Bien qu’élu président, Donald Trump a encore plusieurs affaires judiciaires sur le dos. Plus pour longtemps…
Exit la justice? Donald Trump juste réélu président des Etats-Unis, on en oublierait presque ses casseroles judiciaires. Sans doute le souhaite-t-il lui-même. Le républicain, déjà plusieurs fois condamné, est encore sous le coup de quatre affaires judiciaires au civil ou au pénal depuis la fin de son premier mandat en 2020.
- L’affaire Stormy Daniels
Donald Trump a été reconnu coupable devant la cour criminelle de Manhattan des 34 délits de falsifications de documents comptables, destinées à cacher un paiement de 130.000 dollars à l’actrice de films pornographiques Stormy Daniels pour éviter un scandale sexuel à la toute fin de sa campagne présidentielle de 2016. C’est la première fois qu’un ancien président est condamné dans une affaire pénale. Le juge Merchan a décidé de reporter le prononcé de la peine au 26 novembre pour ne pas interférer dans la future campagne présidentielle. - Le recel de documents classifiés à Mar-a-lago
Après son départ de la Maison Blanche en janvier 2021, Donald Trump a emporté avec lui plusieurs documents fédéraux classifiés dans sa résidence privée de Mar-a-lago en Floride. Ce qui est contraire à une loi de 1978 qui oblige tous les anciens présidents à transmettre l’ensemble de leurs documents de travail aux archives nationales. En janvier 2022, il ne rend qu’une partie, conduisant le FBI à perquisitionner le domicile de l’ex-président, mettant la main sur plus de 11 000 documents gouvernementaux. En juin 2023, Trump est inculpé de 37 chefs d’accusation au niveau fédéral, trois autres sont ensuite ajoutés. Il plaide non coupable dans un procès qui devait se tenir le 20 mai 2024, mais reporté par de nombreux recours. En juillet 2024, la juge annonce l’abandon de toutes les poursuites pénales de Trump en raison de l’inconstitutionnalité de la nomination du procureur spécial Jack Smith. Mais ce dernier a fait appel. - Tentative de renverser les résultats de la présidentielle en Géorgie en 2020
En août 2023, Trump est inculpé – avec 18 autres personnes – pour avoir essayé de renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020 dans l’Etat-clé de Géorgie. La presse américaine avait révélé un enregistrement dans lequel le milliardaire demandait au secrétaire d’État de Géorgie de « trouver » les voix manquantes pour garantir sa victoire. Dans cette affaire, la défense de Trump évoque son immunité présidentielle. Une stratégie payante puisque que le 1er juillet 2024, la Cour suprême a rendu un arrêt conférant au président «une présomption d’immunité pour ses actes officiels». La date d’un éventuel procès est très incertaine. - L’assaut du Capitole
Dans sa tentative de renverser les résultats de l’élection de 2020, les partisans du républicain prennent d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021, incités par Trump lui-même. Le milliardaire est inculpé en août 2023 par la justice fédérale pour complot contre les États-Unis, obstruction à une procédure officielle, et atteinte aux droits électoraux. L’enquête est aussi diligentée par le procureur spécial Jack Smith. Le procès était prévu en 2025, mais il a peu de chance d’aboutir étant donné la victoire de Donald Trump.
Jusqu’à présent, la stratégie de défense du magnat de l’immobilier était de retarder ses procès après l’élection pour profiter d’une certaine immunité présidentielle s’il était réélu. Et «il a réussi son pari», affirme Michaël Fernandez-Bertier, avocat membre du barreau de New-York. Quelle sera la suite ?
Trump échappera à la prison
D’abord, rendez-vous le 26 novembre pour la suite de l’affaire Daniels. Les avocats du président ont directement attaqué en annonçant ce jeudi qu’ils allaient déposer une demande de suppression de l’ordonnance de condamnation. « C’est difficile de dire s’il cela va fonctionner, car le droit américain repose sur la case law (NDLR: jurisprudence), qui varie grandement entre Etats et au fil des ans. On est en eau trouble», estime l’avocat.
Donald Trump risque en théorie jusqu’à 4 ans de prison. «En pratique, qu’un président élu soit envoyé en prison est extrêmement peu probable», soutient Benoît Frydman, professeur de philisophie du droit à l’ULB. «Le juge pourrait donc prononcer une autre peine symbolique ou une amende. Il pourrait encore décider que la peine soit effectuée après son mandat, mais Trump aura 82 ans et au vu de son âge, de son statut et de l’ancienneté qu’aura la condamnation à ce moment-là, c’est peu probable.»
«Je ne sais pas si le juge Merchan lui-même sait déjà ce qu’il va décider», ajoute Michaël Fernandez-Bertier. Dans tous les cas de figure, s’il venait à prononcer une peine à l’égard du président Trump – qu’il s’agisse aussi d’une «assignation à résidence ou d’un bracelet électronique» par exemple – les avocats pourront faire appel et plaider «l’entrave à sa fonction de président. Il bénéficie donc d’une certaine immunité».
Pour les autres affaires en cours, les procès ont peu de chance d’avoir lieu pour des raisons différentes, précise Benoit Frydman. En janvier, Trump redeviendra le chef de l’exécutif fédéral et aura donc le pouvoir d’influencer les deux procès fédéraux : celui de l’assaut du Capitole et celui des documents classifiés. Par le passé, le républicain a plusieurs fois menacé de « virer » le procureur spécial Jack Smith en charge des enquêtes s’il était réélu. «Il y a la possibilité que le prochain ministre de la Justice, qui sera nommé par le président Trump, mette fin aux poursuites. Il pourrait aussi mettre fin à la mission du procureur spécial. Ce sont deux manières différentes de procéder qui reviennent à la même chose, en pratique. S’il n’y plus de poursuites, la mission du procureur spécial n’a plus de sens et si le procureur spécial est évincé, les poursuites ne peuvent continuer», explique le professeur de l’ULB.
Concernant le procès de l’Etat de Géorgie, où le président n’a pas de pouvoir, la procédure est suspendue en raison de la défense de Trump qui demande le dessaisissement de la procureure Fani Willis, accusée d’avoir eu une relation intime avec un enquêteur qu’elle avait engagé dans cette affaire. Le juge Scott McAfee avait rejeté la demande de dessaisissement en mars, mais elle a été portée devant la cour d’appel de Georgie, qui ne devrait pas statuer avant 2025. «Si la demande de la défense aboutit, il est plus que probable qu’aucun procureur ne reprenne le dossier du fait que Trump sera un président en exercice», appuie Michaël Fernandez-Bertier. «Selon la pratique, on ne poursuit pas le président en exercice», plussoie Benoît Frydman.
«Une cour suprême trumpiste»
Dans le cas – peu probable – où il y aurait procès et condamnation, les affaires « finiraient par être portées devant la Cour suprême en dernier recours» par la défense de Trump, indique Benoît Frydman. Or cette dernière est acquise au républicain, attestent les deux spécialistes. «La Cour suprême est trumpiste pour des années à venir. Il a déjà nommé trois juges lors de son premier mandat, deux autres vont bientôt partir à la retraite, qu’il faudra remplacer (NDLR: les juges suprêmes sont nommés à vie). ça fera cinq pro-Trump sur neuf», martèle l’avocat du barreau de New-York. Le juge Clarence Thomas avait même été épinglé pour ses liens trop étroits avec le parti républicain.
Avec l’arrêt du 1er juillet 2024 – qui donne droit au président à «au moins à une présomption d’immunité pour ses actes officiels» – la Cour suprême a déjà montré qu’elle était favorable à Trump, illustre le philosophe du droit.
Une dernière hypothèse évoquée pour que Trump puisse échapper à la condamnation : la grâce présidentielle. Le président pourrait se gracier lui-même dans les affaires fédérales (assaut du Capitole et documents classifiés), mais pas pour celles portées par les Etats de New-York et de Georgie. «Il n’en aura pas besoin, puisqu’il va mettre fin aux poursuites», assure Benoît Frydman. Encore que la question de « l’auto-grâce » n’est «pas formellement tranchée par la Cour suprême».
Attendre 2029 ?
Réélu président, Donald Trump semble bel est bien devenu intouchable, «comme c’est le cas dans beaucoup de pays pour les chefs d’état», pose Benoît Frydman. Jusqu’à la fin de son mandat ? «Tout dépend comment les enquêtes auront évolué. Il n’est pas exclu qu’une ancienne affaire revienne devant la justice. Et vu le tempérament de Trump, il n’est pas exclu qu’une autre affaire survienne», craint Michaël Fernandez-Bertier.