La large victoire de l’extrême droite aux européennes bouleverse la donne politique. Mais quelle majorité le président espère-t-il trouver après ce coup de poker?
Quitte ou double, coup de poker…: les formules ont fusé dimanche 9 juin après 21 heures, à la hauteur du choc de l’annonce par le président français Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale. Telle est la réponse que le locataire de l’Elysée a estimé devoir donner au séisme politique qu’a constitué la très large victoire du Rassemblement national, d’extrême droite, aux élections européennes, pointée à 32%. Il a déclaré ne pas pouvoir se résoudre à l’appauvrissement des citoyens et au déclassement du pays que dessinerait une prise de pouvoir à terme de la droite radicale. En ajoutant les voix de Reconquête (5,2%), le parti d’Eric Zemmour emmené par Marion Maréchal aux élections européennes, cette famille politique, souvent considérée comme limitée par un «plafond de verre», frôle les 40%.
La dissolution, c’est précisément ce que réclamait le Rassemblement national en cas d’échec significatif de la majorité. L’initiative de Macron relève-t-elle du «cadeau empoisonné»? Significatif, l’échec l’est en tout cas puisque, même si elle arrive en deuxième position, la liste Renaissance, de Valérie Hayer, réalise moins de la moitié du score de l’extrême droite, 15,40%. La macronie avait eu beau affirmer pendant la campagne que les élections européennes ne pouvaient avoir que des conséquences européennes, la défaite était trop cuisante pour rester indolore. Un changement de Premier ministre avait été évoqué. C’est une décision autrement plus radicale qui a été prise.
Les Républicains courtisés
Les Français se rendront à nouveau aux urnes les dimanches 30 juin et 7 juillet pour élire leurs députés. Le pari est risqué après une telle victoire du parti de Marine Le Pen, qui s’est empressée de proclamer, après l’allocution d’Emmanuel Macron, être prête à gouverner et à redresser le pays. Emmanuel Macron espère-t-il que les résultats des législatives consacreront à nouveau l’impossibilité du Rassemblement national de fédérer une coalition? S’il s’alliait à Reconquête, il n’obtiendrait sans doute pas une majorité. Mais le groupe ne deviendrait-il pas le plus important de l’Assemblée nationale? Le RN s’est toujours illustré lors des rendez-vous européens, élection à un tour. Le mode de scrutin législatif ne sert pas autant ses intérêts.
La bataille de la majorité relative aux législatives entre extrême droite et macronie met en évidence le rôle central que joueront les Républicains dans la «recomposition» du paysage politique français. Avec 6,85% des voix estimés, leur liste aux européennes, dirigée par l’eurodéputé sortant François-Xavier Bellamy, réalise un résultat moins bon qu’en 2019, où elle avait récolté 8,48%. La tendance n’est donc pas favorable. Certains candidats seront-ils tentés par une alliance avec le Rassemblement national ou avec Renaissance, en fonction de leurs «convictions»? Et dans la première hypothèse, l’extrême droite pourrait-elle supplanter le centre macroniste?
Une alliance à gauche?
La quête d’alliance sera le leitmotiv de la courte campagne électorale. A gauche aussi, où celle des européennes a consacré une forme de fracture entre l’alliance Parti socialiste-Place publique et La France insoumise. Les quelque 4% qui séparent les deux listes n’établissent toutefois pas une hiérarchie suffisamment claire pour affirmer que la «gauche de gouvernement» aurait pris le dessus sur la «gauche protestataire». Ce constat n’autorise pourtant de prédire que la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) pourrait surmonter ses dissensions pour se présenter unie aux électeurs dès le 30 juin.
L’avenir politique de la France s’annonce incontestablement troublé. La dissolution décidée par le président Macron est inédite. Elle n’a pas le caractère des «dissolutions de convenance» qu’avaient les initiatives de François Mitterrand, en 1981 et 1988 pour aligner la composition du Parlement à ses victoires aux élections présidentielles à l’époque où les législatives ne se déroulaient pas dans leur foulée, et celle de Jacques Chriac en 1997, où le président avait voulu remobiliser sa large majorité jugée trop turbulente, avec le résultat catastrophique pour lui que l’on connaît, la cohabitation avec la gauche. Une cohabitation entre Emmanuel Macron et un Premier ministre Rassemblement national Jordan Bardella, de plus en plus populaire, n’est pas l’hypothèse le plus plausible pour l’après 7 juillet. Mais elle a perdu le dimanche 9 juin un peu plus de son caractère chimérique.
La bataille de la majorité relative aux législatives entre extrême droite et macronie met en évidence le rôle central des Républicains.