vendredi, octobre 18

Détecter des pathologies via l’haleine ou la sueur, c’est (presque) possible. Y compris pour certains cancers. Des chiens renifleurs au développement de « nez électroniques », la recherche se précise.

Le cancer a-t-il une « odeur » ? L’idée n’est pas neuve. Depuis les années 1980, de nombreuses études ont été menées sur le sujet. Avec de belles histoires à la clé. Notamment celle, relayée dans plusieurs articles scientifiques, d’un chien qui reniflait systématiquement un grain de beauté situé sur la jambe de sa maîtresse. Le toutou essayait même de la mordre à cet endroit, comme s’il voulait arracher cette lésion cutanée. Après consultation chez un dermatologue, le diagnostic tombe : il y a bien un mélanome.

Des chiens qui « renifleraient » le cancer ? Une piste insolite, mais qui semble truffée de promesses. Le meilleur ami de l’homme a un sens de l’odorat super développé, nettement supérieur à l’être humain. Son flair a d’ailleurs fait ses preuves dans de nombreux secteurs : détection de drogues ou d’explosifs, fouilles pour retrouver des victimes sous les décombres…

Un procédé qui a du flair

Lorsqu’un patient développe un cancer, le processus biologique en place n’est pas la même que pour un individu sain. Les cellules cancéreuses vont libérer des molécules spécifiques, que l’on peut retrouver dans l’air expiré, dans la sueur ou encore dans l’urine. « Lors d’une pathologie, il y a des biomarqueurs qui sont reliés cascades biologiques. Et certains sont suffisamment volatiles pour se retrouver dans l’air expiré », Jean-François Focant, chimiste à l’ULiège.

Ils perçoivent ainsi les composés chimiques émis par les tumeurs et présents dans l’organisme. « Le chien est un instrument magnifique, confirme Jean-François Focant, chimiste à l’ULiège. C’est comme si on avait un nez électronique avec un million de senseurs : il va mesurer plein de choses, mais lui a un microprocesseur dans le cerveau qui combine. Et on imagine qu’il fait des synergies. Mais il faut d’abord les entraîner. »

Cancer du sein

L’analyse de ces Composés Volatiles Organiques (CVO) donne de bon résultats pour le cancer du poumon, via l’air expulsé, ou encore pour la détection du cancer du sein via la sueur. C’est le cas notamment du projet KDOG, mené pendant sept ans en France par l’Institut Curie. Les patientes passaient un tissu sur le sein atteint et le tissu était ensuite « sniffé » par les chiens.

Lors du lancement du projet en 2017, l’équipe de recherche a obtenu des résultats impressionnants. À l’époque, les chiens, dressés pour la cause, étaient parvenus à reconnaître la totalité des échantillons issus d’une patiente malade. Une étude clinique a ensuite eu lieu pour analyser la fiabilité du processus à plus grande échelle. « Les chiens sont capables de détecter un cancer du sein par la sueur. Mais ils ne sont pas encore capables de faire un diagnostic », expliquait récemment Isabelle Fromatin, la cheffe du projet, à l’émission Allô Docteurs sur France 5. Elle évoque notamment de la lassitude chez les canidés.

Nez électronique

Pourquoi pas reproduire cette prouesse artificiellement ? Ce fut l’objectif du projet européen Pathacov. Les chercheurs de l’ULiège, sur le campus d’Arlon, ont travaillé sur un « nez électronique » (« e-nose », en anglais). L’objectif : développer un instrument de diagnostic précoce non invasif afin de pouvoir, à terme, identifier l’émergence d’une maladie, comme un cancer du poumon, via la respiration du patient. « L’idée est d’avoir un instrument dans lequel il suffirait de respirer, de souffler. Cet instrument pourrait alors indiquer la présence d’une maladie telle qu’un cancer mais aussi du diabète, de l’asthme, une allergie… », explique Anne-Claude Romain, professeure à l’ULiège et directrice du groupe de recherche SAM. L’outil permet de donner une sorte d’alerte : « Cela ne sert pas à dire que vous avez vraiment un cancer, mais signale qu’il y a un risque important et qu’il faut faire des tests supplémentaires », ajoute Justin Martin, doctorant qui a travaillé sur le projet Pathacov.

Le travail se base sur plusieurs capteurs non spécifiques, qui vont générer une signature. Cette dernière doit être interprétée, et donc associée à un apprentissage. De même qu’un humain, ou un chien, doit apprendre qu’une telle odeur est celle du fromage, par exemple. Cela passe notamment par la présence de biomarqueurs, identifiés par des partenaires français. « C’est une recherche totalement en parallèle. La liste de biomarqueurs est utilisée pour entraîner le nez électronique, pour sélectionner les capteurs et développer la machine », explique-t-il

Pas encore de diagnostic

Mais, comme pour les chiens, le diagnostic, ce n’est pas pour demain. « On est loin des techniques d’analyses médicales, comme l’imagerie, les scans… On n’est pas du tout encore à ce stade-là », conclut Anne-Claude Romain. Les résultats sont encourageants et une étude clinique devrait bientôt débuter afin de démontrer la potentialité de la méthode.

« Il y a des tas de facteurs confondants, comme l’alimentation, l’âge, le sexe, mais également l’environnement, confirme Jean-François Focant. Quand des groupes de recherche proposent des candidats biomarqueurs, très souvent les résultats sont différents d’expériences menées ailleurs. » Les techniques utilisées, pour piéger et isoler les molécules, avancent. « On va dans la bonne direction, mais on n’y est pas encore. »

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