Abdoulaye Soumah livre le récit de sa migration de Guinée-Conakry vers l’Europe. Un parcours de souffrances qui a coûté la vie à Fatoumata, sa petite amie.
L’Histoire de Souleymane, le film de Boris Lojkine, a mis en lumière le parcours excessivement âpre d’un candidat réfugié pour survivre à Paris en livreur ubérisé. L’acteur principal, Abou Sangaré, récompensé du prix de la révélation masculine à la cérémonie des César le 28 février, y joue le rôle principal. Lui-même émigré de Guinée-Conakry, il a inspiré certains pans du film. Avec le livre Je ne voulais pas partir (1) d’Abdoulaye Soumah, c’est le périple du migrant avant son arrivée en France qui est décrit dans ce qui aurait pu être le chemin emprunté par Abou Sangaré.
Abdoulaye Soumah aussi est né en Guinée-Conakry. Il est le premier enfant de la deuxième épouse de son père. L’union entre la catholique et le musulman n’est pas du goût de son demi-frère, l’aîné de la famille fondée par son père et sa première épouse. Mohamed considère que la mère d’Abdoulaye, «en tant que catholique, […] n’a pas sa place aux côtés d’un bon musulman. C’était en tout cas l’alibi de sa jalousie», avance l’auteur, qui soupçonne en réalité une question d’héritage. Le patriarche décédé, les brimades à l’encontre des membres du deuxième foyer redoublent jusqu’à mener à l’expulsion de la deuxième épouse de la maison familiale partagée. Le choc est tel que la femme, malade, décède à son tour, et que, pour échapper à sa part de responsabilité, Mohamed, qui est un militaire et bénéficie d’une impunité dans un pays théâtre d’un coup d’Etat en 2021, fait emprisonner Abdoulaye. Orphelin, méprisé par la deuxième partie de sa famille, celui-ci décide de fuir vers l’Europe, une fois que sa petite amie, qui a subi une agression sexuelle pour y parvenir, l’a fait sortir de prison.
«Le danger [de l’émigration] est vague derrière le brouillard de l’espoir.»
Avec Fatoumata, il rejoint le Mali, puis l’Algérie, travaille pour financer la suite du trajet, vit l’enfer en Libye. Pris en otage, lui sera contraint à des travaux forcés, elle sera violée. Le couple ne devra sa libération qu’au dépôt d’une rançon par la famille de la jeune femme. Le drame est sans fin. Elle se noie quand le bateau qui les emmène à Lampedusa chavire. Abdoulaye en réchappe et gagne l’Italie après six mois de souffrances. «Si c’était à refaire, après tout ce que j’ai subi, je ne le referais probablement pas», confie-t-il. Mais «le danger est vague derrière le brouillard de l’espoir». Après avoir été aidé par le Jesuit Refugee Service, il est devenu ouvrier du bâtiment dans le sud de la France.
