La grogne des agriculteurs se poursuit ce mercredi, provoquant de sérieuses perturbations aux quatre coins du pays. L’échangeur de Daussoulx (Namur), principal point de blocage, est entièrement rouvert à la circulation.
Depuis ce week-end, les agriculteurs mènent des actions aux quatre coins de la Belgique pour dénoncer leurs conditions de travail. Ils se disent étranglés par les charges administratives, des prix qui ne leur permettent pas toujours de rentrer dans leurs frais, et des règles qui se complexifient alors que le marché européen reste ouvert à des produits moins régulés venus de l’étranger.
Cette grogne provoque de sérieuses perturbations sur le réseau routier.
Wallonie
La réhabilitation de l’autoroute E42 qui avait débuté mardi après-midi à hauteur de l’échangeur de Daussoulx, sur les voies vers Mons, s’est achevée vers minuit, signale mercredi matin la Sofico. Toutes les bandes de circulation ont donc été rouvertes au trafic à cet endroit, où il a fallu réparer les dégâts causés par les feux allumés lors des récentes manifestations des agriculteurs.
Les équipes de pompiers ainsi que du SPW Mobilité et Infrastructures ont procédé à l’extinction des derniers feux sur la voirie et en berme centrale à hauteur de l’échangeur autoroutier (entre l’E42 et l’E411) de Daussoulx, avant que la voirie soit nettoyée.
La principale zone concernée se trouvait sur le pont central de l’échangeur, surplombant l’E411. Les inspections des revêtements et de l’ouvrage ont été menées dans la foulée, indique la Sofico. Les revêtements ont ensuite été râclés sur environ 10 cm, sur les trois voies de circulation et sur une surface totale de 500 m2.
Après ces opérations de rabotage, 100 tonnes d’asphalte à chaud ont été posées pour réfectionner les revêtements sur cette zone. L’autoroute a finalement pu être à nouveau ouverte en direction de Mons pendant la nuit, aux alentours de minuit. L’autre sens de circulation, en direction de Liège, avait pour sa part déjà été rendu à la circulation mardi vers 14h00.
Blocage du centre de distribution de Colruyt à Ghislenghien
Le centre de distribution de la chaîne Colruyt est bloqué depuis 17h30 en raison de la présence d’agriculteurs qui manifestent leur mécontentement. Une cinquantaine de tracteurs sont signalés autour des entrepôts du groupe, a confirmé mardi soir la porte-parole de Colruyt. « Le blocage est total pour le moment« , a indiqué vers 21h00 Hanne Poppe, responsable presse chez Colruyt. Aucun camion ne peut rentrer ou sortir du centre.
Les agriculteurs ont majoritairement quitté Namur
La majorité des centaines d’agriculteurs présents à Namur avaient quitté la capitale wallonne aux alentours de 17h00. La situation se normalise peu à peu.
Le monde de l’agriculture avait répondu présent en masse pour marquer son soutien aux responsables des syndicats et organisations agricoles qui rencontraient les ministres wallons de l’Environnement et de l’Agriculture, Céline Tellier (Ecolo) et Willy Borsus (MR). Sur le coup de 14h00, ce sont près de 500 tracteurs qui entouraient les cabinets ministériels, selon les organisateurs. Etaient notamment représentés la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA) et la Fédération Unie de Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs (Fugea). La Fédération des Jeunes Agriculteurs (FJA) et l’Union nationale des Agrobiologistes belges (UNAB) ont également été reçus par les ministres. Les rencontres se sont clôturées vers 16h00. Les manifestants ont ensuite commencé à prendre la route du retour.
Vers 17h00, seules quelques dizaines de tracteurs étaient encore dans la capitale. Le centre-ville reste difficilement accessible mais la circulation devrait reprendre son cours normal rapidement. Des oeufs ont été jetés sur la façade du cabinet de la ministre wallonne de l’Environnement et des feux allumés à proximité. Du purin a également été déposé devant la porte du siège de la ministre Ecolo, mais dans l’ensemble tout s’est passé dans la calme, a indiqué la police. Les échanges se poursuivront mercredi à Namur avec le ministre-président wallon, Elio Di Rupo (PS).
Les tracteurs agricoles en cortège sur l’A7/E19 à Feluy
L’autoroute A7/E19 est fermée à hauteur de Houdeng-Goegnies en raison d’un blocage par un cortège de tracteurs agricoles à hauteur de Feluy. Une déviation est proposée vers l’A15/E42 en direction de Liège. L’accès en direction de Bruxelles étant bloqué dans les deux sens, les usagers sont invités à emprunter l’A54 à Charleroi. En venant de Bruxelles, il est conseillé d’emprunter la A54 à hauteur de Nivelles.
Un barrage bloquant de tracteurs est également présent au rond-point de la N534/N59 de la Route Baccarat à Seneffe. « L’accès au dépôt Total à Feluy est ainsi bloqué depuis dimanche soir », a indiqué Bénédicte Poll, bourgmestre de Seneffe. « Par ailleurs, le trafic de l’autoroute, qui est bloquée, étant dévié via l’A54 et Charleroi, les axes secondaires dans la région sont fortement impactés. »
Des actions menées dans des grandes surfaces de Ciney
Une quinzaine d’agriculteurs ont mené mardi matin, de manière indépendante, une action dans plusieurs grandes surfaces de Ciney afin de sensibiliser la population à l’origine et au prix des viandes et volailles que l’on retrouve en rayon.
Ces agriculteurs, escortés par la police, se sont premièrement rendus au rayon boucherie de l’enseigne Colruyt. « On vient dans une démarche positive, pour dresser un constat et pour garantir une provenance belge. En Belgique, on a une traçabilité exemplaire, tout est contrôlé de A à Z et on retrouve, dans les rayons de supermarchés, des produits étrangers qui ne respectent pas les mêmes normes que les nôtres. C’est intolérable« , explique Firmin Baudoin, agriculteur à Sinsin (Somme-Leuze).
Ce dernier notait un problème au niveau de l’origine des produits, mais également du prix des viandes et des volailles.
Après Colruyt, cette délégation avait prévu de se rendre au Aldi et au Lidle de Ciney pour y mener des actions similaires.
Marche-en-Famenne : les agriculteurs bloquent des camions devant la centrale Lidl
Des agriculteurs présents mardi devant la centrale logistique Lidl de Marche-en-Famenne bloquent des camions à l’entrée et à la sortie du site depuis la veille. Un désaccord survenu dans l’après-midi a compromis les négociations entamées plus tôt dans la journée. Les manifestants ont intercepté après-midi un camion transportant des colis de viandes transformées aux Pays-Bas, placés derrière des palettes de produits belges, à la sortie de la centrale logistique Lidl de Marche, rapportent les agriculteurs présents sur place.
Un accord avait été trouvé plus tôt dans la journée entre des représentants de l’enseigne de grande distribution Lidl et les agriculteurs présents sur place pour permettre la circulation de certaines marchandises à l’entrée et à la sortie du site. « Ni Lidl ni nous ne voulons de gaspillage alimentaire« , avait fait savoir l’un des agriculteurs en début d’après-midi. Un accord remis en question à la suite de l’inspection par les agriculteurs d’un premier camion à la sortie de la centrale. Celui-ci transportait des colis de viande transformée aux Pays-Bas, placés derrière des palettes de produits belges. Selon Lidl, ces colis contenaient des pains de viande à base de porcs belges, mais découpés et empaquetés aux Pays-Bas. Cette découverte a mis un terme aux négociations entre Lidl et les agriculteurs, qui ont rétabli le blocage de tous les camions à l’entrée et à la sortie du site. Les négociations pourraient reprendre demain, indique un représentant de la chaîne de grande distribution. Environ 250 agriculteurs sont attendus sur place mardi soir.
Bruxelles
Perturbations au square de Meeûs
Une vingtaine de tracteurs sont campés au square de Meeûs, situé à proximité de la place du Luxembourg, a confirmé mardi matin la police bruxelloise, toujours présente sur place. Alors que plusieurs agriculteurs sont arrivés à Bruxelles dans la nuit de lundi à mardi, d’autres devraient très probablement rejoindre le cortège d’ici cette nuit.
Un braséro improvisé a pris ses quartiers dans le square, facilitant les conditions du campement de fortune des 19 agriculteurs présents sur place. Principalement originaires de la région au sud de Charleroi, ils ont prévu de rester dans la capitale jusqu’à la mobilisation du secteur prévue jeudi, leurs véhicules en guise de lits d’ici-là.
« D’autres agriculteurs arriveront probablement cette nuit », a par ailleurs indiqué Matthieu (21 ans), agriculteur venu de Philippeville. « Si la mobilisation en cours à Namur se passe mal, beaucoup de nos collègues devraient nous rejoindre à Bruxelles assez rapidement », a-t-il ajouté. Des agriculteurs venus du nord de la France et du Luxembourg pourraient également se joindre à la mobilisation bruxelloise.
« Les dirigeants européens votent des lois qui nous font mourir à petit feu, voire nous enterre, alors qu’ils pourraient véritablement chercher à se concerter avec les experts du terrain, à savoir nous », appuie Nicolas, agriculteur originaire de Gerpinnes.
Flandre
En raison de la protestation des agriculteurs, de nombreuses routes du nord pays sont elles aussi entravées mardi soir. C’est ce que signalent le Centre flamand de la circulation et plusieurs services de police.
Les agriculteurs prennent position sur la E40 à Bertem
Les agriculteurs en colère se sont, comme annoncé, installés sur la E40 (direction Bruxelles) à Bertem (Brabant flamand) vers 17h45. Ils seraient entre 100 et 150 mais d’autres pourraient les rejoindre. Ils viennent de différents endroits du Brabant flamand. Des points de rassemblement avaient été placés à Huldenberg, Kampenhout et Bierbeek. On ne sait pas combien de temps les agriculteurs resteront sur la E40. « Aucun plan n’a été convenu, mais nous ne passerons pas la nuit ici », a-t-on entendu de la part de certains participants. La police fédérale de la route est également sur place.
L‘A12 de Meise à Strombeek-Bever, en direction de Bruxelles, est également bloquée, selon le site du Centre flamand du trafic.
Des militants occupent les entrées d’autoroute sur les E34 et E17 entre Anvers et Gand
Les agriculteurs bloquent mardi après-midi « presque toutes les entrées » des autoroutes E34 et E17, en Flandre orientale, provoquant d’importantes perturbations de la circulation, ont signalé la police fédérale et le Centre flamand du trafic.
L’association « Groene Kring » pointe du doigt le décret azote en Flandre « qui n’ouvre aucune perspective », selon le président de la branche de Flandre orientale Karel D’Eer.
D’autres perturbations sont attendues dans la soirée le long de la E40 près d’Alost. Les entrées et sorties d’autoroute pourraient à leur tour être bloquées. Les militants veulent en outre bloquer les centres de distribution d’Aldi à Erpe-Mere et de Colruyt à Ninove.
Les routes d’accès au port de Zeebrugge bloquées
En Flandre occidentale toujours, des agriculteurs et des horticulteurs en colère bloquent les routes d’accès au port de Zeebrugge depuis mardi après-midi. Les bretelles d’accès de l’A11 au port de Zeebrugge sont complètement bloquées par une vingtaine de tracteurs depuis 14 heures mardi, et un barrage a également été érigé.
Une colonne de tracteurs provoque des perturbations sur le ring de Turnhout
À Anvers, une colonne de tracteurs s’est engagée sur la E34 et a emprunté toute la chaussée. L’autoroute a été bloquée près de Beerse, en direction d’Anvers/Ranst. On ne sait pas combien de temps ils comptent rester sur l’E34. Le ring de Turnhout (R13) est également bloqué. Des manifestations pourraient également avoir lieu dans le port d’Anvers mercredi, selon des informations émanant du secteur de l’agriculture.
Probables actions dans le port d’Anvers mercredi
D’après les informations émanant du secteur agricole, les agriculteurs souhaiteraient se rendre mercredi aux alentours de la zone portuaire anversoise, car elle symbolise l’industrie. Cette industrie est soumise à des règles moins strictes que le secteur agricole, estiment les agriculteurs. Il est possible que les agriculteurs veuillent bloquer les points de passage tels que les écluses, empêchant ainsi les navires d’avancer.
« Les employés qui peuvent faire du télétravail sont invités le faire », a fait savoir le Port d’Anvers-Bruges. Le même son de cloche se fait entendre dans les principaux terminaux. De nombreux travailleurs ne peuvent évidemment pas travailler à domicile, mais le reste du personnel rentrera chez lui avec son ordinateur portable mardi soir, afin de pouvoir rester à la maison mercredi si nécessaire.
Les syndicats veulent que l’agriculture soit à l’agenda du sommet européen
Le Premier ministre Alexander De Croo n’a pas oublié les agriculteurs, au moment de s’adresser aux corps constitués lors d’une réception de Nouvel An chez le Roi, au Château de Laeken. « Aujourd’hui, je pense surtout aux agriculteurs et aux entrepreneurs: leurs inquiétudes sont légitimes. Je comprends également l’angoisse que suscitent les nombreuses mesures que le secteur agricole doit intégrer rapidement », a assuré le libéral flamand. « Le gouvernement est ouvert à un dialogue constructif pour soutenir le secteur », ajoute le Premier ministre, qui rencontrera dans l’après-midi certains de ses représentants. « Je suis conscient de la nécessité de sécurité juridique pour que les exploitations restent viables », affirme Alexander De Croo, sans exposer cependant de pistes concrètes de solution.
Les syndicats représentants des agriculteurs veulent que le Premier ministre Alexander De Croo mette l’agriculture à l’ordre du jour du sommet européen qui se tiendra jeudi à Bruxelles. Leurs représentants l’ont clairement indiqué: « Il est important que l’agriculture soit à l’ordre du jour du sommet de jeudi », a souligné Marianne Streel, la présidente de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (Fwa)., alors que la Belgique assure la présidence tournante du conseil de l’UE.
Willy Borsus: « Les agriculteurs attendent des engagements et surtout des résultats »
Le ministre wallon de l’Agriculture, Willy Borsus, a rencontré des représentants de la Fugea (Fédération Unie de Groupements d’Éleveurs et d’Agriculteurs) et de la FWA (Fédération wallonne de l’agriculture). « Les agriculteurs attendent des engagements et surtout des résultats », a résumé le ministre à l’issue des rencontres avec les syndicats agricoles. « Les discussions ont été franches mais respectueuses. Les différents entretiens que j’ai eus, durant la journée mais aussi dimanche et ce soir encore à Hal avec la FJA (la Fédération des jeunes agriculteurs) me permettent d’être à l’écoute de façon précise de leurs revendications et de discuter de leurs points de priorité », a expliqué Willy Borsus.
Parmi celles-ci: les modifications à apporter à la PAC (la politique agricole commune) et aux normes environnementales ou encore la nécessaire simplification administrative. « Il y a une charge administrative qui est importante et, dans certains cas, beaucoup trop lourde », a admis le ministre Borsus qui s’est engagé à discuter d’un plan de simplification administrative au niveau wallon. « Les revendications du secteur portent également sur la concurrence déloyale. Les agriculteurs sont habitués à la concurrence, qui est normale, mais elle doit s’exercer à armes égales », a-t-il poursuivi en pointant à ce titre les craintes du secteur sur le volet agricole de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. « Le monde agricole considère que ce serait une véritable provocation. Je partage leur avis sur ce volet imbuvable. »
Céline Tellier: « Je prendrai ma part dans l’effort collectif »
« Je ne suis ni ministre de l’Agriculture ni ministre de l’Économie, mais je prendrai ma part dans l’effort collectif. Je suis aux côtés des agriculteurs, dans les compétences qui sont les miennes, pour les accompagner vers une agriculture moins victime des dérèglements de marchés et garante d’une rémunération juste », a assuré la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier, après avoir rencontré, mardi, à son cabinet, une série d’acteurs du monde agricole. S’y sont succédées, au fil de la journée, des délégations de l’Union des Agrobiologistes de Wallonie (Unab), de la Fédération des jeunes agriculteurs (FJA), de la Fédération Unie de Groupements d’Éleveurs et d’Agriculteurs (FUGEA), de la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA) et de l’Union des agricultrices wallonnes (UAW). « Je comprends la colère et l’inquiétude des agriculteurs et je suis tout à fait consciente de la pression qu’ils subissent aujourd’hui. Ils sont étranglés par un modèle économique ultralibéral leur imposant une concurrence déloyale face au marché mondialisé dérégulé. Il n’est pas acceptable que l’agriculture soit la variable d’ajustement des grands accords commerciaux », a-t-elle souligné.
Une nouvelle rencontre est prévue à Namur demain/mercredi. Elle réunira, outre le ministre Borsus, le ministre-président wallon Elio Di Rupo, la ministre régionale de l’Environnement Céline Tellier et les syndicats agricoles. « Elle permettra au gouvernement de s’exprimer en tant que gouvernement et, je l’espère, de s’engager« , a encore indiqué Willy Borsus. Elle sera suivie, vendredi, par une réunion entre les représentants du secteur, le ministre fédéral de l’Agriculture David Clarinval et les ministres régionaux compétents, dont Jo Brouns pour la Flandre.