L’essentiel
· Le nouveau gouvernement wallon a annoncé une réduction des droits d’enregistrement à 3% d’ici 2025 pour les acquisitions de biens d’habitation propre et unique.
· Cette mesure a déjà eu un effet sur le marché immobilier, avec un ralentissement des achats.
· Certains avantages actuels, tels que le chèque-habitat, vont disparaître avec cette réduction des droits.
· Vu la baisse des taux hypothécaires et des prix des biens, il est conseillé à certains profils d’acheteurs de ne pas attendre 2025 pour réaliser leur projet immobilier.
· Les personnes déjà propriétaires qui veulent acquérir un deuxième bien et les acheteurs de biens au revenu cadastral inférieur à 745 euros devraient profiter de la période calme actuelle pour acheter.
Depuis que le nouveau gouvernement wallon a dévoilé sa feuille de route, le marché immobilier – déjà très calme – a encore ralenti. Il faut dire que la réduction des droits d’enregistrement à 3% d’ici début 2025 a de quoi séduire de nombreux candidats acheteurs. Mais pour certains d’entre eux, le calcul n’est sans doute pas bon.
C’est l’une des annonces phares de la coalition MR-Engagés qui a fraîchement pris les rênes de la Région wallonne. Au 1ᵉʳ janvier 2025, les droits d’enregistrement devraient passer de 12,5% (ou 6%, dans certains cas) à 3% en cas d’acquisition d’un bien d’habitation propre et unique. De quoi permettre à la Wallonie de s’aligner sur la Flandre, où le taux a été réduit à ce niveau il y a deux ans et demi.
Tout qui lorgne le marché immobilier a vu passer l’information. Car la mesure permet de potentiellement économiser jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. De quoi faciliter l’accès à la propriété pour les plus jeunes, avance le gouvernement.
Selon Renaud Grégoire, notaire et porte-parole de notaire.be, l’annonce a déjà eu un effet sur le marché immobilier. «Depuis une dizaine de jours, on observe un ralentissement, constate-t-il. Les candidats acheteurs sont en stand-by, se disant qu’il vaut mieux postposer leur projet d’achat de six mois afin de profiter de ces frais réduits.»
Le réflexe semble logique. Pourtant, la situation n’est pas aussi limpide: attendre n’est pas forcément la meilleure idée.
D’abord, si le MR et Les Engagés disent vouloir mettre la mesure en place d’ici au 1er janvier 2025, rien n’est garanti. «Un travail bien fait, ça prend du temps, rappelle Renaud Grégoire. Et le processus législatif est lui-même assez long. Il n’est donc pas impossible que cela soit postposé.»
Le ministre-président wallon Adrien Dolimont (MR) semble tout de même se hâter. Mardi matin, il a annoncé travailler pour qu’un texte puisse déjà passer en première lecture «fin août, début septembre».
Dans certains cas, le régime actuel vous sera plus favorable que celui de 2025
Renaud Grégoire met alors le doigt sur la contrepartie de cette réduction des droits d’enregistrement: des avantages actuels vont disparaître. C’est notamment le cas du chèque-habitat, qui permet d’économiser de 1.000 à 1.500 euros chaque année à travers les impôts. Dans le même temps, il rappelle que certaines habitations wallonnes bénéficient déjà d’un abaissement des droits d’enregistrement à 6% si le revenu cadastral ne dépasse pas les 745 euros (voire plus pour celles et ceux qui ont plus de deux enfants).
«Si vous achetez aujourd’hui une maison à 250.000-300.000 euros sur laquelle vous bénéficiez de droits d’enregistrement à 6% et que vous y ajoutez un abattement de 40.000 euros et le chèque habitat, il ne faut pas attendre le régime des 3%. Le système actuel vous est plus favorable», résume le notaire.
Au-delà de la comparaison entre les deux régimes, la période actuelle semble en elle-même adéquate, fait valoir Renaud Grégoire. Les taux des crédits hypothécaires ont baissé au cours du premier semestre. Un rapide coup d’œil au baromètre d’Immotheker permet de constater une baisse en hiver suivie d’une période assez stable jusqu’à cet été. Dans le même temps, le prix des biens a lui aussi diminué, révèle le dernier baromètre des notaires. En Wallonie, le prix moyen d’une maison était de 236.265 euros au premier semestre, soit 1,8% de moins que la moyenne de 2023.
«Certes, ces baisses ne sont pas spectaculaires, mais il est toujours plus agréable d’acheter dans une telle période, commente le porte-parole de notaire.be. D’autant qu’on ne peut jamais être totalement sûr de ce qu’il se passera dans six mois. Même si on ne s’attend pas forcément à un rush et à une explosion des prix, les frais à 3% attireront plus de personnes sur le marché immobilier, ce qui pourrait tout de même engendrer des effets à moyen terme. »
En outre, l’été est généralement une bonne période pour acheter, avance Renaud Grégoire. «Tout le monde est en vacances, le pays tourne au ralenti, note-t-il. Actuellement, les vendeurs et les agents immobiliers sont très contents quand ils reçoivent un appel. Dès la rentrée, le rythme va s’accélérer et il deviendra bien plus difficile d’obtenir un rendez-vous rapidement pour une visite. Se positionner aujourd’hui permet d’acheter intelligemment: vous serez moins pressé car il y a moins de concurrence. Cela peut aussi être utile si vous essayez de négocier un prix à la baisse.»
Pour Renaud Grégoire, deux profils d’acheteur n’ont aucun intérêt à attendre 2025 pour concrétiser leur projet immobilier.
D’une part, les personnes déjà propriétaires qui veulent acquérir un deuxième bien. «Si elles postposent leur achat, elles se retrouveront face à des candidats qui pourront profiter des 3%… alors qu’elles ne le pourront pas. Elles doivent profiter de cette période calme», estime le notaire.
D’autre part, on retrouve les candidats à l’achat de biens au revenu cadastral (RC) inférieur à 745 euros. «C’est souvent le cas pour ceux qui cherchent un bien à la campagne, souligne Renaud Grégoire. En achetant maintenant, ils bénéficieront des droits d’enregistrement à 6% tout en profitant des avantages qui disparaîtront d’ici 2025.»
À l’inverse, ceux qui ciblent des biens en ville – au RC généralement élevé – ont raison de patienter. «Pour eux, la réforme annoncée par le gouvernement wallon sera vraiment utile. C’est d’autant plus vrai s’ils ne disposent pas d’un apport élevé, étant donné que les banques préfèrent ne pas devoir avancer elles-mêmes les droits d’enregistrement», conclut Renaud Grégoire.