Chapitre par chapitre de l’accord de gouvernement, voici comment l’Arizona et Bart De Wever ont avancé dans la mise en oeuvre de ses mesures. Spoiler: après l’accord de l’été, ils ont fort bien avancé.
Si Bart De Wever a tant insisté auprès de ses collègues pour qu’ils bouclent le désormais fameux accord de l’été, après celui de Pâques, c’est parce que le Premier, échaudé par de précédentes expériences fédérales, savait que ce qui n’est pas vite mis en œuvre, dans un accord de gouvernement, risque de ne jamais l’être.
Ces deux grandes et pénibles négociations en kern, dans les cinq premiers mois de son mandat, c’est déjà certain, ont été cruciales pour que l’Anversois puisse appliquer les plus symboliques, et donc les plus importantes, parmi les centaines de mesures que comptaient les 206 pages et dix-neuf chapitres de «l’Accord de coalition fédérale 2025-2029» présenté par Bart De Wever au Roi Philippe le 31 janvier dernier.
La conclusion de ces deux accords est donc l’occasion de passer en revue ces 206 pages, histoire de voir où l’Arizona en est vraiment dans la réalisation de son programme. Spoiler : l’Arizona a déjà fort bien avancé. Voici un rapide monitoring, comme disent les consultants, au fil des 19 chapitres de la feuille de route du gouvernement De Wever.
1. Fédéralisme de réforme et renouveau démocratique
Le Premier ministre n’a pas encore pris «les contacts nécessaires pour trouver un soutien complémentaire sans l’appui des voix extrémistes» afin de brosser la « nouvelle structure de l’Etat à laquelle il s’est engagé. Il n’a toujours pas non plus établi la «liste provisoires d’articles de la Constitution à réviser», alors qu’elle était promise «au début de la législature». C’est peut-être pour la rentrée. Mais, après un consensus au gouvernement au printemps, les discussions ont tout de même commencé avec les autres partis «non extrémistes» pour voter la révision constitutionnelle supprimant le Sénat, promise elle aussi «au début de la législature». Et la réduction de l’indemnité de sortie des députés, elle, est déjà adoptée, comme la non-indexation des dotations des partis politiques.
2. Budget
Le volontarisme budgétaire proclamé par l’Arizona a le plus souffert de cette frénésie négociatrice, puisqu’aucun des objectifs proclamés début février n’est rempli. Rien dans le budget 2025, négocié à Pâques, et rien dans l’accord de l’été ne rapproche d’un retour aux 3% du PIB de déficit public. La «contribution de solidarité» qui figure à ce chapitre, sous la forme de la taxé sur les plus-values toutefois, a été validée au début de l’été par le gouvernement. Le reste est censé suivre dans les années qui viennent, et c’est, on le sait déjà, presque aussi crédible que les effets retours annoncés.
3. Marché du travail
Le gros du boulot a déjà été accompli par David Clarinval, ministre de l’Economie et du Travail, en six mois, deux grands accords, et quelques dizaines d’heures de crispantes négociations nocturnes. La réforme des allocations de chômage « pour en faire une véritable assurance », avec leur limitation à deux ans, a été votée, avec un énorme paquet fièrement porté par le ministre réformateur, par la Chambre avec la loi-programme. Le début du travail de nuit à minuit plutôt qu’à 20 heures a été lui aussi validé cet été. Et la fin de la nuit a même été avancée à cinq heures plutôt qu’à six, ce qui ne figurait pas dans l’accord de gouvernement. La collation de «toutes les aides sociales», qui «seront répertoriées dans un registre central de sorte qu’il pourra en être tenu compte dans le calcul de l’ensemble de l’aide et des prestations sociales» est encore en cours de réalisation, sous l’égide de la ministre de l’Intégration sociale Anneleen Van Bossuyt (N-VA). Interrogée à la Chambre par Georges-Louis Bouchez le 17 juillet dernier, celle-ci a confirmé y travailler, sans se fixer de date.
4. Pouvoir d’achat
Ce chapitre, évidemment important, contient une promesse déjà réalisée, ce qui sera avantageux à l’heure des bilans. Le «but d’atteindre une différence de plus de 500 euros par mois» entre «les personnes qui travaillent et celles qui ne travaillent pas», est en effet déjà une réalité pour tous les travailleurs qui tombent malade, prennent leur pension ou se retrouvent au chômage: la différence entre le revenu de remplacement et le salaire d’un travailleur est, sauf rarissimes exceptions, toujours supérieure à ces 500 euros.
5. Fiscalité
C’est une réussite de Jan Jambon, ministre des Finances (N-VA). De très nombreuses dispositions de ce chapitre, long de 17 pages, ont été adoptées par le gouvernement entre Pâques et le 21 juillet, et sa réforme fiscale correspondra point par point à l’accord de gouvernement. Les salaires nets augmenteront bien «à partir de 2026» pour «tous ceux qui travaillent», via «l’augmentation de la quotité exemptée», le quotient familial a bien été «modernisé», les cotisations sociales patronales ont bien été plafonnées, les chèques-repas pourront être haussés de deux euros, l’exonération «Vinted» courra bien jusqu’à 2.000 euros, les taux de TVA sur la reconstruction et sur les pompes à chaleur seront bien à 6%, les droits pour l’obtention de la nationalité belge seront bien augmentés, la réduction d’impôt pour les allocations de chômage sera bien supprimée, etc. Il reste toutefois notamment encore à «réformer le budget mobilité». Et à «réduire les subventions aux entreprises», ce qui devra probablement s’effectuer dans une euphorie moins pétulante.
6. Pensions
C’est une autre réussite de Jan Jambon, ministre des Pensions. De très nombreuses dispositions de ce chapitre, long de huit pages, ont été adoptées par le gouvernement entre Pâques et le 21 juillet. Le bonus et le malus, la réduction des périodes assimilées, la «convergence entre les régimes» par des non-indexations des hautes pensions des fonctionnaires et par la fin de la péréquation, sont sur les rails. Comme le relèvement de l’âge de la retraite des cheminots, ainsi que des autres régimes «privilégiés» (militaires, pompiers, policiers).
7. Economie
Les dix pages de ce chapitre alignent plus les généralités que d’engagements concrets. Et ces derniers doublonnent souvent avec d’autres chapitres. Ainsi par exemple de l’élargissement du régime fiscal des droits d’auteur au secteur informatique, matière fiscale, le futur nouveau code de conduite entre brasseurs et horeca également évoqué en Santé, ou l’objectif d’une « norme d’investissement publics annuels de 3% du PIB», surtout alloués à la Défense, déjà très avancés dans la mise en œuvre.
8. Matières administratives
La ministre Vanessa Matz a, il y a quelques semaines présenté à la presse la «proposition de réforme du paysage des SPF» prévue à la page 69 de l’accord de gouvernement, mais pas en Conseil des ministres. Or, cette même page promet que cette proposition sera « soumise au Conseil des ministres avant le 30 mai 2025 », ce qui n’a pas été le cas. «Le gouvernement s’engage à parvenir à un accord sur cette réforme avant l’élaboration du budget 2026», soit à la rentrée, ce qu’espère également toujours Vanessa Matz.
9. Lutte contre la pauvreté
Beaucoup, dans ces huit pages, a déjà été décidé, comme la baisse du financement d’Unia, le lancement d’un audit sur l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, ou la transformation d’une série d’aides financières en aide matérielle. Le plafonnement de l’ensemble des aides sociales, lié au cadastre mentionné plus haut, n’est pas encore d’application, quoique la ministre Anneleen Van Bossuyt ait, on l’a dit, indiqué avancer.
10. Energie
Le principal est déjà engrangé, pour Mathieu Bihet : la loi de 2003 de sortie du nucléaire a été abrogée, et son gouvernement a, «à très court terme», pris «toutes les mesures nécessaires à la prolongation des unités existantes». Il a en outre entamé les discussions censées mener, en accord avec les Régions, à un «pacte énergétique interfédéral» promis depuis une quinzaine d’années. Et Jean-Luc Crucke a obtenu, dans la nuit du 20 au 21 juillet, que «la part fédérale du Plan National Energie Climat soit actualisée».
11. Climat et environnement
Toutes les réalisations de ce court chapitre sont à retrouver dans les lignes qui précèdent.
12. Mobilité
L’infraction pour «homicide routier» a bien été créée. Mais on ne sait pas encore si le principal objectif du chapitre, «ramener à zéro le nombre de morts sur les routes d’ici à 2050» sera atteint à temps. On peut néanmoins raisonnablement supposer que cela ne sera pas pour cet été, même après l’accord du 21 juillet. Sur les routes aériennes, et sur la plupart des questions ferroviaires, il faudra encore du temps pour savoir si le train du ministre Crucke est retardé ou supprimé.
13. Santé
Le chapitre est costaud, 19 pages, et le ministre chargé de le mettre en œuvre aussi. Il parait même que c’est lui qui l’a rédigé. Mais Frank Vandenbroucke a subi un solide revers, en juillet: son immense réforme hospitalière et du financement des soins de santé a été en grande partie reportée de deux ans. Heureusement pour lui, il a pu avancer sur des dispositifs moins fondamentaux, notamment sur certains éléments du prix des médicaments. Et sur la lutte contre le tabac.
14. Questions éthiques
Le chapitre tient en une seule page, et le fait qu’il y a peu de choses décisives à y faire, en une seule ligne : «nous modifions la législation actuelle sur l’avortement après consensus au sein des partis de la majorité». Le consensus se fait toujours attendre.
15. Sécurité
Bernard Quintin a, annoncé, le 18 juillet, avoir l’accord du kern, en première lecture, sur la fusion des zones de police bruxelloises, accompagnée d’un refinancement de 55 millions. On croyait que c’était fait, mais deux jours plus tard, en kern, Les Engagés réitéraient leur exigence que, conjointement à la fusion, la norme KUL de financement des zones de polices soit remplacée ou en voie de remplacement d’ici au passage en deuxième lecture. Donc ce n’est finalement pas si fait que cela, mais ça avance. Pour patienter, le ministre de l’Intérieur s’est déjà notamment donné les moyens d’interdire des organisations que le gouvernement considérerait comme extrémistes et dangereuses.
16. Justice
La ministre Annelies Verlinden est parvenue à faire voter son plan d’urgence contre la surpopulation carcérale, et c’est un aboutissement déjà, mais il est, nécessairement, de court terme. Sur ce sujet, un MasterPlan IV devra être élaboré «dès que possible», et offrir des solution de long terme. Ecrire «dès que possible» dans un accord de gouvernement sonne souvent déjà comme une clause d’exonération. Mais la ministre ne doit pas se décourager: lors de sa dernière séance de l’année, la Chambre a modifié, à son initiative, la loi sur les armes afin que «les lunettes de vision nocturne et les silencieux soient autorisés», comme promis à la page 154 de l’accord de gouvernement.
17. Asile et migrations
En ces matières fort porteuses également, l’Arizona a fort bien avancé. Les projets les plus emblématiques de la ministre compétente Anneleen Van Bossuyt (N-VA), ont été votés avec la loi programme issue des accords de Pâques, ou validés par le dernier kern précédent l’accord du 21 juillet. Pensons au durcissement des conditions de regroupement familial ou au délai pour qu’un primo-arrivant puisse recevoir des prestations de sécurité sociale.
18. Défense
C’est paradoxalement le chapitre le moins respecté de tout l’accord du gouvernement, puisque cinq mois après sa désignation comme ministre de la Défense, Theo Francken (N-VA), grâce aux pressions de Donald Trump, n’a pas obtenu tout ce qu’il voulait obtenir d’ici à 2029: il a déjà reçu plus en cinq mois que ce qu’il espérait en cinq ans.
19. Affaires étrangères
Même si les réalisations sont nombreuses depuis l’installation du nouvel exécutif fédéral, il est toujours difficile d’évaluer correctement la mise en œuvre d’un accord de gouvernement, tant les engagements sont souvent formulés de manière volontairement confuse, où l’on promet de «réfléchir à», «d’examiner», «d’évaluer», «d’entamer prochainement des discussions», de «consulter» ou de «vérifier» sans que cela oblige à quoi que soit de substantiel. Le chapitre Affaires étrangères de l’accord porte, dans un domaine par essence enclin aux ambigües formulations diplomatiques, peu de promesses concrètes, et c’est remarquablement criant au moment où la majorité se déchire sur la reconnaissance d’un Etat palestinien. Page 200, le gouvernement réitère la volonté de Belgique que « l’UE joue un rôle de premier plan pour parvenir, par la voie diplomatique, à une solution à deux États qui garantisse à la fois la sécurité d’Israël et permette la reconnaissance de la Palestine ». N-VA et MR n’ont dès lors pas tort de dire que l’accord de gouvernement ne prévoit pas la reconnaissance immédiate, et Les Engagés, Vooruit et CD&V ont raison de dire que l’accord de gouvernement prévoit la reconnaissance. Ils étaient tous contents de cette formulation en la signant. Peut-être le sont-ils moins en la mettant en application comme ils le font aujourd’hui.














