Les élèves (et leurs parents) semblent trouver de plus en plus normal de prendre congé pour participer à une comédie musicale, une compétition sportive, un concours de talents ou un tournoi de danse. « Ils agissent comme si c’était un droit, mais ce n’est absolument pas le cas », disent les directeurs d’école.
«Ma fille n’a pas le droit de participer à une comédie musicale de Noël à cause de son école étroite d’esprit. Un véritable scandale!» Ainsi commence une tirade qu’une mère en colère a récemment publiée sur les réseaux sociaux. Cette comédie musicale est une production d’un théâtre jeunesse local. Comme des représentations scolaires sont également prévues, les jeunes acteurs doivent manquer cinq demi-journées de cours en décembre. L’école de sa fille de 12 ans refuse de donner son autorisation.
Un coup de sonde auprès d’une dizaine d’écoles secondaires révèle qu’elles reçoivent souvent ce type de demandes, certaines même plusieurs fois par mois. Les directions ont la liberté d’autoriser ou non ces «absences pour raisons personnelles».
«Nous évaluons la situation, explique Lieven Coorevits, directeur du Go! Atheneum Voskenslaan à Gand. Nous vérifions toujours s’il s’agit vraiment de quelque chose d’exceptionnel. Par exemple, il arrive régulièrement qu’un élève demande un congé pour participer aux enregistrements d’une émission télévisée, comme The Voice.»
«Nous avons également de nombreux jeunes qui participent à une comédie musicale ou à une pièce de théâtre, ainsi que des sportifs qui prennent part à un championnat ou à un tournoi. Nous avons même eu un top model qui était parfois absent pour des séances photo. Ce genre de choses, nous les autorisons généralement», poursuit-il.
«L’école perd de son importance et ne semble plus figurer en tête des priorités de nombreux parents»
Frank Hosten, directeur d’une école secondaire
Toutes les directions insistent toutefois sur le fait que ces absences ne doivent pas entraîner de travail supplémentaire pour le corps enseignant. «Les élèves doivent rattraper les cours manqués de manière autonome. Il n’est pas question qu’ils fassent appel à un enseignant pour les remettre à niveau», explique Lieven Coorevits. Pourtant, ces absences exigent souvent une certaine flexibilité de la part des enseignants, notamment lorsque l’élève est absent lors d’un test ou d’une remise de devoir.
L’entrainement du jeudi
Les écoles semblent moins sur la même longueur d’onde lorsqu’il ne s’agit pas immédiatement d’une occasion unique. Comme un garçon qui veut participer chaque jeudi après-midi à l’entraînement de l’équipe première de son club de football ou une fille qui a le privilège de suivre des cours avec un coach vocal international pendant les heures scolaires. Certaines directions l’autorisent, d’autres ne l’envisagent nullement.
Certains élèves vont encore plus loin et demandent un congé parce que l’équipe de football qu’ils soutiennent joue à l’extérieur ou parce que Billie Eilish vient en Belgique. «Il y a quelques années, une élève voulait aller à un concert au Sportpaleis, raconte Frank Hosten, directeur du collège d’Ypres. À cause du trafic dense, il y a toujours beaucoup d’attente, et elle voulait donc partir dès l’après-midi. Bien sûr, je n’ai pas donné la permission.»
Si un directeur refuse une telle demande, les parents exercent parfois une pression supplémentaire. «Certains n’hésitent pas à tout tenter, explique Frank Hosten. Je maintiens ma position aussi longtemps que possible, mais au final, les parents peuvent rédiger eux-mêmes une justification d’absence quatre fois par an. Ma décision est alors parfois contournée.»
Bon nombre de directions trouvent également agaçant que tant d’associations considèrent comme normal que leurs jeunes membres puissent s’absenter de l’école. Les académies de musique organisent des examens de piano à des moments où les jeunes devraient être à l’école, les clubs de danse veulent partir dès le vendredi pour un championnat européen afin de pouvoir voyager moins cher, et les mouvements de jeunesse souhaitent commencer leurs excursions pendant une journée scolaire.
Continuer à étudier
Bien que de telles demandes n’aient pas augmenté de manière spectaculaire, les directeurs constatent que les élèves et leurs parents ont fini par considérer comme une évidence que les écoles les autorisent. « Ils sont donc souvent étonnés lorsqu’ils n’obtiennent pas de permission, explique Lieven Coorevits. Pourtant, c’est une faveur, pas un droit. »
Selon Frank Hosten, c’est un signe de l’époque. «L’école perd de son importance et ne figure plus en tête des priorités de nombreux parents, estime-t-il. C’est le bien-être des élèves qui prime. Ils doivent se sentir bien et pouvoir se développer autant que possible.»
Le directeur insiste pour que les élèves viennent le voir en personne lorsqu’ils souhaitent demander une absence spéciale. «Je leur souligne alors qu’ils doivent continuer à s’investir dans leurs études et que la probabilité qu’ils fassent carrière dans le théâtre ou le sport n’est pas très élevée. Bien sûr, ils n’apprécient pas toujours ce discours.»
Certains directeurs prennent également en compte les performances scolaires d’un élève lors de telles décisions. Un élève qui a déjà des difficultés à suivre en classe aura moins de chances d’obtenir l’autorisation de participer à une représentation ou à un entraînement pendant les heures de cours.
«Je suis heureux de la liberté que nous avons en tant qu’école, déclare Lieven Coorevits. Nous sommes très bien placés pour évaluer l’importance d’une telle demande tout en estimant l’impact sur le travail scolaire d’un élève. Si nous donnons finalement notre autorisation, cela peut vraiment motiver les élèves. Pas seulement pour ces activités extrascolaires, mais aussi pour leur engagement ici à l’école.»