Une distribution d’aide à Gaza a tourné au drame jeudi, se soldant par des dizaines de morts dans des circonstances qui restent à établir.
Le ministère de la Santé du Hamas accuse l’armée israélienne d’avoir tué 115 personnes en tirant sur une foule affamée qui se ruait sur des camions d’aide. L’armée israélienne a reconnu des « tirs limités » et affirmé que la plupart des victimes étaient mortes dans une « bousculade ».
Voici ce que l’on sait sur ce drame:
Que s’est-il passé ?
Un témoin a raconté à l’AFP que des milliers de personnes affamées s’étaient ruées jeudi matin sur des camions d’aide humanitaire près du « rond-point de Naplouse », sur la rue al-Rachid, dans l’ouest de Gaza-Ville. « Les soldats ont tiré sur la foule car les gens s’approchaient trop près des chars » israéliens, a déclaré ce témoin, qui a refusé d’être nommé pour des raisons de sécurité.
Un responsable militaire israélien a indiqué pour sa part que des « milliers de personnes » avaient été impliquées dans une « bousculade » au cours de laquelle « des dizaines de Gazaouis ont été blessés et tués, certains d’entre eux écrasés par les camions ». Selon ce responsable, des dizaines de personnes se sont ensuite « approchées des chars et des forces israéliennes ». « Les soldats ont tiré des coups de semonce en l’air, puis ont tiré sur ceux qui représentaient une menace », a-t-il reconnu, tout en assurant que les tirs avaient été « limités ».
Des images aériennes publiées par l’armée israélienne montrent ce qu’elle dit être une foule de Gazaouis encerclant les camions d’aide. Mais la publication de ces images en noir et blanc, sans son, a soulevé de nombreuses questions. Elles n’incluent pas ce qui s’est passé au début ou à la fin de la tragédie et des points apparaissent noircis ou pixelisés. Deux zones semblent montrer des véhicules militaires israéliens stationnés à proximité de la route où est passé le convoi.
L’armée n’a pas répondu jusqu’ici aux demandes de précisions formulées par l’AFP.
Combien de personnes tuées ?
Selon le ministère de la Santé du Hamas à Gaza, 115 personnes ont été tuées par balle et plus de 750 blessées. Hossam Abou Safiya, le directeur de l’hôpital Kamal Adwan de Gaza-Ville, a déclaré que toutes les victimes avaient été touchées par « des balles et des éclats d’obus provenant des forces d’occupation ». Le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a affirmé jeudi soir que des « dizaines de Gazaouis avaient été tués ou blessés ».
Une équipe de l’ONU a pu se rendre vendredi à l’hôpital al-Chifa de Gaza. Des images de l’AFP filmées dans cet hôpital montrent des corps enveloppés dans des linceuls blancs après ce drame. Selon Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, cette équipe des Nations Unies a vu « un grand nombre de blessures par balles ».
Membre de cette équipe, Georgios Petropoulos, de l’agence de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), a indiqué que l’hôpital al-Chifa traitait « plus de 200 personnes blessées » dans ce drame. « Nous avons vu des personnes blessées par balles. Nous avons vu des amputés et nous avons vu des enfants de 12 ans qui ont été blessés hier », a-t-il ajouté.
Réactions internationales
Les condamnations et les appels à un cessez-le-feu se sont multipliés à travers le monde depuis ce drame, de nombreux pays demandant par ailleurs l’ouverture d’une enquête, afin de faire la lumière sur les circonstances.
Le président américain, Joe Biden, a dit que Washington participerait « dans les prochains jours », et pour la première fois, à des largages aériens d’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Il a également évoqué « la possibilité d’un couloir maritime pour acheminer de grandes quantités d’aide ».
Une famine « presque inévitable »
Depuis des mois, les travailleurs humanitaires mettent en garde contre une situation de plus en plus désespérée pour la population de Gaza. Un responsable de l’OCHA, Jens Laerke, a répété vendredi qu’une famine généralisée était « quasiment inévitable » dans le territoire palestinien.
Selon les estimations de l’ONU, 2,2 millions des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza sont menacées de famine, en particulier dans les zones nord autour de Gaza-Ville.
Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), un peu plus de 2.300 camions humanitaires sont entrés dans la bande de Gaza en février, soit une baisse d’environ 50% par rapport à janvier. Cela représente une moyenne bien inférieure à 100 camions par jour, contre environ 500 qui arrivaient quotidiennement avant la guerre.
Qui a organisé le convoi ?
Selon le contre-amiral Daniel Hagari, le convoi de 38 camions entré à Gaza depuis le terminal de Rafah, à la frontière égyptienne, était affrété par des « entreprises privées ». Il n’a pas donné plus de précisions.
Le chef de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, a souligné sur X (ex-Twitter) que « ni l’Unrwa ni aucune autre agence de l’ONU n’avaient été impliquées dans cette distribution ».
Des signes d’une ONG appelée Jamiya al-Umma apparaissaient sur les camions, ce qui ne donne toutefois pas d’indications sur le pays d’origine du convoi, ce nom étant commun pour les organisations de la région.