La Bulgarie entre officiellement dans la zone euro ce 1er janvier 2026. Le pays devient ainsi le 21e à adopter la monnaie unique européenne, dans un climat de méfiance d’une partie de la population. Cette adoption marque une réussite pour le pays, qui devrait profiter davantage de ses partenariats commerciaux, déjà principalement noués dans des pays utilisant l’euro.
Sur la tranche des nouvelles pièces de deux euros est gravée la phrase «Dieu protège la Bulgarie». Ces bouts de métal matérialisent l’entrée de la Bulgarie dans la zone euro et l’abandon du lev, sa monnaie nationale, dès ce 1er janvier 2026.
La Bulgarie devient ainsi le 21e pays à utiliser officiellement la monnaie unique européenne. Seules la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Suède et la Tchéquie ont encore l’obligation d’adopter la monnaie unique, sans date butoir. Le Danemark, également membre de l’Union européenne, bénéficie d’une exemption après un référendum ayant rejeté l’euro en 2000.
Ce changement ne bouleversera pas le pays des Balkans, membre de l’Union européenne depuis 2007, qui avait déjà lié le lev bulgare à l’euro depuis 1999. Un euro équivaut à 1,95583 leva depuis lors, avec une grande stabilité, et l’échange des anciennes coupures se fera à ce taux durant les prochains mois. En Belgique, il sera possible de faire l’échange à la Banque nationale de Belgique, gratuitement, jusqu’au 2 mars 2026, à raison d’un maximum de 2.000 leva par jour, par personne et par transaction.
Commerce et tourisme facilités
La fin de la monnaie bulgare devrait faciliter le commerce externe du pays. Une suite logique pour ce petit pays, déjà fortement arrimé à ses importateurs et exportateurs à l’Ouest du continent. «Adopter l’euro, c’était tout à fait naturel et attendu pour la Bulgarie, alors que ses quatre principaux partenaires commerciaux, l’Allemagne, l’Italie, la Grèce et la France (qui représentent à peu près deux tiers du commerce international du pays), utilisent la monnaie unique. En y ajoutant le lien entre le lev et l’euro depuis ses débuts, c’est finalement comme si le pays était déjà présent officieusement au sein de la zone euro depuis 25 ans», pointe Bruno Colmant, économiste et auteur notamment de L’Euro, une utopie trahie? (2017).
Pour les entreprises belges aussi, il devrait être plus facile d’exporter des produits ou des services vers la Bulgarie et d’y investir également. Dans l’autre sens, le cuivre représente, de loin, le principal bien importé de Bulgarie par les entreprises belges, signale notamment la Banque nationale de Belgique, qui se félicite des possibilités économiques avec ce nouveau pays entrant dans la zone euro. «Dès la période de transition vers l’euro, l’écart de taux d’intérêt entre les obligations bulgares et celles d’autres pays de la zone euro a diminué. Les administrations publiques, les entreprises et les ménages bulgares ont ainsi pu se financer à moindre coût, ce qui est de nature à stimuler les investissements et le potentiel de croissance», ajoute encore l’institution.
L’entrée de la Bulgarie dans la zone euro reste donc un accomplissement logique, une forme de réussite pour le pays, qui devrait profiter d’un effet économique positif. «Celui-ci sera d’ailleurs principalement en faveur de la Bulgarie, plus que du nôtre. Ce sont eux qui en tireront le plus de bénéfices, pointe encore le professeur et membre de l’Académie royale de Belgique. Alors que le pays aura accès au marché des capitaux en euros, beaucoup plus large que le marché bulgare, ou encore la possibilité de libeller sa dette publique en euros, ce qui facilitera son financement.»
Un autre secteur en particulier devrait bénéficier de l’euro dans ce pays bordant la mer Noire: celui du tourisme, majoritairement intra-européen, qui a généré cette année environ 8% du PIB. Fini la nécessité d’échanger sa monnaie et de payer des frais de change, notamment pour les quelque 150.000 touristes belges qui passent leurs vacances en Bulgarie chaque année.
Des craintes sur l’inflation
Mais l’entrée officielle de la Bulgarie au sein de la zone euro provoque également quelques craintes. Au cours de l’été, un mouvement de protestation réclamant de «garder le lev bulgare» est apparu, à l’initiative notamment de partis d’extrême droite et prorusses, jouant sur les craintes des Bulgares de voir les prix grimper.
Un risque d’inflation à relativiser, selon Bruno Colmant. «Puisque la parité de change est fixe depuis 25 ans, le changement monétaire ne doit avoir aucun impact en matière d’inflation. Ces craintes relèvent davantage du mythe», assure-t-il.
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, balaye également l’idée, assurant que les gains liés à l’adoption de l’euro seront «substantiels», tandis que les changements de prix resteront «modestes et de courte durée», selon une citation de l’AFP. Lors des précédents passages à l’euro, l’impact se situait entre 0,2 et 0,4 point de pourcentage, précise encore la responsable de la BCE.
Des enjeux qui dépassent la monnaie
Ces messages rassurants interviennent dans un contexte d’instabilité et de défis à relever pour le pays des Balkans de 6,4 millions d’habitants. Du côté politique, la perspective de nouvelles élections législatives en ferait les huitièmes en cinq ans. La Bulgarie reste également le pays de l’UE avec la plus forte proportion de personnes menacées d’exclusion sociale (30,3%).
Dans ce contexte, tout problème lié à l’introduction de l’euro sera exploité par les responsables politiques europhobes et eurosceptiques. Selon la dernière enquête d’opinion de l’agence de sondage de l’UE Eurobaromètre, 49% des Bulgares sont opposés à l’euro. Toucher à la monnaie brasse des questions qui dépassent le cadre du simple moyen de paiement.
«Il y a aussi un enjeu géopolitique derrière l’adoption de l’euro, estime Bruno Colmant. Choisir l’euro, c’est s’ancrer à l’Ouest, choisir l’Europe plus que la Russie. Alors que des pays comme la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie ou la Pologne s’éloignent du cœur de l’Europe, l’euro reste un socle qui tient l’Union européenne ensemble. J’étais plus sceptique en 2017, lors de la sortie de mon livre qui interrogeait cette « utopie trahie », mais aujourd’hui, je me dis heureusement que nous avons eu l’euro, qui a été un ciment dans une Europe fragilisée et qui se fissure.»
Un pays pourrait-il à l’avenir quitter la zone euro? «Rien n’est exclu, notamment en cas d’événement militaire majeur», affirme l’économiste. Mais si départ il devait y avoir, il s’agirait plus vraisemblablement d’un pays membre de l’Union européenne qui n’a pas adopté l’euro. «Un pays qui adopte l’euro ne peut pas revenir en arrière sans provoquer un effondrement monétaire et une vague d’inflation, c’est un risque énorme. Abandonner l’euro pour un pays, ce serait comme partir dans le noir, les yeux bandés», conclut-il.









