Critiqué dans sa méthode de travail et visiblement erreinté, le formateur Bart De Wever doit prouver qu’il reste l’homme de la situation au fédéral. Les jours à venir seront cruciaux pour la suite de sa mission.
L’Arizona a (à nouveau) frôlé la crise en début de semaine. Les premiers signes d’agacement s’étaient fait ressentir en début de week-end. Ils ont atteint leur apogée lundi. Perte de temps, manque d’efficacité et carcan budgétaire trop étriqué: les critiques à l’égard de la méthode de Bart De Wever ont fusé. Au point de faire planer le doute sur la prolongation de sa mission.
Un lunch d’urgence avec ses partenaires mardi, juste avant sa convocation chez le Roi, aura finalement permis de dissiper les tensions. La treizième escapade du formateur au Palais en appellera bel et bien une quatorzième. Reste que la séquence a laissé des traces. Contrairement à l’image de roc qu’il renvoie habituellement, le leader de la N-VA semble avoir mal vécu les attaques formulées à son encontre par presse interposée. De quoi soulever des appréhensions quant à sa capacité à piloter un exécutif fédéral?
«Dire qu’il est dégouté, c’est un peu exagéré, mais disons que ça ne lui a pas fait plaisir», relativise-t-on dans l’entourage des négociateurs. Le formateur aurait surtout été accablé pour ses équipes, qui n’ont, comme lui, pas pris un seul jour de congé depuis l’été. Après six mois intenses de pourparlers, la fatigue commence logiquement à s’installer. Tout comme la lassitude, face à l’absence totale d’avancées significatives.
Eviter une Vivaldi bis
D’autant que c’est la première fois que le formateur se voit publiquement incriminé par ses pairs. Contrairement à Georges-Louis Bouchez (MR) et Conner Rousseau (Vooruit), qui ont maintes fois été désignés comme les «Zwarte Piet» de l’attelage arizonien, l’image de Bart De Wever restait jusqu’ici immaculée. Véritable roi de Flandre, bourgmestre incontesté et incontestable à Anvers, le formateur n’est pas coutumier des remises en question. Sauf que l’échiquier fédéral repose sur des équilibres plus bancaux, dont il va devoir s’accommoder pour poursuivre sa mission. Et pour survivre à la barre du pays pendant une législature entière.
S’il veut se faciliter la tâche, le futur Premier ministre sait qu’il a intérêt à sceller un accord ultra-solide. Un texte à la fois pondéré, duquel chaque partenaire peut sortir gagnant (ou prétendre l’être), mais également limpide, pour éviter les brisbouilles à répétition. Car la grande hantise de Bart De Wever, c’est de tenir les rênes d’une Vivaldi bis, où chacun se tire continuellement dans les pattes. «De Croo, c’est son anti-modèle». Pas question de passer son mandat à jouer au gendarme. Ou à se faire étriller par son propre camp.
La tentation anversoise
Le formateur préfère donc s’abîmer maintenant que de subir pendant cinq ans. Pas surprenant, donc, que les négociations se prolongent. Si la méthode de travail est désormais ajustée (moins de bilatérales, plus de plénières au complet), les défis restent de taille. A commencer par le volet socio-économique. Jeudi après-midi, les négociateurs se sont penchés sur l’emploi, avant d’aborder la fiscalité et les pensions dans les jours à venir (week-end compris). L’espoir d’un accord de gouvernement d’ici la fin de l’année reste entier, mais dépendra (déjà) de la teneur des prochaines 72 heures. «Si ça passe, on sera sur de bons rails pour aboutir avant 2025, glisse une source. Si pas, ça risque de devenir compromis.»
La semaine entre Noël et Nouvel An, moins chargée en activité politique, pourrait permettre de sceller les derniers détails. L’échéance symbolique du 2 janvier, date à laquelle sera installé le conseil communal d’Anvers, est également scrutée par de nombreux observateurs. En cas de paralysie totale, le formateur pourrait-il être tenté de tout envoyer valser pour se consacrer pleinement au mayorat de sa ville de coeur? L’heure n’en est pas encore à un tel pessimisme. Autour de la table, chacun en est convaincu: Bart De Wever reste la bonne personne au bon endroit. «Tout le monde est toujours rangé derrière l’idée qu’il doit devenir Premier ministre. Ce sera lui, ou personne d’autre.»