jeudi, novembre 14

Si le retour de Donald Trump pourrait signifier une baisse des prix du gaz naturel liquéfié, il incarne également une rupture du marché régional européen. L’UE, dans sa quête d’indépendance stratégique, devra éviter certains pièges et miser sur ses propres technologies. Avec, en ligne de mire, le Pacte vert à l’horizon 2050. Tout un programme…

Biden les bloquait, Trump les fera tourner à plein régime. «Les», ces sont les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL), énergie fossile chère au président républicain réélu.

Avec effet immédiat. Il n’a en effet fallu qu’une poignée de jours à Ursula Von der Leyen pour faire un véritable appel du pied au magnat américain. Dans sa volonté de renforcer les intérêts communs entre les USA et l’UE, la présidente de la Commission a directement mis l’accent sur le dossier énergétique. «Nous recevons encore beaucoup de GNL de Russie, alors pourquoi ne pas le remplacer par du GNL américain, moins cher pour nous, et faire baisser nos prix de l’énergie?», a-t-elle déclaré à l’issue d’un sommet européen à Budapest. La main est tendue. Va-t-elle être entendue?

Un vrai impact sur les prix du gaz?

Augmenter la part des importations de GNL américain pourrait à la fois faire baisser les prix du gaz sur le marché de gros, mais aussi permettre de diminuer un peu plus encore la part du gâteau russe en Europe. Avec un réel impact sur la facture des consommateurs? «L’arrivée de Trump pourrait en effet peser sur les prix du gaz en Europe, estime Adina Revol, autrice de Rompre avec la Russie, le réveil énergétique européen. L’ augmentation de la production de gaz naturel liquéfié aux États-Unis accroîtra sa disponibilité sur le marché mondial, ce qui devrait se traduire par une pression à la baisse sur les prix.»

L’arrivée de Trump pourrait en effet peser sur les prix du gaz en Europe.

Selon l’experte en affaires européennes, il est essentiel de rappeler que l’UE reste un price taker sur le marché global. «Sans souveraineté énergétique, elle subit les prix fixés par l’équilibre international de l’offre et de la demande et par les aléas géopolitiques.»

Les taxes influencent également de manière significative le coût de l’énergie, représentant environ 40% du prix final dans l’Union européenne. «Pour renforcer la compétitivité économique européenne, une réflexion sur la taxation énergétique s’impose», estime-t-elle.

Prix du gaz: un tournant historique

A Versailles, en mars 2022, l’Europe a pris une décision forte pour se détacher du gaz russe, qui représentait alors encore 45% des importations. «Un tournant historique», assure Adina Revol. Plus de deux ans après, les effets sont concrets: le gaz russe ne représentait plus que 15% des importations européennes l’année dernière. Aujourd’hui, il a légèrement rebondi, autour de 18%, suite à une augmentation du transit de gaz russe par les ports européens vers le marché asiatique. Ce commerce de «relais» représente encore entre 3 et 4% des importations européennes de GNL.

Avec la réélection de Donald Trump, on observe une concurrence directe entre le GNL américain et russe.

A partir de mars 2025, l’utilisation de ports européens comme tremplins du gaz russe vers l’Asie sera interdite. Une perte commerciale nette pour l’Europe, donc, mais «un signal fort quant à la volonté de restaurer notre autonomie énergétique».

L’avenir de l’Europe repose plus que jamais sur la refonte de son système énergétique, avec pour objectif de prévenir toute dépendance stratégique comme celle que nous avons connue vis-à-vis de la Russie. A cet égard, le plan REPowerEU vise à prévenir toute rechute. Il repose sur trois piliers: diversification des approvisionnements, promotion des énergies renouvelables, et sobriété énergétique, liste celle qui fut également porte-parole de la Commission européenne en France. «En parallèle, l’Europe doit aussi relever le défi de la maîtrise des technologies nucléaires de nouvelle génération, comme les petits réacteurs.»

De régional à global: la transformation du marché européen

Avant la guerre en Ukraine, le marché gazier européen était largement régional, alimenté par le gaz russe, norvégien et algérien, avec une part marginale de GNL. «Aujourd’hui, privé du gaz russe, le marché européen est devenu global. Avec la réélection de Donald Trump, on observe même une concurrence directe entre le GNL américain et russe», relève Adina Revol.

L’Union européenne reste cependant engagée dans son Pacte vert, et vise à devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. «Cela implique la sortie progressive du gaz naturel et une transformation rapide de son système énergétique, avec une électrification accélérée. Il s’agit de ne pas substituer une dépendance fossile par une nouvelle dépendance, cette fois-ci verte.»

La nécessité d’une innovation forte

Par ailleurs, un plan industriel et technologique accompagne le Pacte vert, avec pour ambition que d’ici 2030, l’Europe puisse produire au moins 40% des technologies propres nécessaires. «La souveraineté stratégique et technologique européenne repose sur une innovation forte, notamment dans l’hydrogène, et sur des investissements stratégiques. Les discussions autour du prochain budget européen, du rôle de la BEI et de la création d’un marché de capital-risque en Europe seront déterminantes.»

Face au risque de voir Trump utiliser le GNL comme outil géopolitique, l’Europe devra donc soigneusement éviter une nouvelle dépendance énergétique, cette fois à l’ouest. Des objectifs qui nécessiteront, à terme, de trouver un équilibre entre la sortie progressive du gaz et le maintien d’un coût énergétique supportable pour le consommateur. Pour ne plus se liquéfier…

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