La CPI paraît ne jamais échapper aux critiques. Elle tente pourtant de rencontrer son but: ne pas laisser les crimes les plus graves impunis. Illustration avec les accusations contre les talibans et l’ancien président philippin.
En 2017, quinze ans après la mise sur pied de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, il n’échappait à personne que les accusés de crimes internationaux devant la Cour étaient tous des ressortissants d’Etats africains. L’Union africaine avait alors explicitement encouragé ses membres à quitter la CPI. Si cette voie avait été suivie, la Cour aurait été privée de la moitié de ses soutiens. Malgré certaines intentions exprimées en ce sens par l’Afrique du Sud ou la Gambie, la Cour n’a pas été désertée. Seul le Burundi s’en est retiré, à la suite de l’intérêt de la CPI pour certaines attaques menées contre la population civile par des agents burundais et des membres des Imbonerakure.
En 2017, cela faisait aussi huit ans que la Palestine avait accepté la compétence de la Cour, sans que rien ne se déclenche. Cette lenteur avait également attisé les critiques. Ce n’est qu’en 2021 que la Cour a décidé qu’elle pouvait exercer sa compétence à l’égard de la Palestine dont le territoire était défini comme incluant la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est ainsi que la bande de Gaza. Et ce n’est qu’en 2024, dans le contexte des attaques perpétrées par le Hamas et des hostilités menées par Israël à Gaza, que des mandats d’arrêts ont été délivrés à l’égard de trois responsables du Hamas et deux dirigeants israéliens.
Ces derniers développements ont été tantôt salués tantôt critiqués, engendrant même de vives menaces de la part des Etats-Unis. Des sanctions contre les avoirs de toutes les personnes assistant la Cour avaient déjà été adoptées par l’administration Trump en 2020, en réaction à l’ouverture d’une enquête concernant des soldats états-uniens en Afghanistan, une enquête dont le président estimait qu’elle constituait une menace pour la sécurité nationale et sa politique étrangère. Les sanctions avaient ensuite été levées sous l’administration de Joe Biden. En février, le président Trump en a adopté de similaires envers toute personne travaillant pour la Cour ou facilitant son travail, en se fondant sur son illégitimité à examiner ce qui concerne des Etats qui n’ont pas accepté de s’y soumettre. Le statut de la Cour prévoit toutefois sa compétence pour les crimes commis sur le territoire des Etats parties à son statut. Et aucun Etat n’ignore que ses ressortissants encourent le risque d’être inquiétés s’ils commettent des crimes dans un Etat ayant accepté sa compétence.
La demande récente du procureur de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt à des responsables talibans pour des crimes contre l’humanité commis à l’égard des femmes et des filles n’ont pas soulevé de critiques aussi virulentes, si on excepte les talibans qui ont annoncé que l’Afghanistan quitterait bientôt la Cour. Et la récente arrestation de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte, accusé de crimes contre l’humanité dans le contexte de la guerre contre la drogue qu’il avait orchestrée, a été accueillie plutôt favorablement.
Accusée par les uns d’en faire trop et par les autres de ne pas en faire assez, la Cour pénale ne paraît jamais échapper aux critiques. En attendant, elle tente de rencontrer son but de ne pas laisser des crimes aussi graves que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou les crimes de génocide impunis et ce, quels qu’en soient les auteurs et où qu’ils se déroulent.