Didier Demazière et Rémi Lefebvre expliquent pourquoi les politiques se sentent déclassés et pourquoi les maires, en particulier, en souffrent.
Dans le palmarès des professions qui suscitent de plus en plus de défiance de la part du public, les politiques figurent en bonne place. Cette dépréciation s’est conjuguée ces dernières années avec une montée des violences à leur encontre. En France, selon l’Observatoire de la démocratie de proximité, 2 265 plaintes et signalements de violence contre des élus ont été enregistrés en 2022, soit un tiers de plus que l’année précédente. Ce constat justifie que 1 500 des quelque 35 000 maires français aient démissionné en 2023. Sous la coordination de Didier Demazière, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique, et Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université de Lille, des experts se penchent sur les causes de cette évolution dans Des élus déclassés? (1).
Les attentes des citoyens “usagers”, de plus en plus exigeants, s’accroissent.
Le point d’interrogation du titre a évidemment son importance et vise à nuancer un sentiment, selon les auteurs, indûment généralisé. «Les mandats [politiques] sont toujours convoités tant au niveau local que national», assurent-ils. Dans ce panorama varié, les maires semblent donc devoir «payer» pour les autres. Les chercheurs en identifient les causes principales: «Les attentes des citoyens “usagers”, de plus en plus exigeants, s’accroissent, alors que les moyens financiers des communes se tarissent, qu’un sentiment d’abandon se développe dans les territoires ruraux, et que l’exercice du mandat exige de plus en plus de technicité.»
La rémunération du premier édile de la commune ne semble pas non plus en relation avec l’investissement consenti. «De manière générale et au regard du travail qu’il requiert, le mandat de maire apparaît mal indemnisé, en particulier pour les communes petites et moyennes (environ mille euros brut par mois dans les communes de moins de cinq cents habitants, environ 1 500 euros entre cinq cents et 999 habitants, autour de deux mille euros entre mille et 9 999 habitants), analysent les auteurs. Cela alimente la tendance au vieillissement des maires […]. Le fait d’être en retraite permet à la fois de dégager une disponibilité pour le mandat et de compenser la faiblesse de l’indemnisation.» Sans être tout à fait comparable, ce diagnostic peut sans doute être dressé pour la Belgique.
La société change, le monde politique aussi. Ainsi les experts constatent-ils qu’au plan national, la carrière politique «n’est plus nécessairement la finalité, mais peut-être plutôt un tremplin vers d’autres horizons professionnels». Politique, un «métier» comme un autre?