La crise politique bruxelloise gagne désormais la Cocom, qui va devoir serrer la ceinture lors de la législature à venir. Les étudiants non-européens pourraient en faire les frais, avant les bénéficiaires d’allocations familiales.
Vous ne connaissez pas la Cocom ? Commencez par ceci
La Cocom (Commission communautaire commune) est, en quelque sorte, le mélange de la communauté française et de la communauté flamande au sein du parlement bruxellois. Elle est donc compétente pour les Bruxellois francophones et néerlandophones, alors que Vivalis (ex-Cocof) est compétente pour les francophones, et la VGC pour les néerlandophones. La Cocom règle et gère essentiellement les matières personnalisables (santé et aide aux personnes) en Région bruxelloise. Elle est compétente à l’égard des personnes (les Bruxellois et Bruxelloises, mais aussi celles et ceux qui bénéficient, à Bruxelles, des services des institutions de santé et d’aide aux personnes) et de plus de 300 établissements et services bilingues (hôpitaux, CPAS, services de soins, centres d’accueil, etc.).
Pendant la crise sanitaire, par exemple, la Cocom a exercé un rôle important de coordination de la vaccination et du testing, ainsi que dans l’aide sociale pendant le confinement. Elle est financée principalement par l’Etat fédéral mais également par la région bruxelloise. La plupart de son financement est utilisée pour les allocations familiales.
Alors que Elke Van Den Brandt (Groen) et Christophe De Beukelaer (Les Engagés) prolongent les réunions bilatérales avec les différents partis dans le but de mettre sur pied un gouvernement régional, Bruxelles fonce vers la crise budgétaire. Cette semaine, le parlement bruxellois se penche sur les douzièmes provisoires du deuxième trimestre de l’année 2025. Pour rappel, il s’agit des crédits nécessaires pour faire fonctionner la Région sans voter de budget (ce qui nécessite un gouvernement) en reprenant le budget alloué l’année précédente, divisé par douze pour chaque mois, et voté en paquet de trois mois. En décembre dernier, alors qu’il fallait voter les douzièmes provisoires pour les mois de janvier, février, et mars, le débat avait déjà fait couler beaucoup d’encre. Les libéraux (principalement) déploraient l’orientation idéologique de certaines dépenses présentées comme provisoires.
Cette critique fuse toujours depuis les bancs des libéraux, comme l’a réitéré Sadik Koksal (MR) en Commission des affaires bicommunautaires (plus classiquement appelée Cocom), mais un autre facteur vient corser le débat à l’aune du deuxième trimestre de l’année. En mars 2024, l’agence de notation Standard & Poor’s, dégradait la note de la Région bruxelloise d’un cran (de AA- avec perspective négative à A+ avec perspective stable). Dans les faits, cela implique pour la Région qu’elle emprunte à des taux plus importants. En juin prochain, l’agence de notation réitèrera l’exercice et le résultat attendu est similaire: plus personne sur les bancs des députés bruxellois ne s’attend à autre chose qu’une nouvelle dégradation de la note.
Les allocations familiales et les étudiants non-européens, nouvelles victimes de l’absence de gouvernement ?
Pour la Région bruxelloise, la situation n’est pas neuve. La dette est là, elle excède les 14 milliards, et ne cesse grandir. En revanche, la Cocom, après des années de stabilité budgétaire, est au bord du précipice et devra bientôt faire un choix. C’était l’objet des débats, ce mardi, au sein de la commission dédiée.
«Quand Bruxelles a reçu la compétence des allocations familiales, l’allocation de base par enfant était de 150 euros, se souvient le membre du collège (l’équivalent d’un ministre au sein de la Cocom) en charge des Allocations familiales, Bernard Clerfayt (DéFI). Il y a eu la promesse qu’au premier janvier 2026, celle-ci serait augmentée à 160 euros.» Cette augmentation, quand elle viendra au jour, alourdirait les dépenses de la Cocom de 27 millions d’euros, ce qui propulserait alors la Cocom sur la même pente glissante que la Région bruxelloise: celle du déficit structurel. Un «vrai» problème car le financement de la Cocom dépend aussi du fédéral, et cet échelon de pouvoir semble peu enclin à envoyer plus de finances vers Bruxelles depuis le 9 juin, d’autant plus qu’une telle modification nécessite une majorité des deux tiers à la Chambre. Bref, la Cocom doit trouver un autre plan. «Quand on a voté ça en 2017, tout le monde était content et personne ne pensait à 2026, on se disait que ceux au pouvoir à ce moment-là prendraient une décision», sourit Clerfayt.
Une fois le prochain gouvernement bruxellois mis sur pied, il devra se pencher sur l’abandon des allocations familiales
C’est ainsi qu’en 2023, une commission d’experts a entamé une «spending review» (une étude des dépenses) et ont pointé 17 mesures pour limiter les dépenses, dont l’augmentation en question. Le comité de gestion des allocations familiales semble avoir accepté l’abandon de cette majoration, selon Bernard Clerfayt. Nouveau problème, il faut un gouvernement de plein exercice pour entériner ce renoncement ou passer par le parlement. Mais la mesure est impopulaire, et bien courageux les partis qui, sans majorité solide, tenteraient de s’y mouiller.
Avec l’augmentation de la paupérisation à Bruxelles, couplée à la croissance démographique, l’abandon de ce bonus 10 euros sur les allocations familiales ne suffira pas. Et d’ici 2029, fin de la législature, le trou créé avoisinera les 250 millions d’euros. Pour combler ce trou, Benjamin Dalle (CD&V) propose de mettre fin aux allocations attribuées aux étudiants non-européens se rendant à Bruxelles. Une mesure bien moins impopulaire, moins efficace également et qui ne permettrait d’économiser que 11,8 millions d’ici la fin de la législature. En 2023, l’aide intervenait pour 1.561 étudiants, (et la projection du «spending review» projette 3.800 dossiers en 2029).
A en croire Bernard Clerfayt, il n’est pas impossible que le texte soit validé par le Parlement. «Mais une fois le prochain gouvernement bruxellois mis sur pied, il devra se pencher sur l’abandon des allocations familiales», ou trouver un autre moyen de rentrer dans le cadre budgétaire, mais le fédéral ne l’aidera pas.