vendredi, octobre 18

Le ministre wallon Yves Coppieters (Les Engagés) émet l’idée que la «taxe poubelle» ne soit plus facturée par les communes aux ménages, mais directement par les intercommunales. Certains élus locaux sont demandeurs. Mais dans l’opposition, on craint que ce soit une façon dissimulée d’augmenter la redevance.

La «taxe poubelle», cette douloureuse qui, typiquement, suscite du mécontentement auprès des ménages et des débats animés au sein des conseils communaux… Plus d’un mandataire communal éviterait volontiers de se faire allumer à propos d’une redevance pour laquelle, en définitive, les communes n’ont pas tant de marge de manœuvre. Les intercommunales de gestion des déchets envoient la facture, que les communes répercutent selon le principe du coût-vérité (une obligation européenne), les comptes communaux devant couvrir entre 95% et 110% du coût réel de la gestion des déchets.

A l’occasion de la présentation du budget régional, le 16 octobre, le ministre wallon de l’Environnement, Yves Coppieters (Les Engagés), a avancé une idée – «une hypothèse», précise-t-il. Il nourrit cette «ambition que les intercommunales puissent peut-être facturer elles-mêmes le coût des déchets à la population, en ne passant plus par les communes».

A l’instar des factures d’eau, la redevance en question serait donc envoyée directement par Idelux, Intradel, in BW, Ipalle, Hygea, Tibi ou BEP-Environnement, les sept intercommunales compétentes en la matière. Renseignement pris auprès du ministre, il est peu probable que cette nouveauté soit instaurée du jour au lendemain. C’est une piste, donc. «Une réflexion de plusieurs communes entendue lors de la campagne électorale.» Intéressante, selon le ministre, dès lors que des communes souhaiteraient se délester de cette charge.

Une porte ouverte à des augmentations?

L’air de rien, l’idée soulève pas mal d’interrogations. Dans l’opposition au parlement wallon, on ne se prive pas d’en dénoncer les effets pervers potentiels.

«Cela va entraîner une nouvelle hausse du coût pour les citoyens. On a vu récemment Idelux augmenter de 30 % ses coûts pour les communes. Avec ce nouveau système, l’augmentation irait directement sur la facture adressées aux citoyens», a dénoncé Germain Mugemangango (PTB). Sous-entendu: en l’absence de débat public à la table d’un conseil communal.

Le chef de groupe Ecolo, Stéphane Hazée, émet quelques inquiétudes également. «S’il s’agit de faire quelques aménagements pour que sur le plan technique, logistique ou administratif, les mécanismes de perception soient plus simples ou économiques, on peut y réfléchir, commente le député wallon. Par contre, s’il s’agit d’augmenter le coût des déchets de manière subreptice en privant les communes d’un débat démocratique, en envoyant cela dans un conseil d’administration d’intercommunale à huis clos, c’est un problème.» Plus d’un bourgmestre et plus d’un échevin des Finances se priveraient bien de ces débats clivants autour d’une redevance très impopulaire, sans doute.

S’il s’agit d’augmenter le coût des déchets de manière subreptice en privant les communes d’un débat démocratique, c’est un problème.

Mais «les communes sont représentées au sein des intercommunales. La récente augmentation d’Idelux, c’est une décision avalisée par les représentants des communes et provinces au sein de l’intercommunale. Et Germain Mugemangango confond les choses. En l’occurrence, Idelux a par le passé décidé de puiser dans ses réserves plutôt que d’augmenter les prix, jusqu’à ce qu’un certain seuil soit atteint dans la trésorerie, ce qui est désormais le cas», précise Jean-Paul Bastin (Les Engagés), bourgmestre sortant de Malmedy et chef de groupe au parlement wallon.

Il ne s’agit pas pour les édiles communaux de se camoufler derrière l’intercommunale, selon lui. «Personnellement, si c’est l’intercommunale qui envoie la facture, je veux bien qu’on mettre le logo de la commune dessus. Aucun problème avec ça…»

Si c’est l’intercommunale qui envoie la facture, je veux bien qu’on mettre le logo de la commune dessus. Aucun problème avec ça…

Des communes demandeuses

Côté positif, un tel mode de fonctionnement permettrait probablement de désengorger administrativement des villes et communes déjà sous pression. L’ennui, c’est qu’elles sont compétentes pour ventiler elles-mêmes la répercussion du coût-vérité sur l’ensemble des ménages de l’entité: autant pour un isolé, autant pour un ménage de deux, trois ou quatre personnes, etc. Certains abattements sont prévus pour des publics spécifiques, par ailleurs.

C’est une différence majeure par rapport à la facturation de l’eau courante, notamment. «S’il y avait un tarif unique, pourquoi pas. Mais chaque commune a la main sur son règlement-taxe. Et les réalités sont différentes d’une intercommunale à l’autre, selon que l’on se trouve en milieu urbain ou rural par exemple», entend-on auprès d’une intercommunale. Et puis, accessoirement, la facture envoyée au ménage ne comprend pas uniquement les montants réclamés par l’intercommunale, mais aussi une série de mesures communales en matière de propreté publique.

Au cabinet d’Yves Coppieters, a priori, on ne semble pas remettre en question cette autonomie communale dans les modalités de la redevance. «Je pense aussi que les communes voudront garder la main sur ces aspects. Combien paie une famille nombreuse? Quel est le rythme des collectes? Combien de sacs distribue-t-on avec le montant forfaitaire? S’inscrit-on dans un système de sacs ou de conteneurs à puce?», énumère pour sa part le bourgmestre de Malmedy.

Des obstacles jurdiques

Autant un certain scepticisme se fait sentir auprès de certaines intercommunales, autant Jean-Paul Bastin n’en fait pas une montagne. «La commune envoie les fichiers et au moyen d’un bon logiciel, l’intercommunale envoie la facture. Même si on n’est pas dans le cas d’un tarif unique, comme pour l’eau, en 2024 ça ne me semble pas techniquement insurmontable

Mais, il y a un mais. «Cette question qui consiste à décharger la commune de cette tâche a déjà été étudiée par le passé», explique Laurent Dupont, le président de Copidec, la fédération des sept opérateurs wallons de gestion de déchets. «Pour le citoyen, ça ne changerait probablement rien, puisque la commune ne prend pas de marge sur la gestion des déchets. Mais l’idée se heurte à des problèmes juridiques et opérationnels.» Les intercommunales de déchets, par exemple, ne seraient pas habilitées à mettre en place des mécanismes répressifs en cas de non-paiement. Il n’y a pas de possibilité des recouvrement des impayés. Que fait-on des ménages qui ne s’acquittent pas de la redevance?

Cela étant, «nous sommes tout à fait ouverts à la discussion», insiste Laurent Dupont qui, en sa qualité de président de Copidec, ne balaie pas l’idée – encore vague à ce stade – d’un revers de la main.

8 millions d’euros gelés: les intercommunales dans l’expectative

C’était une autre annonce du gouvernement wallon, à la sortie de son conclave budgétaire: un moratoire est mis en place pour 8 millions d’euros prévus dans le plan d’infrastructures des intercommunales de gestion des déchets. La Copidec a demandé une réunion d’urgence avec le ministre, histoire d’y voir plus clair. Elle a été programmée pour ce 18 octobre en fin de journée.

Une des inquiétudes provient du fait que les intercommunales de déchets, depuis 2007, ne reçoivent plus leurs subsides en un coup pour financer des investissements, mais sont tenues de les préfinancer. Les subsides parviennent ensuite par tranches au fil des années, jusqu’à amortissement.

La crainte exprimée par l’opposition au parlement wallon est que, mécaniquement, ce manque à gagner se traduise par une augmentation des coûts à charge des ménages, en bout de course. «Soit c’est cela, soit c’est passer à côté de nos objectifs de recyclage et d’économie circulaire», dénonce Stéphane Hazée.

Du côté d’Yves Coppieters, on cherche à rassurer: il ne s’agit que d’un moratoire d’un an sur une partie du montant global du plan et qui ne porte pas sur les annuités, donc le remboursement des investissements déjà consentis. Des discussions vont avoir lieu avec les intercommunales et les projets les moins prioritaires seront mis au frigo, qu’ils concernent les recyparcs, les unités de valorisation énergétique, de biométhanisation ou les centres de tris.

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