«Les inflammations chroniques de bas grade» sont de plus en plus souvent associées à toutes sortes de pathologies graves. Comment mieux les comprendre et s’en prémunir?
Une inflammation est une réaction essentielle de l’organisme aux blessures et aux infections. Ainsi, la fièvre constitue une partie importante d’une cascade inflammatoire complexe visant à éliminer les intrus indésirables. Mais lorsqu’elle survient de manière excessive, au mauvais endroit et au mauvais moment, cela se transforme en inflammations chroniques pouvant provoquer l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires, les maladies neurodégénératives, les maladies inflammatoires de l’intestin, les affections pulmonaires et même le cancer.
Le vieillissement s’accompagne lui aussi, à cause d’un système immunitaire qui s’affaiblit, d’inflammations chroniques de bas grade. Entre 40 et 60% des plus de 65 ans présentent une inflammation systémique, ce qui les empêche de vieillir en bonne santé. Aujourd’hui, on parle même d’«inflamm’aging». «C’est un peu comme un feu qui couve pendant des années et fait des dégâts, mais pas assez pour déclencher l’alarme incendie, explique Len De Nys, spécialiste en sciences de la santé et enseignant en kinésithérapie à la VUB. Il en va de même pour le corps: vous ressentez des symptômes, mais trop vagues pour tirer la sonnette d’alarme. Si les troubles persistent, ils peuvent constituer la base de graves problèmes de santé.»
«C’est un peu comme un feu qui couve pendant des années et fait des dégâts, mais pas assez pour déclencher l’alarme incendie.»
Len De Nys a lui-même été confronté à des inflammations chroniques dues au stress et à un mode de vie malsain. Il a consigné ses expériences dans Waar rook is, is vuur (Là où il y a de la fumée, il y a du feu). «Les inflammations systémiques figurent depuis un certain temps déjà sur le radar de la recherche académique, notamment en matière de longévité, mais dans la population générale, les connaissances restent limitées. Ce n’est pourtant pas un phénomène anodin. Trois décès sur cinq dans notre pays sont liés à des inflammations chroniques sous-jacentes.»
1. Quelles sont les causes des inflammations chroniques?
Outre les facteurs génétiques, les inflammations aiguës non traitées et les maladies auto-immunes, un mode de vie malsain, le stress chronique, une exposition prolongée à la pollution, aux substances toxiques et aux allergènes sont des causes possibles. Une cause moins évidente est la solitude, explique Len De Nys. «Dans les « zones bleues », ces régions où les gens vivent le plus longtemps sans maladies chroniques, on observe souvent une communauté soudée. L’étude de Harvard, la plus longue étude jamais menée sur des humains, montre également que des relations de qualité –plus encore que n’importe quel autre facteur de santé– sont le prédicteur numéro un d’une vie longue et en bonne santé. Ce n’est pas illogique: d’un point de vue évolutif, les chances de survie étaient bien moindres si l’on se retrouvait seul. Une personne vulnérable est sujette au stress chronique. Et alors, le corps n’a plus le temps de se régénérer.»
«Une cause moins évidente est la solitude.»
2. Comment savoir si vous souffrez d’inflammations chroniques?
Les inflammations chroniques sont difficiles à détecter dans le sang, reconnaît Len De Nys. «Il existe des milliers de marqueurs inflammatoires possibles. En outre, le taux d’inflammation dans le sang augmente également si vous avez un simple rhume. Cela ne constitue évidemment pas une inflammation chronique. Et comme elles peuvent être présentes dans tout le corps, les symptômes sont complexes. Chez la plupart des gens, cela se manifeste par du brouillard mental, de l’apathie, de la fatigue, un manque d’énergie, une humeur maussade, des douleurs chroniques au dos, des douleurs musculaires généralisées, des troubles intestinaux, une sensation de ballonnement après les repas, une irritabilité exacerbée, etc. Bien souvent, les patients qui consultent leur médecin généraliste pour ce type de symptômes sont baladés d’un spécialiste à l’autre, car dans la pratique, les inflammations chroniques restent relativement méconnues.»
3. Comment traiter les inflammations chroniques?
Il est tout à fait possible d’éteindre le feu qui couve dans votre corps. «Nous vivons dans une société qui favorise l’inflammation. Les inflammations seront toujours présentes, mais un mode de vie sain agit non seulement de manière préventive, mais aussi thérapeutique. Commencez par des petites choses, les changements les plus accessibles. Je suis un grand adepte de la méthode des tiny habits de B.J. Fogg. Vous voulez réduire votre stress? Associez cinq minutes d’exercices de respiration à une routine déjà bien ancrée, comme le déjeuner ou le brossage de dents. Cela aide à intégrer la nouvelle habitude dans votre quotidien. Je constate chez mes patients que cela est bien plus réalisable que, par exemple, onze conseils pour une vie saine.» Mais le remède par excellence contre les inflammations chroniques, c’est l’exercice physique. «Même si cela n’avait aucun effet sur les inflammations, il faudrait quand même en faire», affirme Len De Nys. L’entraînement en force, en particulier, agit contre les processus inflammatoires en activant plusieurs mécanismes, notamment les myokines et les protéines de stress, qui renforcent la résistance cellulaire et la fonction immunitaire. Les personnes âgées qui font de la musculation trois fois par semaine présentent moins de réactions inflammatoires.
«Un mode de vie sain agit non seulement de manière préventive, mais aussi thérapeutique.»
4. L’alimentation peut-elle freiner les inflammations?
La recherche sur les aliments anti-inflammatoires en est encore à ses balbutiements, mais il devient de plus en plus clair que les polyphénols et flavonoïdes présents dans les aliments d’origine végétale peuvent avoir un effet anti-inflammatoire, tout comme les oméga-3.
«Le dietary inflammatory index classe les aliments en deux catégories: pro-inflammatoires et anti-inflammatoires. Ainsi, les sodas, le pain blanc, le riz blanc et les pâtes blanches sont considérés comme des aliments pro-inflammatoires. Ce n’est pas à cause des sucres raffinés en tant que tels, mais parce que ces sucres entraînent une consommation excessive de calories, ce qui provoque l’accumulation de graisses toxiques et inflammatoires. Il vaut également mieux éviter les aliments ultra-transformés, la viande rouge, la charcuterie et l’alcool.
A l’inverse, les légumes à feuilles vertes, les baies, l’huile d’olive et aussi le curcuma ont des effets anti-inflammatoires. Le curcuma peut même remplacer les médicaments anti-inflammatoires, par exemple chez les personnes souffrant d’arthrite. Car les médicaments aussi favorisent les inflammations.» De nos jours, les experts en nutrition ne cessent de parler d’aliments anti-inflammatoires, mais ce n’est pas toujours fiable. «Dire que les huiles de graines sont inflammatoires à cause des acides gras oméga-6, c’est du pur non-sens», souligne Len De Nys. «A cause de toute cette désinformation, l’industrie du fast-food est en train de remplacer les huiles végétales par du beurre, ce qui fait grimper le taux de cholestérol. C’est insensé.»
«On encense aussi de nouveau les graisses saturées issues du lard, des fromages gras et du beurre. « Ce n’est pas la graisse, mais le sucre le coupable », entend-on. Même si certaines graisses saturées comme l’acide stéarique présent dans le chocolat noir peuvent être bénéfiques pour la santé, toutes les études scientifiques montrent que remplacer les graisses saturées par un arc-en-ciel d’ingrédients d’origine végétale est bénéfique à la santé.»