Certains hommes et femmes politiques enjolivent leur curriculum vitae avec des diplômes qu’ils n’ont pas. Ou omettent de corriger ceux qui le font pour eux. Florilège.
Depuis 2016, le Premier ministre français Sébastien Lecornu revendiquait un master en droit public qu’il n’avait jamais obtenu. Celui qui est ministre en continu depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017 possède en réalité un «master 1» de droit public obtenu à l’université Panthéon-Assas (Paris). Un niveau de diplôme qui n’existe plus depuis le décret Bologne harmonisant les systèmes d’études supérieures européens. Il correspond aujourd’hui à une première année de master, délivré après deux années indivisibles. Autrement dit, pour se prévaloir d’un master, il faut obligatoirement valider son master 2, soit après un cursus de cinq années.
Révélée par le quotidien Mediapart le 19 septembre, l’affaire est déjà en quelque sorte balayée. Or, Sébastien Lecornu n’est pas le premier politique à s’être un peu arrangé avec la vérité. Ni en France ni en Europe.
En France, en 2016, l’ancien ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a gonflé son cursus universitaire, en affirmant avoir fait HEC et l’ESSEC, deux grandes écoles de commerce, avant d’admettre une «erreur: elle n’a jamais été validée». La secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, Geneviève Fioraso, a elle aussi évoqué une «erreur» lorsque le même quotidien a révélé, en 2015, qu’elle n’a jamais obtenu de «maîtrise d’économie». Des polémiques semblables ont touché d’autres politiques, de Jean-Christophe Cambadélis, ex-premier secrétaire du Parti socialiste, à Christiane Taubira, ex-ministre de la Justice, sans que cela mette fin à leur carrière.
Pas ma faute
Et en Belgique? Difficile de trouver des cas similaires de faux diplômes dans la classe politique. Les cas les plus approchants concernent des cursus inachevés. Ainsi, Emir Kir, bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode et ex-PS, a menti sur son CV jusqu’en 2004. Longtemps, sur le site de son ancien parti figurait «licencié en sciences politiques et relations internationales». Lui-même affirmait avoir fait des «études en sciences politiques et relations internationales», sans davantage de précisions. Il a fini par reconnaître qu’il n’était «que» candidat en sciences politiques, n’ayant pas «déposé son mémoire». Comment peut-on se tromper sur un parcours scolaire? L’«erreur» viendrait du parti, l’intéressé ne comprenant pas son origine. Jamais Emir Kir ou son équipe ne semblent avoir entamé des démarches pour corriger l’information.
Filip Dewinter, député du Vlaams Belang, évoque également une méprise. Sur le site du Parlement flamand, sa biographie mentionnait «candidat en sciences politiques et sociales». Elle indiquait également «ancien journalist ». Pourtant, il n’est pas allé au-delà de la première année, a effectué un stage d’un an au quotidien Het Volk (disparu aujourd’hui) et, ensuite, quelques piges durant quelques mois. Pourquoi le site officiel du Parlement flamand livre-t-il de fausses informations? Une mauvaise interprétation. Filip Dewinter n’aurait pas validé cette formulation, qui aurait ensuite été copiée-collée par d’autres sites. L’information a depuis été corrigée.
D’autres tentent de gonfler leur parcours en usant d’ambiguïté. Le MR Serge Kubla, ex-ministre wallon, a longtemps laissé sur son CV des «études de commerce à Solvay». Il y a étudié trois ans sans en ressortir diplômé.
Ces exemples ont pour point commun de n’avoir jamais débouché sur une démission. Le sujet semble indifférer ou soulever tantôt des ricanements, tantôt des polémiques éphémères. Le cas d’Anissa Temsamani, secrétaire d’État socialiste, demeure unique. Nommée en juillet 2003, elle démissionne 74 jours plus tard. «La pression est trop forte», dira-t-elle. Dans les médias, elle affirmait être candidate en sciences commerciales et financières alors qu’elle avait abandonné ses études en deuxième année. Anissa Temsamani avait plaidé l’erreur et, dans la foulée, sa bonne foi. Mais le mensonge lui a été fatal. N’importe qui ne peut pas se permettre de «mentir» ou d’enjoliver volontairement son CV. Pour un politicien expérimenté, aux multiples mandats et aux réseaux bien installés, cela ne semble pas trop grave. En revanche, pour un jeune politicien, une gaffe, une bévue ou même une boulette, ça peut peser lourd, et longtemps…
Et si ces informations paraissent anecdotiques, ailleurs, certains pays européens se montrent plus à cheval sur la fraude intellectuelle et les mensonges liés aux diplômes. En Espagne, par exemple, en juillet et en août derniers, plusieurs élus ont démissionné en raison de révélations sur leur parcours universitaire. Noelia Núñez, députée madrilène et figure montante du parti conservateur, a jeté le gant. Elle affirmait être diplômée en droit, en administration publique et en philologie anglaise. Mise sous pression, elle a admis avoir entamé des études dans ces différentes matières, sans obtenir aucun des diplômes mentionnés.
Dans la foulée, des accusations touchant des élus de niveaux et de partis différents ont conduit à d’autres démissions. Celles, par exemple, du président régional d’Andalousie, accusé de s’être attribué à tort une licence en gestion des entreprises, de la déléguée du gouvernement à Valence, prétendant détenir une licence en communication, ou d’un conseiller du parti d’extrême droite, assurant être titulaire d’une licence en marketing d’une université qui ne proposait pas ce diplôme.
À la suite de cette vague de démissions, des politologues espagnols proposent que le plan d’action du Premier ministre, Pedro Sánchez, intègre des dispositions visant à vérifier la véracité des informations publiées par les élus sur leur CV.
Rien de tel n’a jamais été envisagé en Belgique, où la Cour des comptes contrôle le patrimoine, les mandats, les fonctions et les professions des mandataires publics et des fonctionnaires, mais pas les informations sur leurs carrières. En effet, dans les démocraties représentatives, aucune formation n’est requise pour occuper un mandat (même si la plupart d’entre eux ont un diplôme universitaire, le plus souvent juridique). «Un diplôme en droit n’est pas indispensable pour représenter les citoyens; l’honnêteté l’est», concluait le quotidien espagnol El País. Un commentaire qui n’épargne aucun pays.















