mercredi, décembre 24

L’Arizona a pour projet d’abaisser le plafond des cotisations patronales sur les plus hauts revenus. La mesure permettra une hausse des plus gros salaires, mais n’aura aucun impact sur le travailleur moyen, dont l’augmentation salariale est interdite jusqu’en 2027.

Il n’y aura pas d’augmentation des salaires en 2025. Ni en 2026, d’ailleurs. C’est la loi sur la compétitivité (dite loi de 1996) et le Conseil central de l’économie (CCE) qui l’ont décidé. Certes, un employé qui travaille dur pourra demander une augmentation à son employeur, mais s’il la lui octroie, il devra compenser cette augmentation par une réduction ailleurs, voire par un licenciement.

Pour les grands patrons, en revanche, tout est différent. C’est ce que révèle l’économiste Olivier Malay (Solvay) dans une note d’analyse publiée par le réseau Econosphères, qui entend ramener les questions économiques à l’intérieur du débat démocratique. Aujourd’hui, les cotisations patronales sur les plus gros salaires s’appliquent sur 360.000 euros. L’excédent de cette somme n’est pas concerné par l’impôt sur le travail (payé par l’employeur). D’ici 2027, l’Arizona projette de descendre ce plafond à 268.000 euros. En Belgique, ce seuil concerne 2.070 employés, soit 0,04% des travailleurs. Pour l’Etat, il s’agira d’un manque à gagner annuel de 150 millions d’euros, selon les tableaux budgétaires de l’Arizona (soit 72.000 euros par salarié concerné).

Une hausse du salaire de 10 à 15% pour les PDG

A de tels niveaux de salaires, et hormis les nombreux footballeurs professionnels, on parle presque exclusivement de PDG. Si la plupart d’entre eux optimisent leur régime fiscal en se faisant rémunérer comme indépendants ou via des sociétés, certains sont bel et bien salariés. «En pratique, quand un PDG démissionne, l’entreprise ouvre un appel à candidatures, et cela aboutit à des enchères salariales. Certains disent qu’il faut améliorer le package salarial pour attirer plus de talents dans nos entreprises», décrit Olivier Malay, qui n’exclut pas non plus un certain lobbying des PDG en place. L’objectif du gouvernement est donc double: attirer les cerveaux tout en évitant que ceux-ci ne se fassent rémunérer sous des régimes qui contribuent moins à l’effort collectif.

«La hausse hypothétique des dividendes provenant de l’argent récupéré sur les cotisations ne serait vraiment pas énorme. Donner cet argent au PDG implique une hausse de son salaire de 10 à 15%. Là, il y a un véritable impact.»

Comment les entreprises peuvent-elles augmenter ce package salarial malgré la loi qui bloque les salaires? Car jusqu’ici, cette baisse des cotisations patronales s’apparente plus à un cadeau aux entreprises qu’à une promesse d’augmentation salariale des PDG. «L’entreprise pourra en effet faire ce qu’elle voudra de cet argent récupéré. Elle peut augmenter ses bénéfices ou investir, expose Olivier Malay. Mais désormais, elle pourra légalement augmenter la rémunération du PDG. Et je pense qu’un certain nombre de sociétés le feront, particulièrement celles cotées en Bourse où les dividendes versés aux actionnaires sont déjà très élevés. La hausse hypothétique des dividendes provenant de l’argent récupéré sur les cotisations ne serait vraiment pas énorme. Donner cet argent au PDG implique une hausse de son salaire de 10 à 15%. Là, il y a un véritable impact.»

Un deux poids deux mesures risqué

Autre question. Si la marge dégagée par la réduction des cotisations patronales permet une augmentation du salaire du PDG, ne permet-elle pas une augmentation du salaire des travailleurs également? Dans les faits, cette baisse d’impôts va réduire le coût salarial moyen pour les grandes entreprises. «Même pour des PME, employant jusqu’à 200 personnes, les PDG ne sont pas à ces niveaux de salaire, assure Olivier Malay. Vu la taille des entreprises concernées par la mesure, les marges libérées par la baisse des cotisations patronales ne seront jamais redistribuées aux travailleurs, tellement elles seront courtes.»

La note d’Econosphères l’illustre cyniquement. Dans le cas de Colruyt, par exemple, la baisse de cotisations patronales sur les hauts revenus libérerait 113.500 euros à l’entreprise. Partagés entre tous les travailleurs du groupe, cela augmenterait le salaire de… quatre euros bruts par an. «Le gouvernement dit qu’il faut améliorer l’attractivité pour les travailleurs, et j’entends cet argument, conclut Olivier Malay. Dans ce cas, il ne faut pas de deux poids deux mesures. Il y a plusieurs métiers en pénurie, des métiers difficiles, dans l’Horeca, dans le travail de nuit, dans l’enseignement, dans la logistique ou le transport où l’on doit aussi attirer des travailleurs. Pourtant, les salaires y sont bloqués. Selon moi, soit on n’augmente personne, soit on augmente tout le monde. Et je pense qu’on y gagnerait.»

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