Henri, 94 ans: «J’étais dopé aux antibiotiques»
Une dizaine le matin, deux le soir au repas et un somnifère en début de soirée. Un cocktail de médicaments qu’Henri, 94 ans, ingurgite chaque jour pour traiter ses problèmes de tension, de diabète de type 2, de thyroïde et d’arythmie.
Il y a encore quelques mois, le nonagénaire vivait seul dans sa maison du sud de Bruxelles. Hospitalisé pendant six semaines en raison d’un grave problème pulmonaire, il n’est aujourd’hui plus capable de vivre en autonomie. «Lorsque j’étais à l’hôpital, j’ai été transféré d’un service à l’autre et j’ai reçu énormément d’antibiotiques. J’avais l’impression d’être dopé aux médicaments. J’ai commencé à avoir des hallucinations, sans doute à cause de tous ces cachets que je prenais.» A sa sortie, Henri a rejoint un centre de revalidation, puis il est entré dans une première maison de repos avant de déménager dans celle où il réside actuellement.
«L’information à propos de mes traitements a toujours bien circulé entre les différentes structures. Et avec mon médecin, nous avons convenu qu’il vienne me voir une fois par mois. Il examine mes petits bobos et adapte la médication en fonction de ce qu’il constate. Lors de sa dernière visite, il n’a rien modifié.» Combien débourse-t-il chaque mois pour ses médicaments? Il l’ignore. Il sait uniquement qu’ils sont «très bien remboursés».
Henri a entièrement confiance en son médecin de famille qui le suit depuis plus de 20 ans. Mais tous les résidents de sa maison de repos n’ont pas la chance de voir le généraliste aussi souvent. Certains viennent régulièrement, d’autres moins. L’un ou l’autre ne se montrent presque jamais et sont peu joignables.
En plus de son médecin, Henri consulte aussi une kinésithérapeute deux fois par semaine, plus une séance collective le vendredi. Le dentiste, en revanche, il n’en a pas vu la blouse depuis au moins quatre ans. Il estime que pour «les trois petites dents qu’il lui reste», cela ne vaut plus la peine. La praticienne chez qui il se rendait autrefois a cessé son activité et comme un dentiste «ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval», il n’a plus reçu de soins bucco-dentaires.
L’impasse sur la visite chez le dentiste n’est pas propre aux seniors. C’est une mauvaise habitude que prennent de plus en plus de Belges puisque 4% reportent leur rendez-vous, faute de moyens. Mais le rapport de la Mutualité chrétienne (MC) montre que cette tendance est plus marquée encore chez les seniors. En 2023, à peine la moitié d’entre eux sont allés à un rendez-vous chez le dentiste. «C’est préoccupant, compte tenu de l’importance d’une bonne hygiène bucco-dentaire et de son lien avec la santé générale et le bien-être des personnes âgées», évalue Elise Derroitte, vice-présidente dela MC. Certaines maisons de repos ont pris le problème à bras-le-corps en nommant un coordinateur de soins bucco-dentaires, à l’image des médecins coordinateurs.
Dans les recommandations qu’elle formule, la mutualité plaide pour un meilleur développement d’équipes et d’unités mobiles dans les maisons de repos et une meilleure nomenclature pour les hygiénistes dentaires, dont la mission est d’assurer une meilleure prévention des maladies bucco-dentaires.