Séjour axés sur «reconnexion intime», coaching en «réappropriation de son corps»… Et si la recherche absolue du bien-être sexuel n’était qu’une injonction supplémentaire?
Ça y est! Le culte du bien-être, allant de la sophrologie au yoga, en passant par les cures détox et l’obsession du développement personnel, a étendu ses racines jusque dans la sphère intime. On parle désormais de «bien-être sexuel», au carrefour de la santé mentale, physique et émotionnelle. Un nouvel impératif de performance et de perfection, on va le dire comme ça.
La santé sexuelle ne se limite en tout cas plus à l’absence de maladies, de frifri qui gratte le lendemain d’un quickie ou de performances mécaniques. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé sexuelle est désormais définie comme «un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en relation avec la sexualité». Et c‘est ainsi qu’extirpée de sa périphérie où résonnaient des gloussements gênés, la sexualité s’est placée au cœur du business. La meilleure version de vous-même qu’ils disaient… Retraites tantriques dans des hôtels-cliniques de luxe, cosmétiques censés booster la libido, applis de guidance pour couple… Le bien-être sexuel est une véritable industrie, notamment à Hollywood où plusieurs célébrités se sont lancées dans le secteur. Gillian Anderson, connue pour son rôle dans Sex Education, a par exemple développé une gamme de boissons aphrodisiaques intitulée G Spot et a récemment écrit un bouquin sur les fantasmes féminins.
Autre goal: de plus en plus de complexes hôteliers surfent sur cette vague. A Punta Mita, au Mexique, des clients fortunés se réunissent pour des séjours centrés sur la «reconnexion intime». Bibi Brzozka, une coach tantrique, y anime des ateliers pour aider les participants à libérer leur énergie sexuelle à travers des pratiques de respiration et des mouvements du bassin.
Mais derrière cette quête de bien-être sexuel et ces vieux types imitant maladroitement Elvis Presley se cache aussi une nouvelle forme de pression. Les injonctions à la «reconnexion intime» ou à la «réappropriation de son corps» peuvent, paradoxalement, ajouter du stress dans les relations. La sexologue Louise Tocqueville note d’ailleurs que beaucoup des participants à ces retraites et séminaires arrivent avec des attentes irréalistes, espérant résoudre en quelques jours des problèmes de longue date. «Lâche l’affaire John-John!», a-t-on parfois envie de crier.
Valoriser l’optimisation de soi à tous les niveaux est une des obsessions des désœuvrés, des perfectionnistes et des ambitieux.
Car pourquoi forcer jusqu’à risquer de se blesser? Valoriser l’optimisation de soi à tous les niveaux est une des obsessions des désœuvrés, des perfectionnistes et des ambitieux. Le sexe devient ainsi une nouvelle compétence à «maîtriser», au même titre que la gestion de ses émotions ou la préparation du matcha latte. Une performance, un domaine dans lequel il faut exceller pour être en parfaite harmonie avec soi-même. Est-ce vraiment nécessaire?
Autre source d’inquiétude: au-delà du self-care, la sexualité est également de plus en plus perçue comme un indicateur de bonne santé générale. Des établissements comme le très select SHA Wellness Clinic en Espagne demandent désormais à leurs patients de renseigner leur niveau d’activité et de satisfaction sexuelle, considérant que la chose reflète l’état de santé global d’une personne. Et c’est parti pour une boucle: en reliant directement la satisfaction sexuelle à l’idée de santé, on risque d’accroître les attentes et la pression et donc de diminuer la satisfaction sexuelle… Si c’est pour faire d’un espace de liberté et de plaisir un nouveau terrain où l’on peut échouer ou réussir, autant se mettre à la pétanque avec John-John…
Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.