Romeo, c’est le nom d’une toute nouvelle application qui permet aux candidats et aux partis de déclarer leurs dépenses électorales. Développée par la société Civadis, elle doit permettre de gagner en efficacité, mais aussi en transparence.
Cela n’aura échappé à personne. La campagne en vue des élections européennes, fédérales et régionales du 9 juin est bel et bien lancée. En revanche, le grand public ne le sait pas forcément, mais les partis et les candidats sont censés connaître la règle : la fameuse « période de prudence » a débuté le 9 février, soit quatre mois avant le scrutin. Durant cette période, les dépenses électorales sont limitées et strictement encadrées par la loi.
Cela signifie que l’ensemble des dépenses doivent être répertoriées par les formations politiques et les candidats à titres individuel. Ils disposent d’une période de 45 jours après le scrutin, jusqu’au 24 juillet donc, pour rentrer leurs déclarations d’origine de fonds et d’encodage de dépenses.
En résumé, les partis ne peuvent dépasser un plafond d’un million d’euros de dépense pour la campagne. Les candidats, eux, sont soumis à des règles différentes en fonction de la place qu’ils occupent sur la liste et, pour les têtes de liste, de la taille de la circonscription et des résultats du précédent scrutin. C’est ainsi, par exemple, qu’une tête de liste fédérale en province d’Anvers pourra dépenser jusqu’à 55.651 euros, tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, en province de Luxembourg, le plafond est fixé à 16.135 euros.
Une série de règles encadrent encore ces dépenses électorales, comme l’interdiction de la distribution de cadeaux électoraux ou l’encadrement de l’usage des panneaux publicitaires.
Les partis bénéficient en outre d’une certaine latitude dans la répartition des montants. Ainsi, la règle « 25/10 » prévoit que le parti mette 25% du montant maximum à ses candidats, avec un montant maximum de 10% pour un seul candidat. La règle de la « figure de proue », elle, prévoit qu’un parti puisse » désigner un ou plusieurs candidats comme figures de proue par circonscription.
Le tout forme un ensemble de règles assez compliquées à appréhender, pour le commun des mortels, mais aussi parfois pour les candidats eux-mêmes, tenus d’élaborer une comptabilité relativement fastidieuse.
Dépenses électorales: le papier, c’est dépassé?
Mais la vague de digitalisation étant passée par là, une nouvelle application, baptisée « Romeo », vient de voir le jour et pourrait grandement faciliter le travail des partis, des élus, comme des instances de contrôle.
Disponible dans les trois langues nationales, cette application a été développée par la société Civadis, basée à Namur, spécialisée dans l’édition de logiciels et de solutions informatiques pour les pouvoirs publics. Les citoyens ne connaissent pas forcément le nom de cette société, qui emploie plus de 200 personnes, mais elle constitue un partenaire connu de nombreuses administrations à tous niveaux de pouvoir. Il s’agit par exemple de solutions digitales en matière de finances (taxes et redevances, comptabilité, facturation), de gestion de ressources humaines, de guichets en ligne ou de relations avec les administrés (services de la population, de l’état-civil, etc.)
« Pour citer un exemple, la Ville de Namur a choisi de dématérialiser 66.000 documents sur un total de plus de 200.000 ne matière de taxes et redevances, ce qui représente une série d’avantages financiers, environnementaux ou encore en termes de trésorerie », explique Mathieu Roger, business development manager chez Civadis.
Civadis s’est également spécialisée dans la comptabilisation des résultats électoraux, au moyen des logiciel baptisé « Martine ». Le nouveau-né, Romeo, fait son apparition à l’occasion des élections du 9 juin. Pour la petite histoire, ce nom est un acronyme signifiant « Registration of funds – Management electoral expenses – Online way ».
Aucune obligation pour ces élections
« C’est une application de déclarations d’origine de fonds et de dépenses électorales développée à la demande du SPF Intérieur, qui a lancé un marché public pour digitaliser le processus », poursuit Mathieu Roger. « Il faut se rendre compte que l’ensemble du processus n’existait qu’en format papier jusqu’à présent, ce qui représente un véritable travail de fourmi », y compris pour les instances de contrôle.
L’ensemble des partis francophones et néerlandophones ont suivi des présentations de l’application en janvier, avec des marques d’intérêt réelles. Une certaine incertitude persiste encore sur l’ampleur de l’utilisation de Romeo qui – c’est peut-être une de ses limites à ce stade – n’est utilisée par les candidats que sur base volontaire.
« Une autre limite est le fait qu’elle ne pourra être utilisée que pour les élections du 9 juin et non pour les élections locales d’octobre, organisées par les régions et non le fédéral. Mais le développement de l’application conduira peut-être à une généralisation de son utilisation pour les scrutins suivants, y compris pour les élections communales et provinciales », espère Mathieu Roger.
Les candidats peuvent l’utiliser dès à présent, puisque la période de prudence est entamée, mais peuvent encore se décider en dernière minute, d’une certaine façon, puisque l’encodage final des dépenses électorales doit être effectué avant le 24 juillet.
Dans les faits, l’application permet à la fois la déclaration des dépenses des partis et candidats, l’enregistrement de l’origine des fonds et de l’identité des donateurs, la création de fichiers pour les instances de contrôle, la vérification des données par ces dernières et la conservation digitale des données.
Une vision panoramique et automatique
« La dématérialisation du processus représente un grand avantage et une réelle simplification », explique encore Mathieu Roger. « Un autre apport réel, naturellement, sera la possibilité pour les instances de contrôle de disposer très rapidement d’une vision panoramique de toutes les dépenses », pour autant que les partis et, avec eux, les candidats décident d’utiliser massivement Romeo. « Jusqu’ici, de nombreuses déclarations comportaient des erreurs ou des imprécisions. Toutes ne pouvaient pas non plus être contrôlées de façon systématique. »
De ce point de vue, la digitalisation, de même que l’interconnexion des données électorales, devrait faciliter le travail de tous les intervenants et, in fine, améliorer la transparence et le respect des règles. Même si, précise bien Mathieu Roger, « nous ne sommes pas là pour aider celui qui souhaiterait frauder, par exemple. C’est à chaque parti et à chaque candidat de veiller à ne pas dépasser les plafonds ». Il ne reste qu’à voir, à présent, dans quelle mesure les candidats adhéreront d’ici au mois de juillet à cette avancée technologique.