samedi, décembre 21

Fiat, la marque automobile italienne, est en sérieuse difficulté. Symbole national, elle fait l’objet de toutes les attentions politiques. Une réunion se tient ce mardi, décisive pour son avenir.

Il est parfois des licenciements brutaux qui suscitent de l’espoir. Ainsi, sans doute, peu d’employés de Fiat regretteront-ils le départ précipité de Carlos Tavares à la tête du groupe automobile Stellantis au début de ce mois.

L’ingénieur portugais n’a pas résisté à la faiblesse de ses derniers résultats, plombés notamment par des résultats américains désastreux, un nouveau système de distribution mal pensé et la défaillance des moteurs PureTechs équipant de nombreux modèles Citroën, Peugeot et Opel.

En 2021, c’était sous l’impulsion du désormais ex-Directeur Général que Fiat Chrysler Automobiles avait uni sa destinée à celle de PSA. La fusion à 47,5 milliards d’euros donnait alors naissance à un mastodonte regroupant pas moins de quatorze marques de premier plan.

Mise à l’écart

Parmi elles, Fiat est peut-être celle qui a souffert le plus de la «stratégie Tavares». Focalisée sur l’électrification des grands modèles, qui génèrent plus de marges, celle-ci a longtemps ignoré les plus petits véhicules, dont l’entreprise turinoise s’était fait une spécialité.

Le président de Stellantis, c’est pourtant John Elkann, héritier de la famille Agnelli, qui a fondée puis dirigé Fiat pendant des décennies. Depuis la fusion, il a semblé toutefois assumer totalement la dilution des intérêts de Fiat dans un groupe devenu mondial.

A mesure que le pouvoir d’influence s’ancrait de plus en plus fermement à Paris – l’Etat français est présent au capital à concurrence de 6% quand l’Italie en est absente – la péninsule s’est ainsi vue progressivement mise à l’écart. En 2023, le pays ne représentait plus que 17% des employés de Stellantis et 6% de ses revenus, soit moins que le Brésil.

Si, au niveau mondial, l’italienne demeure la première marque vendue par Stellantis, les derniers chiffres de l’association européenne des constructeurs ont de quoi inquiéter. En octobre 2024, près de deux fois moins de Fiat ont été vendues en Europe qu’en octobre 2023. Sur les dix premiers mois de l’année, la marque affiche un recul de 17% de ses immatriculations alors que Stellantis, elle-même, voyait ses parts de marché passer de 17% à 14% en un an.

Désolation

De quoi semer aujourd’hui la désolation au sein des cinq usines italiennes du groupe. Ces trois dernières années, plus de 10.000 emplois y ont été supprimés. Entre janvier et septembre, la production de voitures dans les usines transalpines avait chuté de 31%, comparé à la même période de 2023.

Et cela avant même que ne soit décidée cette automne une suspension de la production de la Fiat 500 électrique. Son premier modèle, lancé en 2020, incarnait un espoir de renouveau. Mais aujourd’hui, les ventes stagnent.

Conséquence : à travers l’Italie, ce sont tous les sites Fiat qui tournent au ralenti. Y compris à Mirafiori, le site historique turinois. Ou encore à Pomigliano d’Arco, près de Naples, où les licenciements succèdent aux fermetures provisoires.

Sans surprise, les autorités politiques se sont saisies du sujet et un bras de fer entre Stellantis et la Première ministre Giorgia Meloni est engagé. Alors dans l’opposition, la présidente du conseil avait déjà regretté la perte d’un «trésor national» lors de la fusion avec PSA. Aujourd’hui, dénonçant l’abandon de Fiat en dépit de subventions massives dont le groupe a bénéficié, elle s’oppose à toutes nouvelles d’aides publiques à l’achat tout en promettant de se battre pour la préservation de l’emploi sur les chaînes de montages. 

Son ministre des transports, Matteo Salvini, s’est quant à lui dit «dégouté» par la gestion passée de John Elkann, chargé d’assurer la transition opérationnelle d’ici la nomination d’un nouveau CEO. Ce dernier rencontre ce mardi Adolfo Urso, le ministre italien des Entreprises et du Made in Italy, qui attend des engagements clairs quant à de futurs investissements productifs dans le pays.

Sans doute le président de Stellantis lui réitérera-t-il la promesse faite d’investir 100 millions d’euros afin de doter la Fiat 500 électrique d’une nouvelle batterie haute puissance et  d’«intensifier sa production». Le groupe s’est aussi engagé à fabriquer une nouvelle version hybride de la Fiat 500 sur le site de Mirafiori. Lors du dernier Mondial de l’auto de Paris, Carlos Tavares avait par ailleurs affirmé que toutes les usines italiennes disposaient d’un plan d’activité jusqu’en 2032.

Le renouveau de Fiat?

Fiat entend par ailleurs donner un coup de jeune à la marque en rompant avec la monoculture des petites voitures dans laquelle elle s’était enfermée. Après la 600 électrique lancée l’année passée, une nouvelle Fiat Panda de grand gabarit devrait apparaître dans les prochains mois. Fabriquée en Serbie, elle ne remplacera toutefois pas le modèle actuel, plus petit, dont le montage demeurera en Italie. D’autres modèles originalement conçus pour les marchés américains pourraient aussi être commercialisés en Europe, prévient le constructeur. Enfin, Fiat promet une «giga-Panda» pour 2027, renouant ainsi avec des modèles familiaux à un tarif que FIAT annonce très accessible. L’objectif avoué est de concurrencer Dacia, dont les modèles à bas prix recueillent un énorme succès en Europe.

«Fiat est une marque populaire par excellence. Elle dispose d’un vrai patrimoine émotionnel que la 500 avait su exploiter. Les moteurs électriques et les plateformes de montage partagées entre plusieurs marques rendent les voitures plus fiables, ce qui était le point faible des italiennes. Le potentiel pour renaître est donc là», relève Damien Deroanne, consultant pour secteur automobile.  A condition, souligne-t-il, de réinvestir constamment et opportunément dans de nouvelles versions de ces différents modèles néo-rétro. L’enjeu est énorme, quand on sait le retard pris sur les modèles chinois, qui pénètrent progressivement le marché.

Pour l’heure, beaucoup s’interrogent sur le successeur de Carlos Tavares. S’agira-t-il d’un ancien de PSA ou de Fiat Chrysler? «Au vu de la nécessité de redresser la barre aux Etats-Unis, il pourrait bien s’agir d’un américain», observe Damien Deroanne. Si l’Italie veut être rassurée, l’actionnaire public français, lui, jouera probablement de son poids afin de conserver au groupe son ancrage hexagonal.  Une rude bataille d’influence s’annonce…

Philippe Beco

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