Certains gestes habituels provoquent le sentiment du devoir accompli en matière environnementale. Leurs effets peuvent pourtant être limités voire même contreproductifs. Loin d’une liste exhaustive, quelques exemples pour nourrir la réflexion.
Prendre la voiture pour faire un kilomètre ne souffre d’aucune contestation en matière de bilan environnemental face au même trajet à pied. Enfiler un gros pull plutôt que de monter le thermostat non plus. Mais quantité d’autres actions quotidiennes interrogent davantage, même si elles sont parfois considérées comme plus respectueuses pour la planète.
Que privilégier en matière d’alimentation? Telle alternative «écologique» l’est-elle vraiment? Pourquoi cet objet ne réduit-il la consommation qu’à la marge? Six exemples de croyances sur ces gestes présentés comme plus vertueux, sans l’être toujours vraiment. Pour ouvrir la réflexion et s’interroger, sans culpabiliser.
1. Manger bio
Le geste est ancré comme une évidence chez certains: faire le choix de l’agriculture biologique, en toutes circonstances. Manger bio, c’est s’opposer aux produits phytosanitaires, refuser l’impact environnemental trop lourd et penser aux conséquences sur la santé humaine de ce qui est ingurgité.
Derrière ce côté face, d’autres questions émergent pourtant côté pile. Les produits peuvent avoir été cultivés dans des serres chauffées ou venir de très loin. Le bilan final peut alors effectivement se questionner. Le label «bio» est également parfois remis en cause. «Cela reste une vraie garantie sur certains points, mais ça dépend en réalité de ce que le consommateur attend derrière, santé personnelle ou environnement, reconnaît Renaud De Bruyn, expert déchet et alimentation chez Ecoconso, asbl qui encourage des comportements et des modes de consommation respectueux de l’environnement et de la santé. Nous sommes parfois interrogés lors d’atelier sur l’emballage des produits bios, par exemple, alors que des fruits ou légumes traditionnels sont vendus en vrac. Certaines attentes ne sont pas toujours rencontrées. Mais pour le volet production et son impact environnemental face au traditionnel, le bilan du bio reste indéniable.»
L’idéal, outre le choix du bio, reste donc de le combiner avec des produits locaux, en circuit-court et de saison surtout, afin de combiner le meilleur à chaque étape de la production. «En matière de choix de consommation, le cheminement est important et chacun avancera en fonction de ses priorités. Il ne faut clairement pas vouloir tout changer d’un coup, au risque de se décourager, détaille Marie Legrain, coordinatrice de la cellule Manger Demain, qui promeut l’alimentation durable. Un premier choix pourrait être de manger de saison. Une action porteuse de sens, qui peut en appeler d’autres dans une logique de durabilité.»
Le bio, oui, mais à combiner avec une réflexion sur la provenance et la logique saisonnière, donc.
2. Le programme court du lave-vaisselle
Le lave-vaisselle permet des économies d’eau et d’énergie face à la vaisselle à la main. Certains appareils proposent parfois moult programmations, du mode éco à l’intensif. Des modes d’utilisation dont l’impact peut prêter à confusion.
Avec le programme «rapide» ou «court», les assiettes et couverts ressortent effectivement en vitesse, pouvant faire croire à une économie finale face à un appareil qui tourne parfois pendant des heures. Une impression à vérifier. Car si la durée d’exécution s’en trouve en effet réduite, cela se fait parfois au prix d’une consommation en énergie plus élevée, tant pour l’eau qu’en électricité, afin d’obtenir un résultat proche en moins de temps.
«L’idéal, c’est de regarder le tableau de consommation de son appareil dans le mode d’emploi, conseille Jonas Moerman, spécialiste énergie chez Ecoconso. Le mode 30 minutes peut être plus économe mais ne vaut que pour un appareil peu rempli et sans séchage. Le mode lavage et séchage rapide sera effectivement plus énergivore la plupart du temps, ce qui surprend en général car les gens retiennent simplement que l’électricité est consommée en fonction du temps qui passe. Mais le chauffage de l’eau demande de l’énergie, et pour chauffer plus vite, il en faut plus.»
Pour optimiser son lave-vaisselle et consommer le moins possible, le mode décrit comme «éco» est donc a privilégier, avec une petite vérification dans son mode d’emploi. Le spécialiste conseille encore pour tous les appareils de regarder à l’achat la consommation annoncée par 100 cycles (en sachant qu’il s’agit en général du mode le plus économe qui est pris en compte) et de procéder à un entretien régulier, filtres et autres.
3. Les matériaux biodégradables
Les alternatives présentées comme compostables ou biodégradables ressemblent à des certitudes environnementales. Cela évite par exemple de jeter un produit parmi les déchets résiduels, qui finira par s’accumuler dans une montage de détritus non recyclés et non valorisés. Il y a les sachets plastiques ou les contenants alimentaires, par exemple.
«L’envie est souvent forte de remplacer une matière par une autre, de passer d’une touillette à café en plastique à son équivalent en matière biodégradable. Mais cette variation ne fait rien en matière de réduction de la consommation de matière, qui n’est pas infinie, remarque Renaud De Bruyn. Et c’est d’autant plus vrai pour les objets à usage unique comme la touillette.»
Pour prendre une action forte, il faut donc viser le réutilisable, qui aura un impact bien plus important. «L’idée sera de mieux consommer, ce qui passe avant tout par des changements de comportement. Réduire sa consommation de matière plutôt que de jouer la facilité avec du jetable, même si c’est présenté comme meilleur d’un point de vue environnemental.»
4. Le papier recyclé
L’utilisation du papier évoque la consommation de ressource en bois. Si les forêts gérées de manières durables rassurent déjà l’acheteur, avec des labels dédiés (FSC par exemple, pour «Forest Stewardship Council»), l’utilisation du papier recyclé peut s’imposer également comme alternative.
Un point important à tenir à l’œil sera le blanchiment du papier. «Soit le papier est dit de post-consommation, donc déjà utilisé et parfois blanchis lors du recyclage, mais il y en a aussi de pré-consommation, des chutes de papier qui sont déjà blancs et qu’on peut réutiliser. Regarder les procédés de blanchiment me semble complexe. Pour le consommateur, je conseillerais surtout de regarder les papiers écolabellisés. Ceux-ci tiennent compte du cycle de vie du papier et renseigne sur son impact environnemental facilement», propose Jonas Moerman.
Les papiers recyclés ont donc eux aussi leurs labels qu’il convient de scruter. Le «FSC recyclé» existe et garantit que toutes les composantes bois ou en fibres bois du produit sont issues à 100% de matières recyclées. Il existe également l’Ecolabel européen ou l’Ange bleu, label allemand parmi les plus exigeants, garantissant 100% de papier recyclé, des composés peu dangereux et des économies d’énergie, d’eau et de bois lors du procédé.
«Plus le papier est fin, plus impact environnemental est réduit. Le papier le plus écologique est le papier 100% recyclé, de post-consommation, non désencré et non blanchi», détaille encore Ecoconso sur son site.
5. Se chauffer au bois
Combustible naturel, peu onéreux et de provenance souvent locale, le bois de chauffage a bien des atouts à faire valoir d’un point de vue écologique. Il n’en présente pas moins quelques points d’attention pour maximiser ses bénéfices.
«En premier lieu, il faut regarder l’appareil et son rendement, estime Jonas Moerman. Un feu ouvert présente les moins bonnes performances, là où les meilleurs appareils affichent des taux de rendement de plus de 80%. Un feu ouvert dégage en outre énormément de particules dans la pièce. Ensuite, la qualité du combustible. Brûler du bois humide est moins bon niveau pollution et en production de chaleur. Et enfin, comment on allume son feu. L’idéal étant l’allumage inversé dans le cas d’un poêle à bois, avec le petit bois au-dessus des grosses bûches, ce qui limite les émissions polluantes.»
Il est également conseillé de nettoyer la vitre dans le cas d’une cassette à bois, signe peut-être d’un manque de circulation de l’air, d’un manque de tirage ou d’un combustible de mauvaise qualité. Des points à tenir à l’œil pour le rendement de l’appareil.
Dernier point à surveiller: l’aération globale. «Ouvrir la fenêtre chez soi en hiver peut sembler une mauvaise idée en matière de chauffage, mais il faut tenir compte du fait que l’air intérieur est parfois plus pollué et plus humide que dehors. Aérer c’est important pour la qualité de l’air et ça permet parfois de rendre l’air plus sec, ce qui aidera à se chauffer plus rapidement», précise encore Jonas Moerman.
6. La vaisselle en bambou mélaminé
Popularisée comme une alternative au plastique, le bambou s’est invité dans la vaisselle et autres ustensiles de cuisine. Avec une image positive, de par son origine végétale, sa réutilisabilité et sa résistance, associés à des adjectifs vendeurs comme «organique» ou «dégradable».
Mais certains produits à base de bambou ont été tout simplement interdits à la vente en 2021, après des analyses menées au niveau européen, rappelle le SPF Santé publique sur son site internet. Le problème concernait les produits mélangeant bambou et mélamine. Dans ceux-ci, des taux de migrations trop importants de mélamine et de formaldéhyde, deux composés cancérigènes, ont été détectés, menant à une interdiction de commercialisation. Ce qui ne veut pas dire que ces produits ont totalement disparus des armoires et tiroirs de ceux qui en avaient acheté auparavant.
Les produits en bambou mélaminé sont les seuls à être interdits. Les ustensiles 100% en bois de bambou ne sont évidemment pas concernés et peuvent servir, comme de nombreuses autres essences de bois, en cuisine, sans risque. Les produits qui contiennent seulement de la mélamine, un plastique dur, sont également toujours autorisés. Dans ceux-ci, afin d’éviter toute migration, il est conseillé d’éviter les aliments chauds, gras ou acides. La solution de remplacement idéale étant toujours les matières plus classiques: faïence, grès, verre ou inox.