La formation d’un gouvernement en Région bruxelloise sera plus compliquée qu’ailleurs, tant l’arithmétique ressemble à un casse-tête.
Par Benjamin Hermann
De tous les niveaux de pouvoir, c’est en Région bruxelloise que la constitution d’une coalition risque d’être la plus ardue. L’arithmétique issue des élections régionales y est particulièrement biscornue. Parce que dans cette Région, les composantes francophone et néerlandophone s’organisent d’abord de leur côté, avant de s’associer dans un gouvernement, la situation mérite quelques explications. En trois temps. On s’accroche, face au casse-tête.
Premièrement, comme à d’autres niveaux de pouvoir, le MR et Les Engagés ont nettement progressé. Mais à l’inverse de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ces deux formations ne disposent pas de suffisamment de sièges pour constituer une majorité bipartite, au sein du groupe linguistique français du parlement bruxellois.
Un troisième partenaire, voire un quatrième, devrait donc rejoindre la coalition. Le chef de file du MR, David Leisterh, a la main et va s’atteler à former un ensemble un tant soit peu cohérent. Ce pourrait être le PS, qui s’est maintenu aux élections régionales dans la capitale, et dont la tête de liste, Ahmed Laaouej, a enregistré le meilleur score personnel. Mais les socialistes, par la voix de Paul Magnette, ont choisi de privilégier l’opposition à tous niveaux de pouvoir. Le PS bruxellois ne l’entend pas forcément de cette oreille, comme cela a pu être suggéré lors de prises de parole de Laaouej. C’est auprès des socialistes que devrait donc se trouver la clé.
Sans le PS, le cas échéant, DéFI ne ferait pas le nombre, pas plus qu’Ecolo. Et le PTB, qui dispose de quinze sièges, n’est pas plus fréquentable aux yeux du MR et des Engagés qu’il ne l’était avant les élections. Il faudrait alors imaginer une coalition quadripartite (MR/Les Engagés/DéFI/Ecolo) pour disposer de la majorité. Un ensemble fort hétéroclite sur le plan politique, qui impliquerait des partis en net recul. Face à la débâcle, Ecolo a de toute façon fermé la porte à une participation gouvernementale à Bruxelles. En définitive, sans implication du PS, il sera malaisé de dénouer la situation.
Deuxièmement, l’affaire s’est encore davantage corsée dans le groupe linguistique néerlandais. Là, c’est la Team Fouad Ahidar, dont le chef de file a été exclu de Vooruit, qui a créé la surprise en décrochant trois des 17 sièges, après avoir mené une campagne sur des thèmes religieux et communautaires. Mais cette formation ne sera vraisembablement pas une interlocutrice acceptable aux yeux de plusieurs autres partis.
Le PVDA (un siège) et le Vlaams Belang (deux sièges) n’ont aucune chance d’intégrer l’exécutif. Si Fouad Ahidar est hors-jeu, il reste Vooruit, l’Open VLD, le CD&V, la N-VA et/ou Groen pour tenter de former une coalition au minimum à quatre. Avec quatre sièges, Groen et sa cheffe de file Elke Van den Brandt mènent les négociations, en toute logique.
Troisièmement, il faudra s’assembler. Les négociations risquent d’être complexes dans le groupe francophone et plus épineuses encore dans le groupe néerlandophone. En imaginant que l’un et l’autre parviennent à nouer des compromis, il conviendra encore de se réunir au sein d’un exécutif commun, sachant que les équilibres trouvés à d’autres niveaux de pouvoir pourraient interférer dans les discussions bruxelloises (et vice versa). Par exemple, les états-majors des partis accepteront-ils que des alliances se nouent entre des partis qui se sont exclus par ailleurs?
Le MR et Les Engagés, dans l’opposition au cours de la législature écoulée, auront de toute évidence à discuter avec des formations qu’ils ont vertement critiquées ces dernières années. Les sujets de discorde n’ont pas manqué, en matière de mobilité, de logement, de neutralité et on en passe. Un exemple éloquent: le plan Good Move, mis en oeuvre par l’écologiste Elke Van den Brandt, incontournable du côté néerlandophone, que le président du MR, incontournable du côté francophone, entend enterrer. David Leisterh a quelque peu arrondi les angles, mais la mobilité pourrait constituer une des nombreuses pierres d’achoppement.
En outre, ce n’est pas un détail, il faudra sans doute se partager moins de portefeuilles ministériels ou de secrétaires d’Etat qu’il y aura de partenaires autour de la table, dans le groupe néerlandophone à tout le moins. Face à cette atomisation du paysage politique, le terme «casse-tête» n’est de toute évidence pas galvaudé à Bruxelles.