Une carte blanche du MR, publiée sur le site du Vif, a provoqué des échanges tendus, mais surtout un peu de frustration en interne, au sein du parti. La politologue Caroline Close donne quelques éléments de compréhension de la stratégie Bouchez.
Il n’y a pas eu de conseil de parti, ce lundi matin, au MR, après un week-end où le parti libéral s’est révélé en mauvaise posture dans les sondages, tout comme son président. Il apparaît que ce n’est pas la seule raison, puisque la journée de vendredi a été marquée par de nouveaux débats internes au sein du parti. Corentin De Salle, conseiller à la présidence du parti, avait rédigé une carte blanche suite aux évènements survenus en marge de l’homme à Jean Gol portant sur la violence politique. Cette carte blanche, parue sur le site du Vif, n’a pas bénéficié d’un accueil unanime de la part des mandataires MR auxquels il avait été demandé de signer. Un membre a même refusé de parapher (ce qui fait un peu tâche dans les signatures). Plusieurs sources rapportent au Vif qu’il s’agit de Michel De Maegd, mais d’autres élus ont également fait preuve de leurs réticences aussi bien sur la forme que sur le fond.
Prévenus à 12h30, les parlementaires MR de tout le pays ont eu très peu de temps pour se positionner sur la carte blanche. Mais ils l’ont fait. Certains ont critiqué la polarisation amenée par le texte, son ton violent voire haineux, sa simplicité et sa tendance à «jouer le jeu» des antifas. La différence entre une version antérieure (que Le Vif s’est procurée) et celle finalement publiée ne diffère pourtant que de quelques lignes. Des mentions à «la rectrice de Liège», aux accusations de racisme émises par «des associations islamistes», ou à Dom Hélder Câmara (évêque brésilien) ont cependant été supprimées.
Il ressort que c’est le président du parti, Georges-Louis Bouchez, qui a (in)validé les propos de ses collègues. «Des critiques peuvent toujours être faites, admet l’auteur de la carte blanche, Corentin De Salle. Mais cette lettre est passée par chaque chef de groupe parlementaire. Dans un document amendé, tout le monde ne peut pas y retrouver toutes ses sensibilités. (…) Il faut parfois se méfier de l’effet du petit dénominateur commun. C’est normal et sain qu’il y ait des désaccords en interne.» Note cocasse tout de même, la mention du «caractère fougueux» du Montois a disparu.
«Pendant ce temps-là, on ne parle pas des 500 euros en plus»
Alors, pourquoi ne pas avoir pris en compte les remarques venues des bancs parlementaires? Pourquoi avoir maintenu la phrase «c’est vraiment n’importe quoi» pourtant décriée par plusieurs d’entre eux? «Dans l’histoire du MR, les sensibilités de chacun ont toujours eu plus de place pour s’exprimer que dans les autres partis. Le MR a historiquement misé sur une primauté de l’individu, observe la politologue de l’ULB, Caroline Close, qui s’est penchée sur la cohésion interne des partis. Mais en effet, ici, cela donne de plus en plus l’impression d’un président qui tient une ligne qui n’est pas le point médian du parti.»
C’est la continuité de sa campagne qui attaquait les 50 nuances de gauche, ensuite il y a eu les attaques contre les syndicats, les associations militantes, et désormais ce sont les antifas.
Parmi les remarques à la carte blanche, l’une indiquait qu’il pourrait être judicieux d’inviter les autres partis démocratiques à signer cette lettre, par exemple. Cela aurait d’ailleurs forcé chaque parti à se positionner et à renverser le malaise. «Ce n’est pas l’intérêt de Georges-Louis Bouchez, estime Caroline Close. Il veut surtout faire sens au discours qu’il impose depuis plusieurs années.» Pour le président du MR, c’est un pas de plus dans sa guerre culturelle. La politologue rejette, comme d’autres membres du MR d’ailleurs, l’idée d’une carte blanche nuancée. «C’est la continuité de sa campagne qui attaquait les 50 nuances de gauche, ensuite il y a eu les attaques contre les syndicats, les associations militantes, et désormais ce sont les antifas.»
Selon elle, l’intérêt du président du MR réside surtout en l’occupation perpétuelle de l’espace médiatique. «Et qu’un média couvre le fait qu’une carte blanche du parti fasse des dissentions en internes, pour lui, c’est banco. Pendant ce temps-là, on ne parle pas de politique publique, ou l’on dévie l’intérêts des électeurs du MR à qui il avait promis 500 euros de plus.» En réalité, Caroline Close estime que si les opposants internes à Georges-Louis Bouchez souhaitaient vraiment faire bouger les lignes, ils gagneraient à faire front. «Mais pour l’instant, aucun projet du MR n’a été mis en péril suite aux dissensions internes.»
Et cette occupation du terrain médiatique, résume Caroline Close, fait partie de la stratégie du parti. A titre de comparaison, le président des Engagés, Yvan Verougstraete (et Maxime Prévot avant lui), est moins appelé que son homologue libéral pour s’exprimer sur les débats quotidiens. «Cette personnification du pouvoir est plus cohérente avec certaines idéologies. Il y a des éléments objectifs du discours de Georges-Louis Bouchez que l’on retrouve chez des leaders de droite radicale. (…) Ce n’est pas péjoratif, mais c’est un constat objectif: si on le compare à d’autres partis sur le plan politique européen, le MR n’est plus un parti libéral, mais un parti conservateur.»















