lundi, mai 20

Une vague de chaleur mortelle frappe de plein fouet la région. En Thaïlande, où 30 décès ont été enregistrés, la population ne sait plus comment échapper aux effets de la canicule.

Aum ne sait plus quoi faire: elle a beau avoir allumé la climatisation dans toutes les pièces de sa maison, cette mère de famille de 45 ans dit suffoquer et suer à grosses gouttes face à la chaleur accablante qui s’abat sur la Thaïlande, et plus globalement sur toute l’Asie du Sud-Est depuis le mois d’avril, lequel est considéré comme le plus chaud de l’année dans la région. Elle qui vit dans la province de Pathum Thani, à une trentaine de kilomètres au nord de Bangkok, où le thermomètre indiquait 42,8°C le 1er mai, a profité du jour férié pour amener son fils à Siam Paragon, l’un des principaux centres commerciaux surclimatisés de la capitale, afin d’y trouver plus de fraîcheur. «On brûle, il faut boire au maximum et éviter de sortir», se plaint Aum, surveillant d’un œil son fils de 7 ans gambadant dans une allée de ce mall prisé par les touristes et les locaux fuyant la canicule extrême.

Pollution atmosphérique

Nat, 37 ans, exténuée par l’atmosphère intenable, est, elle aussi, venue trouver refuge dans ce temple du consumérisme. Pour elle, qui habite Bangkok depuis la naissance, la situation s’aggrave au fil des ans. «Avec cette chaleur, simplement marcher dans la rue trop longtemps peut être dangereux», dit-elle, essoufflée derrière son masque, après s’être essuyé le front avec un mouchoir. Elle et son amie Hiromi, une Japonaise qui vit à Bangkok depuis 7 ans, confient avoir été récemment à deux doigts de s’évanouir à cause d’un coup de chaud. Nat s’inquiète par ailleurs du réchauffement climatique, dont elle ressent plus que jamais les effets délétères. «En ce moment, ils en parlent beaucoup à la télé, mais est-ce que cela sera suffisant pour sauver la planète?», s’interroge-t-elle. Déjà touchée par une pollution atmosphérique intense – Chiang Mai, dans le nord du pays, était le 1er mai la ville la plus polluée du monde, selon IQAir –, la Thaïlande a dernièrement vu les niveaux de chaleur se rapprocher des 44,6°C historiques enregistrés en 2023, année des records de température partout sur Terre. En effet, 44,2°C ont été recensés le 22 avril à Lampang, dans le nord du pays. A tel point que la consommation d’électricité a atteint, le 29 avril, un nouveau record de 36.699 mégawatts, d’après Bloomberg. En l’espace d’une semaine, la demande a franchi à trois reprises un nouveau pic.

Quasi tous les jours, l’Institut météorologique national (TMD) alerte sur les températures caniculaires, appelle donc la population à s’hydrater et à ne pas s’exposer trop longtemps au soleil ravageur. Encore une fois, l’administration métropolitaine de Bangkok a évalué, le 2 mai, l’indice de chaleur, qui mesure la température ressentie quand l’humidité est prise en compte, «très dangereux», car supérieur à 52°C. Pour le treizième jour consécutif. Damian Karl Van Es, basketteur professionnel, en a fait l’expérience. Ce Belgo-Thaïlandais qui habite Bangkok rentrait chez lui en scooter après l’entraînement quand, soudain, il a senti ses muscles se contracter, ses bras commencer à trembler, et son rythme cardiaque s’accélérer. Il s’est alors garé puis, heureusement, une vieille dame l’ayant vu au bord du malaise lui a apporté de l’eau. Cette insolation, après être passée par la case des urgences, lui a coûté quatre jours de repos. «Il a fait si chaud cette année, surtout en avril, c’est un véritable sauna», constate ce sportif de 21 ans, bien bâti, à l’épaule tatouée. «Un enfer absolu», complète son ami Angelo, qui dit littéralement cuire lorsqu’il se déplace en mototaxi, un moyen de transport très utilisé dans la mégalopole de dix millions d’habitants. «Je n’ose même pas imaginer à quel point la situation doit être difficile pour les classes populaires qui n’ont pas les moyens d’accéder à la clim, ceux qui bossent en extérieur et les sans-abri.»

Ecoles fermées

Certains ont payé le prix fort de cette terrible canicule: depuis le 1er janvier, les insolations ont déjà tué au moins 30 personnes en Thaïlande, selon les autorités sanitaires. Des chiffres qui n’augurent rien de bon: à titre de comparaison, le royaume de 70 millions d’habitants avait enregistré 37 décès pour les mêmes raisons sur l’ensemble de l’année passée.

Mais il n’y a pas que la Thaïlande qui est en proie à une chaleur étouffante. Toute l’Asie du Sud-Est transpire. Cette année, le phénomène El Niño, qui fait grimper les températures et provoque un temps sec, n’a rien arrangé. La Birmanie voisine, où le conflit depuis le coup d’Etat de février 2021 a déplacé plus de deux millions de personnes, a enregistré une température record: 48,2°C à Chauk, dans le centre du pays. Aux Philippines, l’agglomération de la capitale, Manille, avec 38,8°C, a surpassé le pic de chaleur historique de 1915, selon un média local: pendant quelques jours, le pays a été contraint de fermer 47.000 écoles publiques pour protéger ses écoliers. Du côté du Vietnam, où les températures maximales oscillent entre 39 et 42°C, les habitants de Hô Chi Minh-Ville subissent la plus longue vague de chaleur depuis près de 30 ans, affirme VnExpress. Le Cambodge, quant à lui, connaît les températures les plus élevées depuis 170 ans, ont déclaré les autorités locales à l’agence de presse AP.

Plus largement, une étude publiée le 23 avril par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) indique que l’Asie a été en 2023 la région du monde la plus touchée par les catastrophes météorologiques, climatiques et hydriques. En Asie du Sud-Est, beaucoup attendent impatiemment de sortir le parapluie, et pas pour se protéger de la chaleur comme actuellement…

Inondations dévastatrices en Afrique

Le Kenya a connu ces dernières semaines «un des plus violents épisodes du phénomène El Niño depuis 1950», a expliqué l’ONU. Les inondations et glissements de terrain consécutifs ont provoqué un terrible préjudice à ce pays d’Afrique de l’est: 210 morts, 100 disparus, 200.000 déplacés. Dans la Tanzanie voisine, 150 morts ont été recensés.

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