Ils sont présidents de parti et ils partent en campagne le cœur plein d’espoir et la tête pleine d’idées. Leurs bouches sont remplies d’engagements fermes et de promesses alléchantes vers un futur meilleur. Voici les justifications de Georges-Louis Bouchez, face à quelques contradictions.
Leur parcours à tous est lesté de plusieurs années de déclarations de campagne, de petits et de gros mensonges, de fausses promesses et d’erreurs factuelles que la vérité des faits, ou la logique, ou la morale, ou les trois, contredisent, sans que jamais ils n’aient dû s’en justifier.
Bien sûr, il y a parmi eux des spécialistes, qui s’adonnent au bluff politique plus souvent que les autres, mais chacun s’en est déjà rendu coupable. C’est précisément pourquoi Le Vif a décidé de répertorier ces petits et gros mensonges dans un dictionnaire très didactique des pseudo-vérités politiques en Belgique francophone.
Pour ne vexer personne, il sera sous-divisé en six chapitres, un par parti :
- Le Centre d’étude de la vie magnétique pour le PS
- L’Observatoire du gloubisme pour le MR
- L’Institut mondial d’hedebouwologie pour le PTB
- L’Unité d’écolométrie comparée pour Ecolo
- Le Séminaire sur le prévotisme pour Les Engagés
- Ce qui est mal, DéFI nie, pour DéFI
Pour ne flinguer personne, chacun aura le droit de s’expliquer sur ses mensonges, ses contre-vérités et ses fausses promesses passés. Et nos différents dictionnaires seront alimentés, jusqu’au 9 juin.
Observatoire du gloubisme
Répertoire des changements d’opinion, des inventions et des contradictions de Georges-Louis Bouchez et des siens.
Sur l’emploi du néerlandais
C’est une des questions que l’on pose souvent, parfois avec malice, à Georges-Louis Bouchez: où en est son néerlandais? Le président du MR a maintes fois annoncé, depuis qu’il occupe cette fonction, qu’il s’exprimerait sous peu dans la langue de Vondel, sans qu’on n’en voie jamais la couleur. Sauf par écrit… ou à l’oral, mais en s’emmêlant les pinceaux. Récemment, il promettait encore qu’il répondrait volontiers à la VRT en néerlandais avant la fin de la campagne. «J’ai pris cet engagement, je le ferai, il reste encore quelque semaines», indique-t-il.
Alors? «Je continue mes cours, je le parle en rue, lors de mes rencontres, etc., assure Georges-Louis Bouchez. Mais il est vrai qu’en télévision, les temps de parole sont tellement courts que c’est toujours plus compliqué en néerlandais. Parler est une chose, gérer une prise de parole dans les médias en est une autre. Surtout quand on n’a pas une base de départ.» Il l’avait exprimé voici deux ans: son manque d’aisance dans cette langue est grandement imputable, selon lui, au système scolaire francophone, qui ne lui en a pas donné les moyens. La solution qu’il préconise est un apprentissage obligatoire dès l’école primaire.
S’il espère pouvoir honorer son engagement linguistique sans tarder, le libéral estime néanmoins qu’il faut le juger sur le fond avant tout: «J’ai toujours été fasciné par le fait que, dans ce pays, on accorde moins d’importance aux choses qu’on dit qu’à la langue dans laquelle on les dit.»
Sur le nucléaire et les centrales à gaz
«Miser sur les centrales à gaz polluantes pour remplacer le nucléaire est un non-sens politique.» Telle est, en substance, la position défendue par Georges-Louis Bouchez et le MR au cours de la législature au fédéral, en particulier lors du bras de fer autour de la prolongation de deux réacteurs nucléaires. Au-delà des questions énergétiques, il s’agissait aussi, sur un plan politique, de mettre en difficulté la famille écologiste sur ce dossier.
En 2019 encore, dans son programme électoral, le MR soutenait explicitement la création de neuf centrales à gaz pour préparer la sortie du nucléaire en 2025. Georges-Louis Bouchez lui-même, en campagne présidentielle, défendait cette date de sortie. Et cette année, les libéraux francophones font du nucléaire une condition de participation à un gouvernement. Fameux changement de doctrine.
Comment l’expliquer? «Par un changement de président», lâche-t-il en souriant. Plus sérieusement, «il est assez évident que, dès que je suis arrivé, c’est un dossier que j’ai beaucoup pris en charge. J’ai très vite été sensibilisé par des collaborateurs qui tenaient cette thèse depuis un moment, mais qui n’avaient pas nécessairement été assez écoutés, pour des raisons d’accord de gouvernement, d’équilibres, etc.»
La vision défendue lors du dernier scrutin était-elle à côté de la plaque? «Absolument, répond-il tout de go. Cette partie-là, en tout cas, n’était pas du tout adéquate.» Si changement de doctrine énergétique il y a, il est donc pleinement assumé.
Sur le mandat de sénateur de Georges-Louis Bouchez
Président du MR, sénateur et conseiller communal, est-ce possible de cumuler toutes ces fonctions? «Non, pas du tout», répondait lui-même Georges-Louis Bouchez, en 2019, alors qu’il faisait campagne face à Denis Ducarme pour devenir président de son parti. Le Montois s’engageait, outre sa fonction de président, à ne rester que conseiller communal, donc à quitter son mandat de sénateur. Plus de quatre ans plus tard, il l’est toujours et n’a de toute évidence pas tenu cet engagement.
«Ce mandat était destiné à être proposé à des personnes extérieures. En interne, cela aurait fait plaisir à une personne pour faire déplaisir à cent autres. Les personnes non élues qui comptaient le plus de voix, c’était Adrien Dolimont et moi». Deux libéraux qui, disons, ont trouvé leur voie.
«Bref, cela n’a pas pu aboutir et de ce fait, j’ai gardé le mandat. Je tiens à dire que ça n’augmente pas ma rémunération, qui est plafonnée. Ma rémunération politique… Si j’ai une rémunération privée, c’est autre chose», précise Georges-Louis Bouchez.
En tant que président du MR, il perçoit une rémunération similaire à celle d’un vice-Premier ministre, soit un bon 20.000 euros bruts. «On soustrait le salaire de sénateur coopté, qui correspond à la moitié de celui d’un parlementaire (NDLR: environ 4.200 euros, en fait). De ce montant, on déduit ce qu’on me doit et la différence est prise en charge par l’ASBL de financement du parti», ajoute le libéral, qui affirme vouloir être transparent sur le sujet.
Sur le programme communiste de l’extrême droite
«Le programme économique du Vlaams Belang n’est pas un programme de droite, c’est un programme économique communiste qui entraînera la faillite de la Flandre.» Communiste, vraiment? Aussi étonnante qu’elle puisse paraître, cette déclaration a bien été formulée par Georges-Louis Bouchez, précisément lors du débat organisé par Le Vif, en décembre 2023, au cours duquel il rencontrait Melissa Depraetere.
Le président du MR persiste et signe, en réalité. «Quel est le seul parti à vouloir la diminution de l’âge de la pension, avec le PTB? Le Vlaams Belang. Ceci n’est qu’un exemple. De manière générale, leurs propositions socioéconomiques sont ancrées à gauche, c’est une réalité», poursuit le président du MR, qui cite également en exemple la question du rehaussement des allocations, des salaires, de la pension, etc. «Ils le font sans jamais évoquer la fiscalité. On ne sait même pas comment ils comptent financer leurs promesses», ajoute encore le président du MR.
Le Vlaams Belang n’en est pas encore à promettre de grandes vagues de nationalisation, ce qui en ferait une formation effectivement plus communiste que l’image qu’elle cherche à donner d’elle-même. Mais enfin, les experts en sciences politiques affirment eux aussi, à l’occasion, qu’à côté d’une posture d’extrême droite sur des questions comme la migration ou le sécuritaire, le Vlaams Belang mélange les genres sur le socioéconomique. «Ce sont les communistes, mais en pire. Ils veulent plus de dépenses et moins de recettes, c’est une équation impossible. Le Vlaams Belang, c’est la faillite de la Flandre», commente encore Georges-Louis Bouchez.
Sur le changement de nom évoqué par Georges-Louis Bouchez
«Je ne l’avais pas promis, mais évoqué comme possibilité», nuance immédiatement Georges-Louis Bouchez. Il a en effet été question, un temps, que le Mouvement réformateur adopte une nouvelle appellation. Le Montois y était plutôt favorable. Après la réforme des statuts du parti et la célébration de ses 175 ans, la question s’est posée. «Le nom est clairement sur la table. Je crois que le nom d’une formation politique doit révéler ses valeurs, mais ce sont les militants qui devront trancher», expliquait-il à Sudinfo en janvier 2022. «Mouvement des Libertés» a même été un temps évoqué. Au final, seul le logo a changé, en septembre de l’année dernière.
«L’actualité a fait que finalement, on n’a pas pris cette direction. Je ne suis pas un grand fan des sondages, mais il est vrai que les enquêtes d’opinion montrent que parmi les partis de la Vivaldi, on est un des rares, si pas le seul, soit à progresser, soit à se stabiliser.» Les récents sondages, qu’il s’agisse de celui réalisé par Kantar pour Le Vif en février ou du Grand Baromètre Ipsos-RTL-Le Soir de mars, lui donnent plutôt raison: le MR est celui qui décroche le moins, se maintient, voire progresse (à Bruxelles).
«On peut considérer que la marque MR n’est pas abîmée, en tout cas pas dans une position qui nécessite de changer de nom. Par contre, il y a quand même eu un changement d’identité, avec l’incarnation d’une droite plus populaire, qui devrait aussi pouvoir se traduire dans une identité plus populaire dans le nom. On verra en temps voulu. Ce n’est pas, à mon sens, le résultat électoral qui doit le justifier, mais la promesse qui est faite à travers le nom», ajoute encore celui qui répète régulièrement être «fier d’être libéral».