vendredi, octobre 25

La Flandre va aussi réduire ses taux sur les droits de succession. A qui profitera la réforme, et, surtout, sera-t-elle réellement attractive comparée aux décisions wallonnes?

La Flandre doit-elle moins taxer les transferts de biens d’un défunt? Oui, répond le nouveau gouvernement flamand, qui prévoit un effort budgétaire à hauteur de 350 millions d’euros pour parvenir à considérablement réduire les droits de succession. Si la Wallonie a affiché son objectif de diviser cette taxe par deux à l’horizon 2028, la Flandre se garde pour l’instant de communiquer des chiffres précis. Les héritiers peuvent-ils s’attendre à une réforme plus avantageuse du côté flamand, au vu de la meilleure santé économique de la Région? La réponse n’est pas si évidente.

«Réduire cette taxe n’est pas un luxe»

En Flandre, l’idée sous-jacente de la réforme en cours est de réduire la taxe sur la «mort subite» d’un proche, non préparée, et pour laquelle les droits de succession sont élevés. «Avec des taux de taxation à 27%, la volonté est de rétablir une certaine justesse, afin que les héritiers soient taxés d’une façon acceptable, estime l’économiste Geert Noels (Econopolis). Bien que la situation économique soit un peu meilleure en Flandre qu’en Wallonie, et contrairement aux croyances, le Flamand n’est pas très ou trop riche. Réduire cette taxe n’est donc pas un luxe pour la population.»

Comme en Wallonie, la mesure risque toutefois de mettre du temps avant d’être effective. Son impact budgétaire doit d’abord être évalué. Pour maintenir un certain équilibre, il est probable que la Région compense la baisse par une diminution ou une suppression d’autres avantages fiscaux. L’attractivité financière liée à l’achat d’une voiture électrique est la première victime annoncée. Les titres-services, qui seront augmentés et rendus non déductibles fiscalement, sont la deuxième. «La Flandre pourrait introduire d’autres mesures plus contraignantes, confirme Laurent Stas, fiscaliste et avocat partner chez Nexea. Notamment une possible augmentation de la période suspecte.» Cette dernière stipule, pour l’instant, qu’une donation effectuée plus de cinq ans avant le décès n’est pas comptabilisée dans la déclaration de succession du donateur.

«La Flandre pourrait introduire d’autres mesures plus contraignantes. Notamment une possible augmentation de la période suspecte.»

Plus de justice pour la classe moyenne

Au nord du pays, certaines réductions fiscales ont été souvent considérées comme ni nécessaires ni justifiées tant que la classe politique ne s’attaquait pas aux droits de succession. «La tendance actuelle s’inscrit dans cette volonté de parvenir à une meilleure homogénéité fiscale», indique Geert Noels.

La grande bénéficiaire de la baisse des droits de succession serait sans aucun doute la classe moyenne, dont le pouvoir d’achat pourrait se retrouver amélioré. «Le raisonnement global est de moins pénaliser les acquisitions de biens immobiliers. Ces dernières sont fortement liées aux droits de succession, selon l’économiste. C’est également une manière de casser l’idée selon laquelle il est difficile de construire et céder un patrimoine à ses enfants. Taxer cette forme d’héritage à des taux de presque 30% est aujourd’hui considéré comme injuste.»

© Illustration réalisée par une intelligence artificielle (Midjourney ®) – crédit : Roularta Media Group

Quelle baisse, pour qui, quels objectifs?

Il demeure peu probable que les taux soient abaissés de façon très significative et généralisée. On se dirige plutôt vers une mesure très ciblée, en faveur de certaines catégories de revenus. Les deux systèmes en vigueur –succession et donation– sont toujours liés: on peut éviter l’un en faisant l’autre. «On oublie vite que ces deux pratiques, si elles sont favorisées fiscalement, peuvent stimuler l’économie, le marché immobilier, les transferts entre générations et les projets familiaux, souligne Geert Noels. Leur taxation ne doit pas être abandonnée pour autant, mais considérablement diminuée.»

La question est aussi politique que philosophique. «C’est un aspect qui touche chacun d’entre nous. L’idée n’est pas anodine, car elle fait vivre le débat public», remarque Geert Noels. La nécessité de garder un impôt sur les successions est ainsi de plus en plus remise en cause. D’autant plus qu’il reste une taxe sur le patrimoine, à la différence qu’elle n’est due qu’en cas de transfert. «Dans toute une série d’hypothèses, les droits de succession ont un effet néfaste, car ils peuvent paralyser les héritiers sur le plan financier et sont dus dans un délai très court, rappelle Laurent Stas. On parle de six mois, avec des intérêts de retard qui commencent à courir au taux légal de 7%. Si on n’hérite pas d’une succession liquide, certains actifs peuvent également être sacrifiés.»

«Le contribuable qui cherche une fiscalité équitable est quelque part poussé à utiliser toutes ces niches fiscales.»

Le système actuel est biaisé

Le législateur invite lui-même à éviter les droits de succession, selon le fiscaliste, «puisqu’il est permis de réaliser des donations mobilières à des taux d’imposition très réduits. Clairement, les droits de succession ne font aujourd’hui plus beaucoup sens, à l’instar de nombreuses mesures fiscales en Belgique, qui manquent de cohérence.» Car même après l’application des futures réductions, les droits de succession resteront supérieurs aux droits de donations mobilières.

La Flandre s’inspirera-t-elle des propositions wallonnes? Du côté wallon, les droits de succession seront divisés par deux, dans presque toutes les catégories, pour arriver à l’objectif suivant: 5% en ligne directe, 7% en indirecte, 15% sans liens familiaux. Le seuil de dispensation, actuellement à 12.500 euros, sera doublé.

Indépendamment des futurs taux choisis au nord, une réduction qui s’accompagnerait d’une simplification serait une bonne chose, afin, aussi, de réduire les niches fiscales. «Le système politique belge est propice à une fiscalité « de gruyère », une base de départ dans laquelle on a déjà foré des trous, où le contribuable peut s’engouffrer de façon tout à fait légale. Le contribuable qui cherche une fiscalité équitable est quelque part poussé à utiliser toutes ces niches fiscales», dénonce Laurent Stas. Or, les droits de succession à 27% restent un impôt substantiel dans l’équilibre budgétaire actuel. «Paradoxalement, on permet de réaliser des donations qui restent non imposées, ou très favorables. Le système est biaisé.»

La Flandre plus avantageuse? Pas nécessairement

En Wallonie, plus qu’en Flandre, il faudra faire des concessions budgétaires. La réforme flamande se profile-t-elle dès lors comme plus avantageuse? Le raccourci n’est pas spécialement juste.

Une autorité flamande est en effet compétente pour la perception des droits de donation et succession, alors que l’Etat fédéral supervise toujours la Wallonie et Bruxelles. Or, «cette autorité flamande peut parfois être plus sévère que l’administration fédérale, davantage favorable au contribuable», pointe Laurent Stas. Le régime en vigueur pour la transmission d’entreprises, surtout, se révèle très défavorable aux structures de groupe en Flandre, telles que les sociétés holding.» Ainsi, les droits de succession aux transmissions d’entreprises, en Flandre et à Bruxelles, s’élèvent à 3% en ligne directe, alors qu’ils sont toujours à 0% Wallonie.

Par ailleurs, la légalisation appliquée est déterminée en fonction du domicile principal des cinq dernières années. «Même dans le cas où la Flandre deviendrait un eldorado, sa fiscalité ne serait valable qu’après deux ans et demi de résidence.»

Enfin, le fait que la taxation soit toujours plus élevée pour les personnes sans lien de parenté est une idée désuète, selon Laurent Stas. «Cela pousse les héritiers dans des situations parfois dramatiques, car ils héritent d’un bien qui n’est pas nécessairement liquide, avec des droits à payer dans de brefs délais. Limiter cette taxe à 40% (NDLR: elle est déjà montée à 90%) semble le minimum raisonnable dans un contexte moderne. Pourquoi serait-il légitime gde le surimposer?»

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