mardi, janvier 14

L’arrivée d’un militant du parti Chez Nous au sein du MR ce week-end divise les libéraux. Il y a ceux qui estiment nécessaire de ramener sur les chemins démocratiques des extrémistes de tous bords. Et puis il y a ceux qui déplorent un «mode solo» du président qui n’écoute plus sa base.

D’habitude, ce sont les socialistes, les écologistes, les communistes et parfois Les Engagés qui font part de leur indignation concernant les positions polémiques du président du MR, Georges-Louis Bouchez. L’arrivée de Noa Pozzi, tête de liste du parti d’extrême droite Chez Nous dans la circonscription liégeoise à la Chambre le 9 juin dernier, a changé la donne. «Les libéraux liégeois n’ont été ni consultés ni même informés quant à l’adhésion de Noa Pozzi au MR, écrit la cheffe du groupe MR à la Fédération Wallonie-Bruxelles Diana Nikolic. Je ne peux que le regretter.» Bien que la Liégeoise se réjouisse de voir un jeune homme de 20 ans se détourner de l’extrême droite, en communication politique, il est rare et peu anodin de voir des élus critiquer ouvertement leur leader. Pareil pour les jeunes MR qui avaient refusé l’adhésion de Pozzi en août dernier, et qui annoncent geler les demandes d’adhésion de «personnes ayant été affiliées à des listes ou partis d’extrême droite ou d’extrême gauche».

Louis XIV

«Ce qui fait mal, c’est qu’il n’y a pas eu de concertation interne, déplore un libéral préférant garder l’anonymat. C’est à la section interne locale de gérer l’inscription, et à la fédération provinciale de faire le screening du profil et de le valider.» Sur RTL, Sophie Wilmès a d’ailleurs fait une analyse similaire. En interne, certains constatent que depuis le 9 juin, «plus personne n’ose bouger, il y a un mode solo du président qui s’est enclenché, un style proche de Louis XIV».

Un autre poids lourd du parti indique que si «un débat devra avoir lieu sur ces questions clivantes», Georges-Louis Bouchez n’est pas non plus un cavalier fou et seul, «le bureau élargi et le bureau exécutif du parti se réunissent toujours souvent.» Sur la concertation interne, Denis Ducarme, président de la fédération provinciale hennuyère qui a d’ailleurs accueilli récemment deux profils similaires à Noa Pozzi, prend la défense de son président fédéral. «Les différentes instances du parti se réunissent régulièrement. Et puis il y a un élément clair: Georges-Louis Bouchez a porté son parti aux 30%, a porté une majorité wallonne qui exclut la gauche, il est dans un état de grâce lié à ses résultats.» Des résultats que même les militants plus «modérés» du MR ont validé puisque le président a été réélu à 95% cet été, entre les deux victoires électorales.

La réussite dans les urnes permet-elle d’intensifier un «style Bouchez» déjà bien marqué ? «Il n’y a pas de nouveau style depuis le 9 juin, assure un proche du président. Depuis cinq ans, il y a un nouveau style et un style gagnant. Rien n’a changé ces dernières semaines.»

Recrue d’extrême droite au MR: le président ne doute pas

Bouchez, lui, ne doute pas. Il aurait d’ailleurs mis sur pause les négociations fédérales pour envoyer quelques soufflantes suite aux déclarations de Sophie Wilmès. Sa justification publique quant à l’accueil d’anciens poulains de l’extrême droite serait venue suite aux demandes répétitives des journalistes et non pas des critiques venues de son rang. Peut-être, comme l’estime le bourgmestre ucclois Boris Dilliès, qu’il n’y avait pas besoin de répondre à ceux qui veulent «faire d’un chou un potager» et que ces trois nouvelles recrues ne représentent pas les 10.000 affiliés du parti. «Mais il doit faire attention à toutes les sensibilités et personnalités du parti. La victoire du 9 juin a fait taire la frustration de beaucoup, mais ne l’a pas fait disparaître

Déjà en 2020, Bouchez ne doutait alors pas qu’un organe composé de onze «sages», aussi connu sous le nom de G11, devait encadrer sa présidence. «Bouchez n’en a jamais rien eu à faire, du G11, assure un membre important du MR. Il ne l’a jamais convoqué. Il n’en fait qu’à sa guise, il a toujours raison, et il se considère comme celui qui sait faire de la politique.» Une autre source libérale comprend qu’il doit être difficile pour un président d’être «belle-mèrisé» et rappelle que les statuts ont été modifiés après cet épisode du G11 pour, justement, intensifier les concertations.

Pour l’instant, la recette marche au sein du MR et personne ne critique ouvertement le président. «Comme il est fort et que ses sorties font du bruit médiatiquement, beaucoup s’y retrouvent. Tout se passe bien pour l’instant, mais ça abîme le leadership.» Et comme aucune ascension n’est infinie, un jour viendra où le MR sera à un carrefour de la stratégie, analyse notre source libérale. «Au final, je pense que Les Engagés vont prendre du poids dans l’électorat modéré. D’où l’importance pour Georges-Louis de concrétiser les résultats électoraux. (…) Le dénouement de cette histoire dépendra de ses erreurs. Mais tant qu’il est gagnant, il tiendra.»

La fille de Jean Gol recadre Bouchez

Georges-Louis Bouchez aura donc ponctué ses justifications sur l’accueil dans ses rangs d’anciens membres de Chez Nous avec un rappel de la carrière politique de Jean Gol, figure du parti qui a même donné son nom au centre d’étude libéral. Le Montois avait alors affirmé qu’à vingt ans, Jean Gol côtoyait les étudiants communistes. Contactée par Le Vif et un brin agacée par la sortie de Bouchez, la fille de Jean Gol, Deborah, a tenu à rétablir la vérité sur le parcours politique de son père, comme elle l’a notamment fait dans son livre.

«Trente ans après le décès de mon père, il me semble que sa mémoire mérite d’être respectée et laissée en paix. M. Bouchez doit savoir ce que cela aurait eu de choquant pour mon père d’être convoqué pour justifier l’adhésion de candidats de l’extrême droite au parti libéral. J’aimerais, en d’autres termes, que Monsieur Bouchez cesse d’invoquer le nom de mon père et d’insulter sa mémoire en comparant son parcours à celui de candidats issus d’une mouvance qu’il avait tellement en horreur, notamment en tant que petit-fils de déportés. Accessoirement, les faits évoqués par M. Bouchez sont erronés. A 20 ans, mon père faisait partie du cercle des étudiants socialistes et non communistes. Il avait eu précédemment des sympathies pour les communistes belges, comme de nombreux jeunes dans les années cinquante-soixante, car ce mouvement comptait dans ses rangs de nombreux anciens résistants. Comparaison n’est pas raison.»

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