dimanche, octobre 27

Annick Cojean, grand reporter au Monde, rassemble les témoignages des soldats, pilotes, résistants, journalistes… qui ont participé à l’opération Overlord. Pour l’histoire.

Grand reporter au Monde, Annick Cojean garde le souvenir des histoires que sa mère lui racontait au bord du lit. Un sujet écrasait tous les autres: l’épopée du débarquement allié du 6 juin 1944, qu’elle avait vécu de près dans la région de Caen où elle vivait. Les histoires faisaient place à la grande histoire. Annick Cojean n’a cessé de vouloir reconstituer ce récit au cours de sa carrière, en récoltant les témoignages des acteurs du D-Day lors de ses reportages ou à la faveur des commémorations en Normandie.

«Tous étaient unis par la conviction que cette guerre de libération était juste.»

Quatre-vingt ans après la bataille de Normandie qui allait lancer la libération de l’Europe du nazisme, elle publie 18 de ces témoignages dans Nous y étions (1). Ils sont Français, Américains, Canadiens, Britanniques, Polonais et racontent une infime ou une essentielle facette de «la plus grande opération militaire de tous les temps: 10.000 avions, 5.000 bateaux, plus de 150.000 garçons venus du monde entier prendre d’assaut les plages normandes». On est frappé de voir combien l’idée de la mort était présente dans l’esprit de ceux qui s’apprêtaient à débarquer et combien elle était assumée. «J’avais si peur. Si peur… On allait mourir. Vous comprenez? Mourir là-bas, sur cette plage à laquelle on avait donné un nom américain et qui était française, mais qu’importe, lance le soldat Jess Weiss, alors âgé de 28 ans. Mourir ce jour-là. Dans quelques minutes ou bien dans une heure. Mourir pour de bon! On y pensait si fort sur le bateau. Tous, je crois. […] Mais il n’y avait rien à faire. Le processus était enclenché et le piège refermé sur nous.»

Il n’y a cependant pas que la «machine de guerre» qui broie ses exécutants. Il y a aussi le sentiment d’être du bon côté de l’histoire. «Tous étaient unis par la conviction que cette guerre de libération était juste et que se battre contre le nazisme était faire son devoir», commente l’aumônier français René de Naurois. Et puis, surviennent les inattendus de cette opération: l’incompréhensible absence de la flotte et de l’aviation allemandes, le retard dans l’ordre de la contre-attaque et la découverte, comme le narre l’Américain Ted Liska, que l’ennemi dont on s’est fait l’idée d’un monstre paraît si semblable à ce que l’on est. La majorité de ces acteurs du D-Day sont morts aujourd’hui. Annick Cojean entretient à bon escient le souvenir de leurs exploits.

(1) Nous y étions. 18 vétérans racontent heure par heure le D-Day, par Annick Cojean, Grasset Le Monde, 176 p.

© DR
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