Les sportives ont trois fois plus de risque de souffrir de fuites urinaires, symptomatique d’un périnée dysfonctionnel. Certains sports sont particulièrement délétères pour ce muscle essentiel au fonctionnement du corps.
Air connu: faire du sport est indispensable pour être en bonne santé. Paradoxe: certaines pratiques sportives sont délétères pour le plancher pelvien ou périnée. Cette zone souvent méconnue et négligée de l’anatomie humaine est essentielle au fonctionnement global du corps.
Ce groupe de muscles en forme de hamac, situés dans la partie basse du bassin, s’étend du coccyx au pubis et soutient la vessie, l’urètre, le rectum, et l’utérus ou prostate. Un dysfonctionnement du périnée peut provoquer de l’incontinence urinaire et fécale, de la constipation, des douleurs pelviennes ou une sensation de pesanteur, des troubles de la vie sexuelle, ou encore une descente d’organe (prolapsus) chez les femmes, dans les cas les plus graves.
En Europe, 32 % des femmes sont concernées par des troubles du périnée. La préoccupation pour ce muscle survient généralement après l’accouchement ou à la ménopause. Pourtant l’activité physique est reconnue par la Haute autorité de santé en France comme un facteur de risque d’incontinence urinaire d’effort (fuites urinaires qui surviennent lors de toux, d’éternuement ou tout effort physique), par répercussion sur le plancher pelvien.
Les risques des sports à impacts
«Dans la population sportive, la prévalence de troubles urinaires peut monter jusqu’à 60 %, et jusqu’à 80 % chez les athlètes professionnelles», soutient Marion Raballand, kinésithérapeute spécialisée en pelvi-périnologie. Les femmes qui font du sport ont trois fois plus de risque de souffir d’incontinence urinaire, ressort-il de la littérature scientifique sur le sujet.
Et ce qu’importe l’âge. Une étude parue dans la revue Kinésithérapie Scientifique en 2020 révelait que 17,19 % des sportives bruxelloises âgées de 15 à 25 ans déclaraient avoir souffert d’incontinence urinaire d’effort. «Les symptômes peuvent survenir dès l’adolescence, et se stopper avec l’arrêt de la pratique sportive, puis revenir à la péri ménopause, détaille Marion Raballand. Et plus la pratique intense de sport à impacts a débuté jeune, plus il y a des risques de subir des symptômes de troubles du plancher pelvien avec l’âge».
Ce sont effectivement les sports à impacts, tels que la gymnastique, le crossfit, l’haltérophilie, le trampoline, les sports de combat, le basket ou encore le volley qui sont les plus nocifs pour le périnée, dès lors qu’ils sont pratiqués à haute intensité de manière régulière. L’étude bruxelloise note effectivement une prévalence d’incontinence urinaire d’effort de 30 % pour la boxe, de 22,22 % en hockey et de 20 % en équitation, par exemple.
Chez les sportives, la prévalence de troubles urinaires peut monter jusqu’à 60 %.
Dans le cabinet de kinésithérapie périnéale Perimouv’ à Schaerbeek, «à peu près la moitié des patientes viennent dans le cadre d’un accouchement, l’autre moitié en raison d’une pratique sportive qui a abimé leur périnée», affirment les praticiennes Lolita Provost et Annabelle Goualou. Elles ont entre 17 et 40 ans. Et parmi les patientes qui viennent pour un accouchement, il y a souvent des problèmes antérieurs liés à une pratique sportive mal maîtrisée».
Détendre son périnée
En réalité, toute activité physique engage le périnée car il travaille de concert avec les abdominaux, les muscles du dos et le diaphragme qui l’entourent. N’importe quelle pratique sportive mal exécutée peut donc lui être nocive par répercussion. Par conséquent, certains coachs sportifs déconseillent les exercices hyperpressifs, tels que les crunchs et relevés de buste, à la faveur d’exercices hypopressifs tel que la planche ou le stomac vacuum (exercice de respiration) qui font travailler le transverse (le muscle profond de l’abdomen). Aussi parce qu’ils favoriseraient l’obtention d’un ventre plat. Mais Marion Raballand estime qu’il faut «démystifier ces abdos. Il n’y a pas de risque à faire 200 crunchs par jour, tant qu’ils sont bien exécutés».
Alors comment prévenir les risques? Il s’agit d’apprendre à contrôler correctement son périnée, et non pas le renforcer, explique Elena Trifan, kinésithérapeupe, spécialisé en rééducation périnéale. Dans la plupart des cas, le périnée est en réalité trop contracté et il faut le détendre. «Il est possible d’avoir un plancher pelvien très fort et quand même des fuites urinaires. Et à l’inverse, un plancher pelvien faible et pas de fuites urinaires», approuve Marion Raballand.
Pour cela, Lolita Provost et Annabelle Goualou attirent l’attention sur l’importance de varier les types d’exercices. Lors de la rééducation, elles apprennent à leurs patientes à engager la pression abdominale vers le haut plutôt que vers le bas dans tous les mouvements, à l’aide de la respiration.
Le yoga est par ailleurs un bon sport pour apprendre à maîtriser son périnée, recommande Corinne Oosterlinck, kinésithérapeute à la Clinique du Périnée du CHU Saint-Pierre. En rééducation, cette dernière pratique les méthodes Caufriez ou Guillarme, des techniques posturales et respiratoires qui renforcent la sangle abdominale sans abîmer les muscles du périnée.