Le nombre de cas de listériose a atteint un record en Europe. La tendance à la hausse se confirme aussi en Belgique. La maladie est néfaste pour les personnes à risque, qui devraient éviter certains aliments.
«Rappel de produit Aldi : coppa de la marque Cucina Nobila pour présence possible de Listeria monocytogènes». Dernier rappel en date de l’Afsca (de novembre dernier). D’une longue série, concernant ce type de contamination: la listériose a atteint un record en 2023, ressort-il d’un rapport de l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments). Avec 2.952 cas humains recensés, il s’agit du nombre le plus élevé depuis 2007 en Europe, en augmentation constante depuis 2019. La campylobactériose (148. 181 cas) et la salmonellose (77.486 cas) restent toutefois les maladies zoonotiques les plus fréquemment signalées dans l’UE.
La Belgique n’échappe pas à la tendance puisque 87 infections à la Listeria ont été dénombrées jusqu’à présent cette année par le Centre national de référence en la matière, dépendant de Sciensano. Contre 84 cas en 2023. Des chiffres «plus élevés que ceux des deux années de pandémie et légèrement plus élevés que les années pré-Covid», précise l’organisme de santé.
La listériose est une infection causée par la Listeria monocytogenes, «une bactérie saprophyte» – qui peut vivre au dépens de matière organique inerte – présente naturellement et en quantité dans l’environnement, renseigne Eric Muraille, biologiste et immunologiste à la faculté de médecine de l’ULB. «Elle se développe à partir de quatorze degrés, contrairement aux autres bactéries qui surviennent à 37 degrés».
Contamination alimentaire
La Listeria se transmet à l’humain par l’ingestion d’aliments contaminés, généralement des fromages à pâtes molles, des produits à base de lait cru, de la viande ou du poisson. Sur les 254 produits rappelés par l’Afsca en 2023, 34 % présentaient des traces possible de bactérie comme la Listeria, la salmonella ou Escherichia coli.
La Listeria se retrouve dans la chaîne alimentaire humaine principalement via la grande distribution, lorsque la chaîne du froid est rompue, ou en raison des longues périodes de conservation, qui favorisent la contamination. «Une fois l’aliment contaminé, la bactérie se multiplie très rapidement», souligne Eric Muraille.
La maladie provoque maux de ventre, diarrhées et état grippal, mais chez la plupart des personnes en bonne santé l’infection est bénigne et n’engendre pas de symptômes. «Ingurgiter de petites quantités de Listeria n’est pas problématique, affirme Eric Muraille. Ce n’est que lorsqu’elle se retrouve en grande quantité sur l’aliment qu’il y a des risques d’infection». Toutefois, la listériose n’étant pas une maladie chronique, la bactérie ne persiste pas longtemps dans l’organisme. «C’est violent, mais ça passe très vite, en 24 ou 48 heures», assure le professeur.
Quelles sont les personnes à risque
Le traitement, quand la prise en charge est effectuée dans les temps, consiste à soigner les symptômes. Chez les personnes à risque, par contre, des antibiotiques sont nécessaires, car la listériose peut évoluer en «maladie grave parfois même mortelle, dont les principaux signes cliniques sont la méningite et/ou la septicémie, indique An Van den Bossche, chercheuse au service des maladies infectieuses et bactériennes de Sciensano. Les personnes à risque sont des personnes qui présentent un système immunitaire affaibli, comme les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques, telles que le cancer, les maladies cardiaques, les maladies rénales ou la cirrhose du foie».
Une contamination à la listéria provoque «une réaction inflammatoire du corps humain, c’est-à-dire une réponse immunitaire à la bactérie, qui vient aussi tuer les cellules», explique Eric Muraille. C’est le principe du choc toxique. Les personnes immunodéprimées sont donc plus sensibles à la listériose, car elle ne peuvent pas se défendre.
Les femmes enceintes doivent aussi s’en méfier. En cas de grossesse, l’infection n’est pas vraiment dangereuse pour la mère, mais elle a des conséquences graves pour le fœtus ou le nouveau-né, telles qu’un avortement spontané, une naissance prématurée ou un décès peu après la naissance, poursuit An Van den Bossche
Le vieillissement de la population en cause
Ce record de listériose est lié au vieillissement de la population en Europe, avance l’Efsa dans son rapport. Aujourd’hui, 21,3 % des Européens ont plus de 65 ans. «Le gros problème, c’est qu’il y a de plus en plus de personnes âgées ou de personnes traitées avec des immunodépresseurs, pour éviter un rejet de greffe par exemple», appuie Eric Muraille. Durant la période Covid, cette population-là s’élevait à 500.000 personnes en Belgique, indique l’immunologue. «Plus on cherche la listériose, plus on la trouve.»
De son côté, Sciensano ne voit pas d’explication directe à la hausse globale des cas de listériose en Europe ou dans d’autres pays.
Mais avec moins de 100 cas par an, la listériose reste «anecdotique», rassure le professeur Muraille. «Il n’y a aucun cas de transmission d’individu à individu, on ne peut pas parler d’épidémie à proprement parler». La salmonellose est bien plus dangereuse, souligne par contre le biologiste.
Comment se prémunir de la listériose
Pour Sciensano, il est particulièrement nécessaire de sensibiliser les personnes à haut risque, qui ont intérêt à éviter certains produits comme le camembert ou la crème glacée fraîche. Il leur est déconseillé de consommer du poisson ou de la viande tels que le saumon fumé ou le filet-de-sax qui n’ont pas été entièrement cuits ou fumés. En plus, les produits transformés présentent également un risque plus élevé parce que la contamination des aliments se fait souvent par l’intermédiaire de surfaces contaminées, comme les machines à découper.
Pour Eric Muraille, il n’y a pas grand-chose à faire hormis respecter les règles d’hygiène de base et être attentif aux alertes de l’Afsca. Un conseil: laver les légumes même lorsqu’ils sont en sachet. «De plus en plus de produits, comme la salade, sont prêts à l’emploi en sachet, or la Listeria est présente dans la terre».