Souvent associée à la vieillesse, l’arthrose touche 30% des moins de 45 ans. Chez les jeunes, il peut être notamment être le résultat d’une sédentarité ou d’une blessure mal traitée. Si cette maladie articulaire est incurable, il est néanmoins possible de vivre sans douleur.
L’arthrose touche de plus en plus de Belges. Selon les chiffres de Sciensano, à l’exception d’une baisse en 2004, le nombre d’individus de 15 ans et plus souffrant de ce trouble musculo-squelettique incurable n’a cessé d’augmenter, passant d’une incidence de 15,87% en 2008 à 19,19% en 2023. Elle concerne, en outre, davantage les femmes (24,3% en 2023) que les hommes (13,86%).
Selon le Pr Yves Henrotin (ULiège), docteur en kinésithérapie et réadaptation fonctionnelle, le nombre de cas d’arthrose a augmenté de 131% entre 1990 et 2021. «Mais le plus dramatique, c’est qu’on estime qu’en 2050, il y aura un milliard de patients arthrosiques dans le monde», ajoute celui qui officie aussi comme président de la Fondation Arthrose.
L’arthrose se caractérise par une altération du cartilage et des tissus adjacents conduisant à des douleurs, des déformations, des raideurs, voire une perte fonctionnelle. Perçue comme une maladie de vieillesse, elle touche pourtant 30% de personnes de moins de 45 ans.
Les causes du trouble sont multiples: vieillissement, contraintes mécaniques excessives, syndrome métabolique, ménopause, obésité… Mais chez les plus jeunes patients, il est souvent «secondaire», c’est-à-dire conséquence d’un traumatisme professionnel ou sportif. Parmi les sports traumatogènes: le foot, le rugby, les sports de combat et tout autre sport à impacts et dont le risque de blessure est élevé. «Le comportement de plus en plus sédentaire des jeunes et jeunes adultes, et les dysplasies (déformations des articulations) peuvent aussi provoquer des arthroses à court terme», complète le Pr Henrotin.
Une arthrose sous-diagnostiquée et une arthrose mal traitée
Trop souvent, la maladie est sous-diagnostiquée chez les jeunes, regrette-t-il. «Qu’il soit ligamentaire, qu’il s’agisse d’une simple contusion ou que la blessure touche directement l’articulation, on sous-estime l’importance de la blessure, expose le spécialiste. Il est primordial de bien la soigner et de stabiliser l’articulation en réentraînant les muscles avant de reprendre une activité sportive, par exemple.» Sans quoi, ajoute-t-il, l’arthrose pourrait se manifester dix à quinze ans après le traumatisme.
Le problème, déplore Yves Henrotin, c’est que les jeunes ne sont pas assez bien suivis. «Il faut bien sûr traiter la phase aiguë, à savoir le gonflement, l’inflammation et la douleur. Ensuite, le médecin se doit d’envoyer le patient chez un kinésithérapeute qui évaluera les performances musculaires et prodiguera des exercices de rééducation nécessaires, insiste-t-il. Dans les faits, ce n’est pas toujours ce qui se passe, avec les conséquences que j’ai déjà évoquées.»
La responsabilité de la guérison et de la rééducation incombe aussi aux patients arthrosiques, que le professeur encourage vivement à se prendre en charge eux-mêmes. En effectuant des exercices de renforcement musculaire régulièrement, et, si nécessaire, en retournant chez le kinésithérapeute pour des «séances de rappel». Il préconise aussi aux patients qui pratiquaient une activité sportive avant leur blessure de s’y remettre.
Mais pas n’importe comment, et surtout, pas avec n’importe quel sport: «Aux footballeurs et aux rugbymen, qui ont de l’arthrose du genou, par exemple, je leur dis systématiquement d’arrêter, de trouver une autre activité.» La marche, la natation ou le vélo, par contre, sont de bonnes alternatives pour maintenir une activité physique. Même la course à pied, qui engendre pourtant un impact sur les articulations. Elle serait même très bénéfique. «Des études ont démontré qu’elle était un bon moyen de lutter contre la douleur, car il s’agit d’un sport d’endurance qui favorise la libération de sérotonine et d’endorphine, indique le Pr Henrotin. A condition toutefois de pratiquer la course à pied dans de bonnes conditions. Je conseille souvent aux personnes qui se lancent de consulter une clinique du coureur.» Parfois, des dispositifs orthopédiques peuvent aussi être salutaires.
«La plupart de ceux que je rencontre attendent une solution passive comme une injection d’acide hyaluronique.»
Guérir, non, mais vivre avec
Bien que les avancées scientifiques ne permettent pas, aujourd’hui, de guérir une arthrose, il est tout à fait possible de vivre avec sans qu’elle ne s’aggrave au fil des années et sans la moindre douleur. «Je vais prendre mon cas. A 45 ans, on m’a diagnostiqué une arthrose sévère qui justifiait la pose d’une prothèse. J’en ai aujourd’hui 61, et toujours pas de prothèse, expose le spécialiste. Pourtant, je n’ai jamais aussi bien couru et n’ai jamais été en aussi bonne forme physique. Le tout grâce à des changements d’habitudes et de style de vie qui ont aussi eu des conséquences bénéfiques sur ma santé générale.»
«Le problème, c’est qu’il existe des obstacles majeurs à une bonne rééducation, poursuit-il. Le patient doit adhérer à ces changements, notamment sportifs. Or, la plupart de ceux que je rencontre attendent une solution passive comme une injection d’acide hyaluronique. Un remède médicamenteux peut être nécessaire quand la douleur est trop intense, mais il ne dispense pas le patient d’activités physiques et d’un renforcement et/ou étirement musculaire adéquat.»















