Des températures presque estivales gagneront temporairement la Belgique ce week-end. Ces valeurs exceptionnelles pour la saison s’expliquent par une «plume de chaleur», conséquence directe du réchauffement climatique.
Un petit barbecue samedi? Les températures clémentes attendues pour ce début de week-end réjouissent de nombreux Belges, prêts à dégainer les merguez et les bouteilles de rosé. Au risque de jouer les rabat-joie, rappelons toutefois que ce coup de chaud précoce, certes bienvenu après un hiver maussade, n’est que la conséquence du réchauffement climatique. Qui entraînera la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes dans les années à venir.
Concrètement, les températures devraient grimper jusqu’à 24 degrés à Bruxelles samedi, voire jusqu’à 25 degrés localement. «Ces valeurs sont assez impressionnantes, car elles sont bien supérieures aux normales de saison», confirme Pascal Mormal, de l’Institut Royal Météorologique (IRM). En moyenne, le 6 avril, les maxima oscillent d’habitude autour des 13,5 degrés sur le centre du pays. L’écart sera donc important. «Ces températures sont pratiquement estivales et s’apparentent plutôt à des valeurs des mois de juillet ou d’août», ajoute le météorologue.
«Plume de chaleur» vs «dôme de chaleur»
Ce pic de chaleur devrait toutefois être temporaire. Les températures chuteront progressivement à partir de dimanche, jusqu’à se stabiliser aux alentours des 14 degrés mardi. «Ce sera un petit coup de chalumeau de courte durée», résume Pascal Mormal.
Ce phénomène s’explique par la conjonction d’une dépression atlantique centrée sur le sud-ouest des îles britanniques et d’un anticyclone au sud-est de l’Europe, majoritairement centré sur l’Italie. «Entre les deux, un flux dynamique va se former, avec la remontée d’une masse d’air subtropicale en provenance d’Afrique du Nord, donc très chaude», explique le météorologue. Cette étroite bande d’air chaud porte le nom de «plume de chaleur», par opposition au «dôme de chaleur», dont la structure – beaucoup plus complexe et étendue – entraîne l’installation durable d’un temps très chaud et sec.
Sauf surprise, le record de température journalier pour un 6 avril (22,3 degrés en 2011) devrait être battu samedi. Ce n’est toutefois pas la première fois que de telles valeurs sont relevées au début du printemps. «Les maxima absolus pour cette période remontent au 3 avril 1946, lorsque 24,3 degrés avaient été enregistrés», indique le météorologue. Mais, ces dernières années, ces records tendent à se multiplier : 24 degrés ont été répertoriés à Uccle le 8 avril 2018, 24,1 degrés le 8 avril 2020 et 23,9 degrés le 31 mars 2021. «Ces pics de chaleur précoces sont plus fréquents que par le passé, avertit Pascal Mormal. Cette récurrence des phénomènes extrêmes est le signe du réchauffement climatique.»
Pas de lien entre El Niño et la plume de chaleur
Et le météorologue de préciser : «La Belgique est un pays régi par un climat océanique tempéré, donc c’est normal qu’on observe ponctuellement des épisodes de froid ou de chaleur intenses. Mais ces dernières années, ces situations ont tendance à se multiplier et à se manifester de manière continue.» Des pics de chaleur exceptionnels ont notamment été relevés en octobre 2022. Le mois de février 2024 a été le plus chaud jamais enregistré en Belgique depuis 1883. Et l’hiver dernier a été le troisième le plus doux depuis le début des relevés.
«Ces pics de chaleur précoces sont plus fréquents que par le passé»
Pascal Mormal, météorologue à l’IRM
A l’échelle du globe, de nouveaux records sont encore attendus cette année. Car les effets du réchauffement climatique sont renforcés par le phénomène El Niño, actif depuis plusieurs mois, qui «booste» les températures. «Ce phénomène météorologique est plus visible dans les régions du Pacifique (Australie, Indonésie, Amérique de l’Ouest) qu’en Europe occidentale, clarifie Pascal Mormal. Il n’a donc pas de lien direct avec la ‘plume de chaleur’ attendue samedi en Belgique.»
La période de référence 1991-2020 a été choisie pour cette comparaison car c’est celle qui est recommandée par l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Lorsqu’il s’agit de comparer des réalités météorologiques, les spécialistes se basent en effet sur une période de trente ans, représentant les normales saisonnières.