Leurs morsures, jugées bénignes, sont pourtant profondes et le risque d’infection existe, même s’il reste faible.
C’est un chiffre qui étonne: en 2024, plus de 25.000 Français ont été opérés après avoir été mordus par leur chat. Et la tendance est à la hausse, selon la Fédération française des services d’urgence de la main, qui regroupe les centres spécialisés dans la prise en charge et le traitement des urgences de la main en France et en Europe (dont 3 en Belgique). Il n’existe pas de données similaires en Belgique, selon Damien Thiry, professeur de bactériologie vétérinaire à l’ULiège.
Souvent considérées comme anodines, les morsures de chat peuvent entraîner des complications. En effet, en mordant, un chien écrase, déchire les tissus. Sa morsure entraîne le plus souvent la formation d’un hématome, une nécrose tissulaire et des plaies aux contours irréguliers. Elle semble plus impressionnante que celle d’un chat. En apparence, du moins. Car la morsure d’un matou, même s’il vit confiné en appartement, peut provoquer des dégâts invisibles. «Les chats ont des petites dents pointues qui peuvent s’enfoncer profondément dans les tissus mous et inoculer des bactéries dans des espaces fermés, comme les gaines des tendons, les articulations et même les os, explique le Pr Damien Thiry. C’est une morsure ponctiforme qui peut causer de graves lésions, sans que la blessure soit remarquable en surface ou sans saigner abondamment.»
Les minuscules ouvertures formées par les petites dents acérées permettent ainsi aux bactéries présentes «d’être injectées en profondeur, dans un environnement favorables à leur multiplication». Ces bactéries sont hébergées par le microbiote buccal équilibré du chat, inoffensives pour lui, mais qui, dans la plaie, se multiplient, produisant des facteurs de virulence qu’elles ne causeraient pas en petite quantité.
La majorité des morsures se produisent aux mains, zone sensible où se mêlent une ensemble de nerfs, de tendons et d’articulations.
La plus fréquente est le bacille Pasteurella multocida, une bactérie qui provoque la pasteurellose. Cette maladie rare se caractérise par une douleur et un gonflement rapide de la plaie et peut entraîner des complications graves comme des abcès, une inflammation des articulations (arthrite) ou des os (ostéomyélite). La bactérie Capnocytophaga canimorsus, commune aux chiens et aux chats, peut également être transmise à l’occasion d’une morsure (ou par un coup de langue sur une plaie). L’infection commence souvent sous la forme d’un syndrome grippal, avec de la fièvre. Dans de très rares cas, elle entraîne des troubles de la coagulation du sang, principalement des hémorragiques, ainsi qu’une septicémie généralisée. Il peut aussi y avoir des nécroses cellulaires. D’où les amputations. D’autres bactéries, telles que les staphylocoques et les streptocoques, naturellement présentes dans la salive, peuvent également être inoculées par une morsure.
Coup de patte
Un coup de patte rageur expose, en revanche, à moins de bactéries. Il transmet surtout le bacille Bartonella henselae. Il peut causer la maladie des griffes du chat, que l’animal contracte par le biais des puces. «Les matières fécales des puces se retrouvent sur les coussinets du chat, et sont donc souvent responsables d’infections après une griffure, poursuit Damien Thiry. La bactérie se trouve également dans sa gueule, suite à sa toilette quotidienne avec sa langue et ses dents. Elle peut provoquer une infection en cas de morsure ou de léchage sur des petites plaies.» La pathologie, connue sous le nom scientifique de bartonellose, provoque d’ordinaire une légère fièvre et un gonflement des ganglions, maux relativement bénins, parfois la formation d’un abcès, nécessitant une intervention chirurgicale. Dans des cas exceptionnels, la bactérie peut se propager dans le corps et prendre une forme grave, avec des atteintes neurologiques (convulsions, encéphalopathie), du poumon et cardiovasculaires.
Certains profils sont plus à risque d’infection. «Les personnes immunodéprimées, sous traitement immunosuppresseur, dont le système immunitaire est déjà affaibli, et les personnes présentant des pathologies sous-jacentes, telles que des maladies hépatiques et le diabète. Chez elles, les infections peuvent être plus sévères», note le spécialiste en bactériologie vétérinaire. Sans oublier les femmes enceintes, les jeunes enfants et les personnes âgées.
Dans la majorité des cas, le coup de griffe guérit spontanément et ne provoque ni rougeur, tuméfaction, chaleur ou douleur –principaux symptômes d’alerte à surveiller. Par contre, «il faut considérer chaque morsure comme potentiellement infectée et, dès lors, consulter un médecin, estime Damien Thiry. Il ne s’agit pas d’alerter mais de rester vigilant. Un chat n’est pas un jouet. Instinctivement, il n’aime pas être serré dans les bras ni être forcé à être caressé.»
Chiffres
Selon le Centre belge d’information pharmacothérapeutique (CBIP), entre 5% et 25% des plaies par morsure de chien qui n’ont pas été traitées de manière adéquate finissent par s’infecter. Cette proportion, pour les morsures de chat, s’élève de 30% à 50%.















