveau gouvernement, au contraire du PS et l’Open VLD. Qui ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas participer au gouvernement, préférant laisser le soin à d’autres de nettoyer le fiasco qu’ils ont contribué à provoquer.
Confiance
Dans l’une des supernotes, il est expliqué pourquoi une réforme profonde des pensions est absolument nécessaire: «Enfin, il convient de noter que les réformes manquantes n’ont pas seulement des implications financières, mais peuvent également nuire à la confiance dans le gouvernement. Si la population a le sentiment que le système de pension est insoutenable et que leur prospérité future est menacée, cela peut conduire à une diminution de la confiance dans le contrat social et le gouvernement dans son ensemble. Cela pourrait miner la stabilité politique et altérer la cohésion sociale. Il est donc crucial que la Belgique prenne maintenant les mesures nécessaires pour réformer le système de pensions et garantir un système durable et équitable pour les générations futures.»
En attendant, la confiance, tant chez les jeunes que chez les anciens, se dissipe dans le gouvernement. Une dernière phrase de la supernote pour conclure: «Cela pourrait miner la stabilité politique et altérer la cohésion sociale.» Le prix à payer pour cela est faramineusement élevé.