La brusque montée des taux hypothécaires et le coût élevé des matériaux de construction ont jeté un froid sur le marché immobilier en 2022 et 2023. Après la stabilisation de 2024, quid en 2025? À quel taux pourra-t-on emprunter l’an prochain en Belgique? Éléments de réponse.
L’envol rapide de 2022 est terminé, le pic de 2023 est franchi et 2024 était l’année de la lente descente. La courbe des taux de crédits hypothécaires a retrouvé un peu plus de calme, comme un avion en phase d’atterrissage, après un long voyage marqué par les zones de turbulences.
Là où les acheteurs devaient encore emprunter au-delà de la barre des 3,5% à l’automne 2023, pour un taux fixe sur 20 ans, le chiffre est plus proche des 3% en cette fin d’année, selon plusieurs comparateurs. Un nombre qui avait pratiquement disparu il y a deux ans, quelques mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Les taux avaient littéralement explosé à l’époque, après avoir atteint un plancher durant la crise du coronavirus.
La diminution des taux enregistrée en 2024 après ces remous a notamment été permise par la baisse de l’inflation et la réduction progressive des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) à plusieurs moments de l’année. Des révisions qui ont eu pour conséquence de soulager la pression sur les crédits hypothécaires.
«La BCE vient à nouveau d’abaisser ses taux officiels le 23 octobre dernier, de 25 points de base, à 3,25 %. Avant juin, le taux de dépôt était encore de 4 %. Ces baisses successives visaient à freiner l’inflation et à améliorer la situation de l’économie en Europe, qui reste morose», note John Romain, CEO de la société de conseil financier Immotheker-Finotheker.
Les futures réductions de la BCE déjà absorbées
La logique voudrait que cette accalmie se poursuive en 2025, alors que de nouvelles baisses des taux directeurs de la BCE sont attendus. Mais les réductions ont déjà été en partie anticipées par le marché et produiront vraisemblablement moins d’effets que lors des derniers mois. La BCE a effectivement déjà tenu compte d’une série de facteurs et anticipe des baisses de ses taux, ce que les marchés vont encore répercuter pour du court terme, notamment sur l’épargne. Mais pour des produits plus long terme, comme un crédit hypothécaire, le potentiel de diminution sera plus limitée l’an prochain», précise Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.
«Malgré tout, la tendance à la baisse devrait se poursuivre. À court terme, on s’attend effectivement à ce que la courbe des taux diminue. Mais il ne faut pas oublier qu’il y aura effectivement des impacts tant pour le volet hypothécaire que pour l’épargne», complète Brecht Coene du site comparatif guide-epargne.be.
Si les taux de l’institution sont scrutés avec attention, d’autres éléments vont entrer en ligne de compte selon John Romain. «Il y a évidemment l’élection de Donald Trump, qui a promis de prendre des mesures protectionnistes et d’instaurer divers frais de douanes. Avec un dollar déjà très fort face à l’euro, cela pèsera en défaveur du Vieux Continent. Un autre grand élément à tenir à l’œil sera l’évolution de la situation géopolitique. Que se passera-t-il en Syrie notamment? Comment va évoluer le prix du pétrole? La période est plus incertaine. Tout ce qui a un impact sur l’économie peut jouer un rôle sur les taux».
«Il faudra voir l’effet réel de ce genre d’événements sur l’économie européenne, juge la spécialiste d’ING. Effectivement, si le prix du pétrole explose et cause de l’inflation, la BCE pourrait revoir sa position. Mais le premier risque en Belgique concerne plutôt la tenue des finances publiques. Le pays n’a pas encore de gouvernement, pas de nouveau budget. Ça peut amener des craintes des marchés, augmenter l’endettement et faire grimper les taux. Pour 2025, c’est le principal risque que je pointerais.»
Un bon dossier pour négocier
Outre ces éléments plus «macro», il reste aussi l’élément plus personnel qui influencera le taux décroché auprès d’une banque. «Le taux dépend effectivement des conditions sur le marché, mais il ne faut pas négliger l’importance de la classification qui est faite par les banques entre les bons dossiers et les moins bons. Par exemple, qu’est-ce que l’emprunteur achète comme bien? Avec quel apport financier se présente-t-il? Quelle quotité du prix d’achat veut-il emprunter? A-t-il des produits supplémentaires dans sa banque? Tous ces éléments peuvent également influencer le taux obtenu», rappelle encore John Romain.
«Il y a à nouveau plus de marge de négociation sur les taux lors de l’achat d’un bien immobilier, abonde Brecht Coene. Sur le prix de l’immobilier en revanche, il reste délicat d’imaginer une baisse à court terme. Les acheteurs pourront simplement conclure un emprunt plus facilement.»
Dans ses dernières prévisions, le Bureau fédéral du Plan notait qu’après «l’important recul des investissements en logements des ménages en 2022 et 2023, ainsi qu’au premier semestre de 2024 mais de manière moins prononcée, […] 2025 devrait voir la croissance redevenir positive, dans un contexte de légère baisse des taux hypothécaires et de poursuite de la progression du pouvoir d’achat.»
La confirmation depuis lors de la baisse des droits d’enregistrement en Wallonie, de 12,5% à 3% pour les primo-acquérants, devrait également jouer en faveur d’une reprise du secteur immobilier, notamment en soulageant le besoin de financement des acheteurs.
La baisse des taux des derniers mois a permis aux acheteurs d’emprunter un peu plus, pour moins cher, que l’an dernier à la même époque. L’Union professionnelle du crédit (UPC), qui représente le secteur du crédit aux particuliers, note que le montant emprunté pour l’achat d’un logement s’est accru au troisième trimestre 2024, d’environ 10.000 euros par rapport à 2023, pour atteindre près de 202.000 euros en moyenne. Le même mouvement à la hausse s’observe pour les crédits de construction et ceux combinant achat et rénovation.
Le choix du taux fixe reste celui d’une majorité de Belges, 88% signant cette option lors de l’octroi d’un crédit. «Malgré la baisse des taux, les consommateurs belges continuent donc de privilégier très largement la sécurité, pointait l’UPC concernant les chiffres du troisième trimestre 2024. En y ajoutant les crédits avec un taux d’intérêt variable assorti d’une période initiale de fixité des taux de minimum 10 ans, ce sont mêmes 95% des crédits qui sont concernés.»
«Le taux fixe est en général plus élevé et n’est à privilégier lorsque les taux sont vraiment bas, pour le sécuriser à plus longue échéance. Mais il faut bien se rendre compte qu’il s’agit de prendre moins de risques en payant un peu plus. La Belgique fait un peu figure d’exception sur ce point, alors que les formules de taux variables ont plus de succès aux Pays-Bas ou en Allemagne par exemple. Actuellement, alors qu’il y a des possibilités de baisse à court terme, j’opterais pour un taux variable», ajoute John Romain.
L’année 2025 verra la poursuite probable de la reprise sur le marché immobilier, avec des taux qui pourraient varier plus légèrement autour du niveau actuel. Une altitude de croisière, en somme.