jeudi, novembre 14

Les gouvernements ont enfin publié la liste des collaborateurs des cabinets des ministres wallons et de la fédération Wallonie-Bruxelles. Voici comment les gouvernements MR-Engagés ont recruté.

Ils ont bien tardé, plus de trois mois après l’installation des exécutifs. C’est une espèce de record qui a beaucoup énervé l’opposition. Et les arrêtés de nomination n’ont même pas encore été publiés. Mais les gouvernements wallon et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont enfin rendu publique la composition des cabinets ministériels. Publique, mais pas définitive, puisque tous les effectifs ne sont pas complets, et que des glissements et des recrutements seront encore rendus nécessaires lorsque les négociations fédérales et bruxelloises seront bouclées. Ces équipes ministérielles, soient-elles incomplètes, sont désormais accessibles(*).

Le MR et Les Engagés avaient promis de faire un effort en réduisant les équipes de 10% par rapport à la législature précédente, mais pour l’instant, ils font surtout l’effort de recruter, car ils doivent tous les deux engager beaucoup plus de cabinettards que précédemment.

Ce que l’on sait, à cet égard, des 437 noms désormais publiés, c’est qu’ils ne sont généralement pas des novices politiques. Une large partie est composée de mandataires, élus locaux ou candidats aux dernières communales (103 personnes, donc environ un quart de tous les cabinettards). La majorité d’entre eux peut d’ailleurs se prévaloir d’une certaine expérience du sérail, puisque plus de 60% (soit 267 personnes au total) ont déjà travaillé dans un cabinet avant l’actuel.

Les plus inexpérimentés: Les Engagés

Les Engagés reviennent au pouvoir après cinq années d’une opposition vouée à la refondation. Ces cinq ans durant lesquels la formation de Maxime Prévot s’est ouverte à la société civile ont également été marqués par le départ de certains cadres et de nombreux collaborateurs. Certains ont été rappelés à la composition des nouveaux gouvernements, si bien que les quatre nouveaux ministres étiquetés Engagés ont recruté quatre chefs de cabinet d’anciens ministres CDH.

Mais Les Engagés ont dû puiser plus loin que le MR, au pouvoir partout et avec ses nombreux sortants, dans un vivier que l’opposition avait un peu vidé, et les quatre cabinets Engagés sont ceux où l’on retrouve, proportionnellement, le moins de collaborateurs pouvant se prévaloir d’une expérience professionnelle au service d’un ministre ou d’un parlementaire. Seul le cabinet de François Desquesnes (Territoire, Infrastructures, Mobilité et Pouvoirs Locaux), de loin le mieux staffé des équipes turquoise, affiche une majorité de cabinettards expérimentés. Et cette expérience est, évidemment, plus datée que chez les ministres réformateurs, puisque la plupart des ré-engagés Engagés n’ont plus exercé depuis le choix de l’opposition de 2019. Notons qu’à la Fédération Wallonie-Bruxelles, la ministre-présidente Elisabeth Degryse et Valérie Lescrenier (Tourisme, Patrimoine et Petite enfance) ont même embauché trois anciennes collaboratrices de la ministre de la Culture sortante, Bénédicte Linard (Ecolo). Et que la cellule «petite enfance» ne compte toujours aucun employé.

A l’inverse, le MR, lui, a joyeusement puisé dans ses effectifs sortants puisque le taux d’anciens dans ses six équipes dépasse systématiquement les 60%. Cette différence d’expérience pose, pour les ministres engagés, une sorte de problème que le partenaire réformateur a remarqué depuis longtemps, depuis déjà la rédaction des Déclarations de politique régionale (DPR) et communautaire (DPC) au moins. Cette moindre expérience conduit parfois, paraît-il, Les Engagés à se faire un peu marcher dessus par leur plus madré partenaire. Au fédéral, Les Engagés n’ont plus connu le pouvoir depuis dix ans maintenant: l’inexpérience de leur personnel politique pourrait y présenter un handicap encore plus lourd.

Venu de la société civile, le ministre de la Santé Yves Coppieters a en outre subi deux rapides défections, puisque Antoine Tanzilli, son chef de cabinet, ancien député CDH et ancien chef cab’ d’Alda Greoli, et sa chef cab’ adjointe, l’ancienne mutuelliste chrétienne Virginie De Clercq, sont déjà partis.

La plus famille: Jacqueline Galant

La bourgmestre de Jurbise revient à un poste ministériel. Mais Jacqueline Galant ne quitte pas vraiment Jurbise, commune dont elle a été triomphalement réélue bourgmestre le 13 octobre. Elle a emmené avec elle un peu de Jurbise, au cas où elle aurait un peu le mal du pays. La ministre des Sports et des Médias a veillé à s’entourer de figures très locales puisque sa bourgmestre faisant fonction à Jurbise, Stéphanie Hotton, travaille dans le cabinet de sa bourgmestre en titre, après avoir été son attachée parlementaire. Un autre de ses collaborateurs ministériels est conseiller communal à Jurbise. Mais la plus célèbre Jurbisienne de Belgique n’oublie pas non plus qu’elle est également présidente de la fédération MR de l’arrondissement de Mons-Borinage, ce qui l’oblige à considérer l’intérêt d’autres communes que la sienne. C’est sans doute pourquoi figurent sur son pay-roll deux conseillers communaux de Mons, dont le porte-parole du RAEC, le club de foot local, qui fut avant ça son attaché parlementaire, ainsi qu’un très jeune échevin, Julien Roisin. Celui-ci est aussi agriculteur, ce qui lui valut de figurer au casting de L’Amour est dans le pré, puis d’être invité par la bourgmestre libérale de Lens, Isabelle Galant, sœur de Jacqueline, à participer, sur sa liste, aux élections communales. Sa belle moisson électorale lui valut un échevinat. Qu’il ait été employé au cabinet de la sœur de sa bourgmestre est une heureuse application de l’esprit de famille si chaleureusement intrinsèque à la vie rurale. Peut-être tous ces ruraux viendront-ils au travail les bottes un peu crottées, mais qu’importe: Jacqueline Galant sera probablement la ministre dont les bureaux sont les plus propres de la législature, puisqu’elle est la seule membre des gouvernements francophones à mentionner la présence dans son staff de deux «techniciennes de surface».

Le biais local dans le recrutement est un grand classique des équipes ministérielles.

Le chef de cabinet et une cheffe de cabinet adjointe d’Yves Coppieters (à gauche, Les Engagés) ont déjà quitté l’équipe du ministre wallon et francophone de la Santé. © BELGAIMAGE

La plus uccloise: Elisabeth Degryse

Le biais local dans le recrutement est un grand classique des équipes ministérielles. Un grand classique un peu passé de mode, heureusement: on ne trouve rien d’aussi systématique aujourd’hui qu’à l’époque glorieuse des vieux dinosaures. L’héritage des anciens est toutefois encore valorisé dans certains cabinets, où chacun, c’est naturel, recrutera des collaborateurs avec lesquels il se sent en proximité, y compris géographique. Ainsi, un des chefs de cabinet de Pierre-Yves Jeholet, bourgmestre en titre de Herve, y est conseiller communal, Adrien Dolimont a pu pacifier quelques situations difficiles dans son arrondissement de Thuin grâce à une habile gestion des ressources humaines, et Valérie Lescrenier emploie six mandataires (ou candidats mandataires) issus de sa belle province luxembourgeoise. Mais il n’y a pas que les ministres sortants. Les nouveaux arrivés rendent également grâce au classique ministériel, puisque Elisabeth Degryse, ministre-présidente issue de la société civile, jadis secrétaire générale de la Mutualité chrétienne, n’a pas emmené avec elle que deux de ses confrères mutuellistes (son porte-parole et un conseiller): celle qui a aussi été, le 13 octobre dernier, tête de liste des Engagés à Uccle travaille au quotidien avec une assistante personnelle qui était coordinatrice de la campagne des Engagés à Uccle, et avec un conseiller qui fut candidat conseiller communal à Uccle.

Un ministre aime attirer à lui des compétences non seulement pointues mais aussi patinées d’un peu de notoriété.

La plus people: Valérie Glatigny

Comme celle du recrutement exclusivement local, la tradition des piliers se perd également dans la Belgique d’aujourd’hui. Mais il en reste certaines traces, pleines d’enseignements pour les amateurs d’archéologie politique. On ne s’étonnera pas beaucoup que, dans le Who’s who des cabinets, les personnes issues du secteur associatif l’aient été dans des associations du pilier chrétien (des scouts aux guides, en passant par les écoles et les mutuelles), ou que les interlocuteurs sociaux qui ont gagné en pouvoir d’interlocution, en faisant entrer certains des leurs dans des cabinets, soient ceux du banc patronal. La nouvelle ministre régionale de l’Energie, ancienne patronne des patrons wallons, Cécile Neven, qui est la moins gourmande en mandataires de tout le gouvernement fédéré (à peine trois collaborateurs sur 36 le sont ou ont voulu l’être) a, ainsi, amené comme chef de cellule de son cabinet le collègue qu’elle avait sous son autorité, comme directeur du pôle «compétences», à l’Union wallonne des entreprises (UWE). Hors de ces filières bien connues, locale ou partisane, sociologique ou géographique, un ministre aime attirer à lui des compétences non seulement pointues mais aussi patinées d’un peu de notoriété. Comme lorsqu’on engage un candidat de L’Amour est dans le pré. Ou comme Yves Coppieters, qui a fait de Joël Van Cauter, philosophe et essayiste fort connu en Flandre, fellow du très libéral institut Itinera, le chef de sa cellule «Méthode et vision». Ou comme Pierre-Yves Jeholet, s’attachant les services d’Axel Legay, spécialiste de la cybersécurité (de l’UCLouvain) et naguère désigné Wallon de l’année. Mais la plus efficace à ce mercato est Valérie Glatigny, puisque la ministre de l’Enseignement a attiré, comme experts, l’ancien président de l’ULB JeanLouis Vanherweghem, libéral bien connu, mais aussi, et surtout, le très populaire psychopédagogue de l’UMons, Bruno Humbeeck.

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