jeudi, décembre 26

Un médecin australien a conçu un appareil destiné à faciliter le suicide assisté. Mais pour les associations œuvrant dans l’aide à mourir, cette initiative pourrait faire pire que mieux.

Le 12 juillet dernier, le journal suisse Neuer Zürcher Zeitung annonçait dans ses colonnes le lancement prochain d’un appareil controversé: «Sarco». Conçu par le médecin australien Philip Nitschke, il se présente comme un «sarcophage» à l’allure futuriste où une personne peut s’enfermer et appuyer sur un bouton. Le système injecte alors de l’azote dans l’habitacle, provoquant une perte de conscience en quelques secondes, puis la mort en 5-10 minutes.

Selon son concepteur, cette «capsule de la mort» permettrait à quiconque de mettre fin à ses jours simplement, sans l’avis d’un médecin. L’engin serait en effet librement disponible, Nitschke assurant que son invention ne serait pas qualifiée d’appareil médical (bien que des juristes suisses en doutent fortement). Quoi qu’il en soit, cette «Tesla de la mort», comme la surnomment les journaux helvétiques, provoque la consternation chez les associations accompagnant les candidats à l’aide à mourir, en Suisse comme en Belgique.

Une méthode indolore?

Ce n’est pas la première fois que Philip Nitschke fait parler de lui. Tout au long de sa carrière, il s’est battu pour que son pays natal, l’Australie, autorise l’assistance au suicide. Il en a retiré une certaine aura mais, rapidement, celle-ci a pâli. En 2002, il était venu en Belgique lors du congrès de la World Federation of Right to Die Societes pour présenter un controversé «sac de suicide» en plastique. Déjà à l’époque, son dispositif permettait de raréfier petit à petit la teneur en oxygène dans l’air, jusqu’à provoquer le décès. Sa proposition avait été mal accueillie, d’autant plus que la Belgique venait d’autoriser la pratique de l’euthanasie.

Une illustration du «Sarco», dans sa forme finale. © Exit International / Avalon

Aujourd’hui, «Sarco» fait figure de version 2.0 de ce sac qui n’a jamais rencontré de succès. Selon Nitschke, l’injection d’azote permettrait une mort sans douleur, mais de sérieux doutes subsistent quant à cette affirmation. En janvier 2024, l’Alabama a utilisé l’azote pour procéder à l’exécution de Kenneth Eugene Smith. Une première dénoncée par l’ONU, qui parle de «torture». Selon le média local AL.com, le condamné «a commencé à se tordre et à se débattre pendant approximativement deux à quatre minutes, suivies d’environ cinq minutes de respiration bruyante». Son décès a été déclaré après 22 minutes.

Les associations révoltées

Au vu de ces éléments, il n’est pas certain que le «Sarco» puisse être lancé en Suisse, malgré la législation très libérale de ce pays. Une arrivée en Belgique «n’est même pas plausible», ajoute Jacqueline Herremans, présidente de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).

Tout comme des organisations helvétiques comme Dignitas ou Exit Suisse, ce qui la choque en premier lieu, c’est le manque d’humanité dans cette «Tesla du suicide». Car contrairement à un décès par injection en intraveineuse, aucune chance ici qu’un proche serre la personne mourante dans ses bras. Les médecins sont également exclus de l’équation et ne peuvent pas faire en sorte que l’aide à mourir soit vraiment l’ultime solution.

«Cela s’apparenterait à une mort brutale pour les membres de la famille, comme lors d’un accident de la route, estime Jacqueline Herremans. C’est une séparation douloureuse, sans accompagnement. Comment voulez-vous faire face à une émotion pareille si l’un de vos proches utilise un tel système? Même en imaginant que la famille ait le temps de se préparer à ce décès, il n’y a pas l’accompagnement nécessaire pour bien encadrer le deuil. C’est même contraire à la philosophie de l’OMS qui veut qu’une personne ne soit pas seule au moment de sa fin de vie.»

La présidente de l’ADMD ne voit aucune circonstance où le «Sarco» pourrait être intéressant. Philip Nitschke assure pourtant que son appareil permettrait de payer moins cher que pour un suicide assisté «normal» en Suisse. Mais Jacqueline Herremans n’est pas convaincue. «Puis en Belgique, l’aspect financier n’intervient pas. Ce sont les non-résidents, comme les Français, qui doivent surtout payer pour venir mourir en Belgique, par exemple avec les transports, les consultations de médecins, les nuitées d’hôtel, etc.».

Pour l’ADMD, cette controverse est donc nulle et non avenue. Pire: elle pourrait paradoxalement être préjudiciable à l’accessibilité aux techniques d’aide à mourir. «Les opposants à l’euthanasie pourraient céder à la tentation d’assimiler Nitschke à ceux qui encadrent la pratique de l’euthanasie. Cela nuit évidemment à la possibilité d’avoir le choix de mourir», s’émeut la présidente de l’association.

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