jeudi, novembre 14

Chaleureux et mignons compagnons, les chats et les chiens sont également… de grands pollueurs. Mais l’humain et sa façon de les domestiquer restent les premiers « coupables ».  
 

Hérissement de poils généralisés, ce jour-là devant LCI. «Oui, le chat est une catastrophe pour la biodiversité, le chien est une catastrophe pour le climat.» En balançant cette phrase à l’issue d’une séquence sur les nuisances du chat dans son environnement, le politologue et membre du GIEC François Gemenne s’attendait à un tollé, mais peut-être pas à recevoir des menaces de mort. Gare à celui qui ne brosse pas dans le sens du poil les propriétaires des 2,5 millions de matous et les 2 millions de toutous que compte la Belgique, selon les données de Statista. Selon François Gemenne, cette polémique (comme les récupérations politiques qui en ont découlé) démontre à quel point évoquer l’empreinte carbone des animaux de compagnie,de plus en plus considérés comme membres de la famille à part entière et soutiens sociaux non négligeables notamment des personnes seules, s’assimile très vite à une attaque personnelle. Dénuée de fond? Tentative d’objectivation en trois questions.

1. Quels dégâts?

Comme le formule François Gemenne, chiens et chats ne sont pas logés à la même enseigne en matière d’impact sur l’environnement. L’empreinte carbone du chien se révèle supérieure car celui-ci mange en moyenne davantage de croquettes industrielles, facteur premier de pollution. Et le secteur a bon appétit. La Fédération européenne de l’industrie des aliments pour animaux de compagnie (FEDIAF) calcule que cette industrie croît de 9% chaque année et qu’en Europe, 375 entreprises totalisent 29,2 milliards de ventes sur base annuelle. Soit 9,9 millions de tonnes de croquettes, gourmandes en viande et en eau. Aux États-Unis, l’Université de Californie s’est attelée à en mesurer l’impact écologique: ces croquettes industrielles sont responsables de 25 à 30% de l’impact environnemental de la consommation de viande, laquelle est émettrice de CO2 et grande consommatrice d’eau et d’espaces naturels déboisés.

Le chat, quant à lui, menace la biodiversité. «C’est un chasseur-né, entame André Lhoute, chargé de questions de biodiversité urbaine chez Natagora. Bien sûr, le phénomène en soi est naturel et nécessaire car la prédation représente un maillon central de tri parmi les espèces. Mais la croissance soutenue des populations de chats, surtout imputable aux abandons et à l’errance non maîtrisée qui en résulte, exerce une pression qui déséquilibre les écosystèmes. Chez nous, on estime aujourd’hui qu’environ un oiseau mort sur cinq a été tué par un chat dans les jardins.» Dans une étude parue en 2017, deux chercheurs américains avançaient que «les chats domestiques ont contribué à l’extinction d’au moins 63 vertébrés, représentent un danger majeur pour les vertébrés menacés et transmettent de nombreuses zoonoses». Des phénomènes qui progresseraient constamment depuis lors.

Posséder un chien compte pour environ 7 % de l’impact annuel sur le changement climatique d’un citoyen moyen de l’UE

2. Impacts réels des chiens et des chats sur l’environnement ou goutte d’eau dans l’océan?

Loin de vouloir culpabiliser les propriétaires d’animaux de compagnie, François Gemenne a tenu à rapidement relativiser la portée de ces impacts environnementaux, déclarant vouloir plutôt initier la réflexion. Une recherche de l’université de Berlin a mesuré l’impact écologique du «cycle de vie d’un chien moyen» -estimé à quinze kilos- en tenant compte de postes tels que la nourriture, les excréments, les déplacements et les accessoires. Elle révèle tout de même que posséder un chien compte pour «environ 7 % de l’impact annuel sur le changement climatique d’un citoyen moyen de l’UE».

Ce chiffre lisse cependant des disparités importantes: «La façon dont on domestique un animal détermine l’ampleur des effets que la petite bête occasionne, bien plus que le simple fait de l’adopter ou non. Inutile de critiquer les propriétaires en un bloc», relativise André Lhoute. Selon lui, vouloir mettre fin à l’adoption des chats serait d’ailleurs insensé. «À l’intérieur et en nombre raisonnable, je ne vois pas de problème. L’enjeu est de maîtriser les populations et de ne pas les laisser vagabonder partout.» Ainsi, vivre avec un chat qui sort peu annule pratiquement les dégâts que son espèce peut causer à son environnement direct.

Pour diminuer l’empreinte carbone que suppose la compagnie d’un animal et singulièrement celle d’un chien, la voie la plus efficace passe par diminuer sa consommation de croquettes à base de viande, au profit par exemple de restes de repas ou d’aliments à base d’insectes. De quoi soulager le budget canin tout en diminuant sa pollution. Côté félin, André Lhoute, amateur de chats, prône toutefois la stérilisation comme «meilleur moyen de retrouver une forme d’équilibre». Il complète: «Si la prédation du chat dégrade effectivement la biodiversité, rappelons que la destruction des habitats est encore plus préoccupante. Ne pas tailler ni standardiser son jardin à outrance et le préserver le plus possible de la présence des chats doivent aller de pair.»

Gaëtan Spinhayer

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