Dès leur naissance, les bébés sont mesurés, pesés, afin de pouvoir suivre leur bon développement. Les courbes de croissance présentes dans les carnets de santé belges renseignent sur les chiffres «attendus» à chaque âge, mais sont imparfaits. Il en existe d’autres et ils convient toujours de les analyser avec recul.
Ce sont quelques lignes sur un graphique, que les parents scrutent avec attention ou détachement. Elles définissent les courbes attendues de croissance des filles et garçons, au niveau du poids, de la taille ou du périmètre crânien, afin de mesurer leur bonne croissance depuis la naissance.
Présentes dans le carnet de santé de l’enfant, qui l’accompagnera durant ses premières années de vie, ces courbes sont un repère, parfois mal compris des parents ou suivi de manière trop aléatoire. «Ce carnet avec l’historique des mesures donne des informations précieuses lors d’un suivi médical, mais malheureusement il reste souvent oublié en consultation ou n’est pas bien rempli», déplore d’emblée Caroline Gernay, pédiatre endocrinologue au CHU de Liège.
En rapportant correctement les mesures effectuées, que ce soit chez son pédiatre ou en consultation ONE, l’information pourra plus facilement circuler entre les différents médecins qui suivront l’enfant.
Les lignes ainsi tracées serviront de guide pour évaluer le développement des filles et garçons, mais doivent être interprétées avec souplesse, particulièrement dans les premières années de vie. «Les enfants naissent tous avec des mensurations relativement proches. Ensuite, ils peuvent tout à fait changer de courbe relativement vite, pour aller se mettre dans ce que nous appelons le couloir cible génétique. Rester dans ce couloir est plus important que de suivre parfaitement la ligne sur laquelle il ou elle se trouvait lors des premiers mois», explique la spécialiste. Chacun trace donc sa propre ligne sur le tableau.
D’autres courbes
Les courbes de croissance présentes dans le carnet de santé belge sont celles de l’OMS, donc mondiales, agrégeant les mensurations de milliers d’enfants dans six pays (Brésil, Etats-Unis d’Amérique, Ghana, Inde, Norvège et Oman). Chaque ligne représente une moyenne statistique, permettant d’apprécier l’évolution de cette moyenne au fil des mois et des années qui passent. Pour le poids, par exemple, la ligne du percentile 25 indique que sur 100 enfants d’un âge donné, un quart pèsera autant ou moins et les 75% restants, davantage que ce qu’indique la ligne. Ceci dans la population étudiée, représentant une certaine diversité ethnique.
Elles peuvent donc ne pas représenter exactement le développement d’un enfant précis, en Belgique ou ailleurs. «C’est notre outil principal, mais il en existe d’autres. Nous avons aussi des courbes de croissance belges, reprenant plutôt les références d’enfants flamands, mais elles commencent à dater un peu. Il existe des courbes anglaises, françaises, parfois plus spécifiques ou adaptées à certains enfants. Celles de l’OMS, établies en 2007, restent un bon point de départ malgré tout, sans les prendre au pied de la lettre», juge la spécialiste.
L’alimentation, premier facteur
La bonne croissance d’un enfant est influencée par de nombreux paramètres, dont en premier lieu l’alimentation. Viennent ensuite d’éventuelles maladies (maladie de Crohn, maladie cœliaque, etc.) ou troubles hormonaux. Repérer à temps un décrochage ou une sortie du couloir cible peut s’avérer crucial pour détecter rapidement d’éventuels problèmes de santé. Mais une prise de poids qui stagne ou se contracte légèrement ne signifie pas forcément qu’il y a un problème sous-jacent, cela peut amener simplement à une vérification ou un suivi plus particulier.
Les courbes de l’OMS ont également la particularité d’être basées sur des enfants allaités, considérés comme présentant les conditions «optimales» de croissance. Les bébés nourris au biberon ne suivront donc pas exactement le même schéma durant leur première année de vie, même si les variations restent légères. Les chiffres fournis dans le carnet de santé restent donc un repère, pas un objectif à atteindre.
«La génétique reste aussi prépondérante. Tout le monde hérite d’un certain bagage de ses parents. C’est aussi pour cela qu’on parle de couloir cible génétique. Il est évident qu’un enfant avec deux parents très grands aura lui aussi plus de probabilité de l’être. Le poids est également soumis à des facteurs génétiques», complète Caroline Gernay.
Des variations à la puberté
Comme l’attestent les courbes de taille, la progression ne se fait pas de manière totalement linéaire mais connaît certaines phases. La première année de vie est notamment marquée par une croissance rapide, avec un gain autour de 25 centimètres. La vitesse de croissance ralentit ensuite progressivement. La puberté jouera ici un rôle crucial, avec un pic de croissance. «Certains pré-ados sont parfois vus en consultation parce qu’ils grandissent très vite ou plus lentement. Mais il faut savoir qu’un enfant avec une puberté plus tardive par exemple grandira moins vite que ses congénères au moment où eux sont en puberté, mais sans que ce soit pathologique», note la spécialiste. Ces variations de timing pubertaire peuvent également créer des décalages temporaires par rapport aux courbes de référence, qui s’étalent jusqu’à 18 ans.
Quand faut-il s’inquiéter d’une sortie de couloir ou d’un changement brusque dans les indicateurs de suivis? «Les bébés et bambins sont toujours suivis, donc je dirais qu’il faut en parler avec la personne qui réalise les mesures. Elle sera la plus à même de dire à quel moment telle situation mérite de se questionner. D’où vraiment la recommandation de conserver précieusement ces données dans le carnet de santé. Elles peuvent sembler anodines, mais sont essentielles», martèle encore la pédiatre. Lorsque le suivi est moins fréquent, à mesure que l’âge avance, la médecine scolaire jouera un rôle important, avec des contrôles réguliers.
Le poids est ainsi parfois plus souvent analysé, au-delà des premières années de vie. La pédiatre note que les enfants en surpoids deviennent plus nombreux. Un phénomène qui pourrait faire évoluer les données références de l’OMS, car l’augmentation de l’indice de masse corporelle moyen des enfants ne touche pas que la Belgique.