Le CHU de Liège a developpé un nouveau test génétique néonatal qui permet de détecter plus de 165 maladies pédiatriques rares, avant l’apparition des symptômes. Un dispositif prometteur et innovant destiné à mieux soigner les enfants. Mais qui n’est pas encore tout à fait au point, selon certains hôpitaux.
Prévenir les maladies avant qu’elles ne se déclarent pour mieux les traiter, c’est la promesse du test de dépistage néonatal Baby Detect, développé par le CHU de Liège. Depuis plus de trois ans, une équipe menée par les professeurs Laurent Servais (neuropédiatre) et François Boemer (généticien) élabore un test génétique qui permet de détecter plus de 160 maladies potentielles chez un nouveau-né et dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature Medicine.
165 maladies rares dépistées
Baby Detect se veut complémentaire au test de Guthrie, le seul dépistage néonatal actuel en Fédération Wallonie Bruxelles, qui permet déjà de dépister 23 maladies graves et traitables de l’enfant, dont la mucoviscidose. Le test du CHU de Liège irait plus loin, en permettant de détecter plus de 165 maladies pédiatriques rares génétiques, pour lesquelles il existe déjà un traitement efficace. «Baby Detect vise les maladies pédiatriques graves dont les symptômes peuvent se déclarer avant les 5 ans de l’enfant, explique Aymeric Harmant, directeur général de Thameus, la spin-off du CHU chargée de commercialiser le test. Il ne va pas chercher les risques d’Alzheimer ou de cancer qui pourraient se développer à 40 ans. On ne veut pas stresser les parents pour une potentielle maladie qui peut se déclarer plus tard ou pour laquelle il n’existe pas de traitement.»
Les maladies dépistables au Baby Detect, avant même l’apparition des symptômes, concernent tous types de spécialités médicales (cardiologie, immunologie, neurologie, ophtalmologie…).
Eviter l’errance diagnostique
En Belgique, chaque jour 10 enfants naissent avec une maladie génétique environ et 700.000 personnes souffrent de maladies rares (NDLR : dont la prévalence est de moins de 5 personnes sur 10.000), rapporte Aymeric Harmant. Il en existe près de 8.000 dans le monde, toutes n’ont pas de traitement. Pour ce genre de maladie l’errance diagnostique, le temps passé avant de poser le bon diagnostic, dure près de 5 ans en moyenne.
Or, l’évolution de la maladie peut dépendre du moment où le traitement est reçu. «Plus tôt elle est identifiée, plus tôt elle est prise en charge, ce qui permet d’améliorer l’état de santé des patients» et faire des économies en termes de soins de santé, assure par ailleurs le directeur général de Thameus.
5.800 nouveaux-nés ont été dépistés depuis le lancement de l’étude en septembre 2022 dans deux maternités liégeoises, celle de l’hôpital de la Citadelle et celle de l’hôpital des Bruyères (Chenée). Baby Detect se fait deux jours après la naissance, au même moment que le test de Guthrie, la procédure étant similaire: un prélèvement sanguin au niveau du pied du bébé, détaille Aymeric Harmant. L’échantillon est ensuite passé dans un séquenceur ADN et les résultats sont disponibles après deux mois.
Selon les premiers résultats, après 18 mois de recherche, le taux de cas positifs dépistés grâce au test Baby Detect est estimé entre 0,5% et 1,8%, autrement dit entre 500 et 2000 bébés par an en Belgique si ce test était généralisé à l’ensemble des nouveaux-nés. Parmi les pathologies détectées, la maladie de Wilson, une maladie génétique rare qui provoque une accumulation de cuivre dans les organes et pouvant être potentiellement mortelle. Un bébé passé par le Baby Detect a donc pu bénéficier d’un traitement préventif qui lui évitera des complications futures.
Baby Detect, un test coûteux
Thameus souligne la bonne acceptabilité du Baby Detect puisque que le taux de participation s’élève à 90%. Sans doute lié à la gratuité du test pour les parents qui ont accepté de participer à l’étude. Le test y sera suggéré gratuitement jusqu’à la fin de l’étude, en juin 2025. Mais désormais, chaque maternité du pays peut choisir de le proposer à ses patients, pour… 650 euros à charge des parents. Le succès pourra-t-il se pérenniser? «Je n’ai pas la réponse, concède Aymeric Harmant. Il ne sera pas payable pour tout le monde. Mais dans les hôpitaux où on en parle, certains patients restent intéressés.»
Thameus souhaite parvenir à obtenir un remboursement de l’Inami pour le Bady Detect, mais ce ne sera pas pour tout de suite. L’entreprise attend la fin de l’étude pour introduire la demande, qui pourrait prendre «4 ans avant d’être acceptée», selon le directeur. A ce jour, seuls les bénéficiaires d’Ethias peuvent recevoir une compensation de 100 euros pour ce test.
Désormais, six autres hôpitaux ont commencé à promouvoir le Baby Detect: le CHR Huy, le CHC MontLégia, le CHC Heusy, CH Reine Astrid de Malmedy, la Clinique Saint-Jean, et le CH Bois de l’Abbaye. Seulement les hôpitaux de Huy et de Malmedy ont déjà réalisé le test.
Quelques critiques
Si certaines maternités sont enthousiastes, d’autres ont émis des réserves. Les comités d’éthique de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF) et des Cliniques universitaires Saint-Luc saluent «une innovation qui soulèvent autant d’espoir que de questions».
Dans un communiqué, les institutions «reconnaissent l’intérêt d’un dépistage néonatal élargi, mais estiment que BabyDetect, dans sa forme actuelle, ne peut être soutenu, ni promu», en raison d’immaturités scientifique, logistique et éthique. Selon les comités, «le panel de pathologies sélectionnées manque de consensus scientifique national et international sur l’intérêt tant pour le patient, qu’en matière de santé publique», et la performance du test n’est pas suffisamment établie. Ils regrettent également le côté mercantile et «purement commercial» du projet: «les modes de promotions du projet ne peuvent assurer un cadre favorisant l’autonomie libre et éclairée de parents en situation de vulnérabilité périnatale». D’autant plus, qu’il manque en Belgique des ressources pour proposer un suivi adéquat aux familles, à l’issue du test.