Une récente étude évalue à 40% le risque de faire une dépression durant la périménopause. En cause: les importantes fluctuations hormonales mais aussi les bouleversements familiaux ou professionnels, fréquents à l’approche de la cinquantaine.
Long et tortueux peut être le chemin vers l’âge d’or. Pour les femmes, cette transition passe inévitablement par d’importants bouleversements hormonaux. Si les plus chanceuses traverseront cette période de leur vie sans ressentir le moindre symptôme, les autres n’échapperont pas aux nombreux désagréments qui les accompagneront jusqu’à la ménopause. Et parfois même au-delà.
Bouffées de chaleur, changements du cycle menstruel, prise de poids, maux de tête, troubles du sommeil et de l’humeur ou encore ostéoporose sont les inconvénients les plus fréquemment cités lors de cette période de transition. Or, la dépression est aussi l’une des conséquences possibles de ce chamboulement intérieur.
«J’ai eu une période dépressive: j’occupais un poste où je subissais du harcèlement et je n’avais pas assez de force pour me positionner ou refuser certaines demandes professionnelles. Ma santé a été mise à mal et ma famille aussi. J’ai quitté ce poste. Je sais qu’aujourd’hui, j’aurais réagi autrement car je suis la personne que j’ai toujours été, mais à ce moment-là, j’étais très affaiblie physiquement et psychologiquement», écrit une de ces femmes qui a souffert de dépression. «J’ai compris a postériori que la grosse dépression que j’ai faite à 49 ans était un symptôme de la périménopause», se confie une autre*.
«La périménopause est une période à risque pour la dépression et une réalité psychosociale et physiologique dont la dimension neurobiologique est souvent sous-estimée», pouvait-on déjà lire dans un article de la Revue médicale suisse il y a près de vingt ans.
Aujourd’hui encore, bien des aspects de cette période charnière qui débute aux alentours de la cinquantaine et qui s’étend en moyenne sur deux à quatre ans, restent inexplorés par la recherche.
Une méta-analyse menée par une équipe de l’University College London (UCL) et parue en juin dans le Journal of Affective Disorders apporte de nouveaux éléments de réponse. Elle conclut que la périménopause est l’étape associée aux risques les plus élevés de dépression.
Un risque que les deux checheuses qui ont dirigé l’étude évaluent à 40%. Leurs conclusions se basent sur l’analyse de données de près de 10.000 femmes. L’étude n’a par contre pas montré de risque significativement accru de symptômes ou de diagnostics dépressifs chez les femmes postménopausées par rapport aux femmes préménopausées.
Fluctuations hormonales
La ménopause décrit la phase de reproduction où les menstruations s’arrêtent en raison de la perte d’activité folliculaire ovarienne. L’âge moyen de la ménopause est de 49 à 52 ans, ce qui coïncide avec les taux les plus élevés de dépression chez les femmes, comme le rapportent d’autres recherches épidémiologiques. La transition vers la ménopause est caractérisée par des niveaux fluctuants et éventuellement diminués d’œstrogène et de progestérone ainsi que par des niveaux élevés d’hormone folliculo-stimulante (FSH), rappelle l’étude.
«La littérature reste controversée à ce sujet», nuance d’emblée le Pr Serge Rozenberg, gynécologue à la Clinique de la Ménopause du CHU Saint-Pierre. Les données laissent effectivement penser qu’il existe une relation entre dépression et périménopause mais celle-ci ne serait pas très forte. Elle concerne surtout les femmes qui présentent des antécédents de dépression, une période de post-partum par exemple, ou qui souffrent du syndrome prémenstruel (SPM), étant donné qu’elles sont plus sujettes aux variations hormonales». Les femmes qui ne ressentent pas de telles variations mais qui présentent déjà des fragilités psychologiques sont, elles aussi, plus à risque.
Le regard de la société
Ce qui est difficile à établir, dans les cas de dépression en période de périménopause, c’est la part que représentent les variations hormonales dans le déclenchement de la maladie.
«La ménopause survient en moyenne vers les 50 ans. Une période durant laquelle les troubles professionnels ou familiaux -séparation, enfants qui quittent le nid, perte d’emploi- sont courants. C’est un âge critique sur bien des aspects. Il s’agit donc de faire la part des choses entre un deuil nécessaire de certaines choses ou de certaines situations et les effets directs de la périménopause. Or, les études tiennent rarement compte de ces autres paramètres. C’est davantage de l’ordre du bon sens clinique».
«Pour ces cas où la situation personnelle est compliquée, poursuit le gynécologue de Saint-Pierre, on peut se demander si la périménopause accentue l’état dépressif ou si ce sont les troubles hormonaux, dont la fatigue et le stress, qui rendent certaines situations plus difficiles à vivre et à supporter. Il a par exemple été démontré que les femmes sont davantage absentes au travail pour cause de burnout lorsqu’elles sont en période de ménopause et que celle-ci n’est pas traitée. Et qu’a contrario, les femmes qui vont bien, soit parce qu’elles sont traitées, soit parce qu’elles ne ressentent aucun symptôme, sont moins absentes au travail que les hommes. Mais il faut rester prudent : association ne veut pas forcément dire causalité».
Les chercheuses de l’University College de Londres qui signent l’étude sur le lien entre dépression et variations hormonales mentionnent elles aussi cette zone grise de la recherche. Elles soulignent que «le modèle bio-psycho-socio-culturel postule que les événements difficiles vécus pendant cette période, notamment la prise en charge des parents et des enfants vieillissants, peuvent accroître la vulnérabilité biologique. On suppose que les attitudes culturelles à l’égard du vieillissement et de la ménopause augmentent la vulnérabilité, les cultures occidentales ayant des opinions plus négatives sur cette période et ressentant des symptômes plus graves».
Fin mai, l’Inami a organisé une réunion de consensus sur la prise en charge de la ménopause. Il a notamment été discuté de l’utilisation d’œstrogènes pour traiter la dépression chez les femmes en périménopause et en postménopause.

Le rapport de l’Inami mentionne que l’hormonothérapie substitutive (HTS, constituée d’œstrogène seul ou d’une combinaison d’œstrogène et de progestatif) est recommandée pour «atténuer une humeur dépressive qui se manifeste en conséquence de la ménopause. Une thérapie cognitivo-comportementale peut également être envisagée pour atténuer une humeur dépressive ou une anxiété qui se manifeste en conséquence de la ménopause».
Et les antidépresseurs? «Il y a lieu de s’assurer, mettent en garde les auteurs, que les femmes ménopausées et les professionnels de la santé impliqués dans leurs soins comprennent qu’il n’existe pas de preuves claires concernant le recours aux antidépresseurs de type ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ou aux IRSN ( inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline) pour soulager l’humeur dépressive chez les femmes ménopausées sans diagnostic de dépression».
Les preuves ne sont pas suffisantes non plus, écrit l’Inami, pour recommander une hormonothérapie substitutive ou une psychothérapie pour le traitement de la dépression périménopausique.
«Les antidépresseurs donnent de bons résultats sur les bouffées de chaleur et agissent modérément sur la dépression. Et comme tout médicament, ils ont des effets secondaires. En outre, ils fonctionnent moins bien que le traitement hormonal chez celles qui ont des bouffées de chaleur et qui présentent une composante dépressive», a observé le Pr Rozenberg.
Quant au fezolinetant, médicament utilisé pour traiter certains symptômes liés à la ménopause, comme les sueurs nocturnes ou les bouffées de chaleur, il n’a pas montré d’efficacité sur les autres symptômes comme la dépression, l’ostéoporose et la perte de libido.
* Témoignages issus du site Lamenopause.fr