vendredi, octobre 18

A côté des traitements les plus évidents contre les céphalées, d’autres thérapies sont en voie de développement ou sont utilisées en deuxième intention pour aider les migraineux difficiles à traiter.

Si de nouveaux traitements sont apparus sur le marché ces dernières années, la migraine – plus que la céphalée de tension – reste une maladie neurologique complexe dont on ne connaît pas encore tous les mécanismes.

A ce jour, 180 gènes de prédisposition ont été identifiés, ce qui représente un énorme bond en avant dans la compréhension de son origine mais qui rend également peu probable la découverte d’un traitement universel.

La stratégie pour la prise en charge de la migraine consiste aujourd’hui à tester l’efficacité d’un traitement existant sur un patient en fonction du type de migraine ou de céphalée dont il souffre et, en cas d’échec ou de résultats peu probants, à passer à un traitement de deuxième, voire de troisième intention.

Devoir faire une pause dans un traitement qui vous change la vie, c’est très dur.

Migraine: les thérapies qui commencent à trouver leur place

A côté des antalgiques, des analgésiques, des anticorps monoclonaux et des triptans, qui sont les médicaments les plus couramment prescrits à l’heure actuelle, d’autres thérapies commencent à trouver leur place. Certaines sont connues depuis longtemps mais ont fait l’objet de récents développements, suscitant un nouvel intérêt. C’est le cas des gépants et des ditans. Alors que les anticorps monoclonaux sont utilisés en traitement de fond, les gépants et les ditans sont davantage efficaces pour calmer les crises.

Les gépants, dont le mode d’action est proche de ceux des anticorps monoclonaux, sont des antagonistes du CGRP (calcitonin gene-related peptide), un neuropeptide qui intervient dans la physio- pathologie de la migraine. Leur action consiste à empêcher le CGRP de se fixer à son récepteur et de déclencher les signaux de douleur.

«Une étude récente a montré qu’ils étaient aussi utiles en traitement de crise dès l’apparition des auras, soit des symptômes visuels, sensitifs ou moteurs, même avant la manifestation de la douleur. Ce qui n’est pas le cas avec les triptans. En outre, ils pourraient être mieux tolérés par certains patients que ces derniers», précise le Dr Jonathan Leempoel, neurologue à l’hôpital Chirec Delta. Autre avantage, ces petites molécules sont éliminées beaucoup plus rapidement que les anticorps monoclonaux, en quelques jours seulement.

Les ditans, eux, sont des agonistes d’un récepteur de la sérotonine (5-HT1F) inspirés des triptans. Ils sont capables de franchir la barrière hématoencéphalique pour agir sur le système nerveux central. Tout comme les gépants (mais contrairement aux triptans), ils ne produisent pas d’effet vasoconstricteur sur les vaisseaux crâniens. Ce qui leur confère l’avantage de pouvoir être prescrits en cas de crise chez les patients à risque de développer des complications cardiovasculaires. Ils ne sont cependant pas plus efficaces que les triptans et ne sont pas encore commercialisés en Belgique.

L’autre neuropeptide

Un nouvel anticorps, actuellement en phase d’essai, pourrait bientôt s’ajouter à tous ces traitements existants. Il s’agit d’anticorps monoclonaux ciblant un autre neuropeptide et leurs récepteurs que le CGRP (que visent les anticorps monoclonaux trouvables sur le marché): le pacap (pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide). Le rôle du pacap dans le déclenchement de la migraine reste encore imprécis. Le neuropeptide est présent dans le système trigémino-vasculaire mais également dans l’hypothalamus et la vascularisation des méninges.

Il interviendrait dans l’inflammation neurogène, la modulation des neurones nociceptifs et la sensibilisation centrale migraineuse, décrivent des chercheurs dans une étude publiée dans The Journal of Headache (2018). Vasodilatateur puissant, il peut agir sur quatre récepteurs différents, dont certains lui sont spécifiques.

«Une étude publiée il y a deux ans sur un anticorps monoclonal qui bloquait le récepteur au pacap s’est avérée négative. Ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il existe trois autres récepteurs sur lesquels le pacap peut agir. L’an dernier, une autre étude présentant un anticorps monoclonal qui bloque directement le pacap a été publiée par des chercheurs danois. Cette étude est positive. Cependant, les résultats ne sont pas meilleurs que ceux obtenus avec les anticorps monoclonaux déjà sur le marché, expose Jean Schoenen, professeur honoraire à l’ULiège, directeur de l’Unité de recherche sur les céphalées et auteur de #Migraine-Too (Presses universitaires de Liège, 2022). L’intérêt, c’est que les patients qui ne répondent pas aux anticorps monoclonaux anti-CGRP répondront peut-être aux anticorps antipacap. Bien sûr, encore faut-il le démontrer à travers une étude qui se pencherait spécifiquement sur ces patients.»

Peu connue, la neurostimulation non invasive peut soulager la plupart des patients.

La neurostimulation

En complément des médicaments, d’autres dispositifs peuvent aider le patient à surmonter son mal de tête. L’un d’eux est relativement peu connu, c’est le traitement par neurostimulation. La technique consiste à appliquer des courants électriques ou électromagnétiques sur certaines parties du système nerveux, soit par des stimulateurs posés sur la peau, soit par des stimulateurs implantés chirurgicalement en profondeur, décrit le Pr Schoenen.

La neurostimulation invasive est surtout utilisée chez les patients très invalidés, notamment ceux souffrant de formes chroniques d’algie vasculaire de la face, et chez qui les traitements classiques sont inefficaces. Les résultats sont mitigés pour la neurostimulation sous-occipitale percutanée dans les cas de migraines chroniques. Mais des stimulateurs de nouvelle génération sont actuellement à l’étude.

Moins contraignante, la neurostimulation non invasive permet de soulager lesdouleurs neuropathiques chez la plupart des patients, à condition qu’ils ne soient pas trop incommodés par la sensation produite par les électrodes. Cefaly Technology fut la première société à développer des appareils externes capables de stimuler les nerfs crâniens, plus particulièrement le trijumeau, impliqué dans le déclenchement des migraines. Un appareil plus récent, le Relivion, permet de stimuler les six branches des nerfs occipitaux et trijumeaux.

Si la neurostimulation peut apporter un certain soulagement pour traiter les crises comme pour les prévenir, il faut aussi garder à l’esprit que ses bienfaits restent modestes et que les dispositifs (non remboursés) sont assez coûteux.

Très chers anticorps

En janvier, de nouvelles conditions de remboursement par l’Inami ont été émises pour les anticorps monoclonaux, réputés très coûteux. Dorénavant, les patients devront observer une pause de trois mois après neuf injections (le traitement prévoit une injection par mois) afin de vérifier si les crises reviennent ou non. «La grande majorité de ces patients ressentent à nouveau la douleur dans le mois qui suit l’arrêt mais ne peuvent obtenir de remboursement. Devoir faire une pause de trois mois dans un traitement qui vous change la vie, c’est très dur», pointe le Pr Jean Schoenen (ULiège).

Le neurologue devra également envoyer un récapitulatif des rapports médicaux antérieurs mentionnant tous les traitements préventifs déjà prescrits (le remboursement ne peut être obtenu que si trois autres thérapies ont déjà été testées). «Le problème, dénonce encore le neurologue, c’est que certains patients sont sous traitement depuis trente ans et qu’il est très difficile de savoir qui a pris quoi et pendant combien de temps.»

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