vendredi, décembre 27

Ce jeudi, les parents d’enfants au QI inférieur à 86 ou atteints d’autisme espéraient enfin pouvoir être remboursés pour les soins de logopédie. Tous les parlementaires allaient les soulager, après des années d’attente. Il n’en sera rien, à cause d’un seul homme : le ministre de la Santé Franck Vandenbroucke (Vooruit).

Ce jeudi, les députés fédéraux devaient mettre fin à une discrimination touchant des milliers de familles. Les séances de logopédie suivies par leurs enfants, au QI inférieur à 86 ou atteints d’autisme, ne sont pas remboursées.

Sur le fond du dossier, toute l’assemblée était du même avis : il fallait trouver une solution à la situation injuste vécue par ces parents. Mais le texte n’a pas trouvé de majorité. La faute au ministre de la Santé Franck Vandenbroucke (Vooruit), qui a contraint les partis de la Vivaldi à voter contre. La logique gouvernementale l’a emporté sur le courage politique, dénonce l’opposition en chœur.

1. Des députés d’opposition dégoûtés

C’est Catherine Fonck (Les Engagés) qui avait imposé le sujet à l’agenda parlementaire. Avec le soutien de tous les partis de l’opposition, de l’extrême gauche à l’extrême droite. En larmes à la Chambre, la députée centriste ne cachait pas sa déception après le vote. « Ce qui s’est passé est violent et indigne. La particratie a gagné, au détriment de tous ces enfants abandonnés et oubliés par le ministre de la Santé ».

La députée DéFi Sophie Rohonyi était également remontée à l’issue du vote. « Je ne peux pas concevoir qu’on en arrive là, pour un sujet aussi consensuel. Ça devient classique de la part de la Vivaldi de rejeter les projets de l’opposition, même quand ce sont de bonnes idées ».

2. Des députés de la majorité pieds et poings liés

Les membres des partis de la Vivaldi, sur le fond, étaient d’accord avec Catherine Fonck. Mais devant le refus obstiné de Franck Vandenbroucke d’approuver le texte, ils se sont résignés. « Tous les députés PS ont voté contre pour suivre la logique gouvernementale, explique le socialiste Patrick Prévot. C’était un vote majorité contre opposition, parce que, malgré toutes nos tentatives, le ministre de la Santé n’a pas changé d’avis ». Et le député de rappeler que l’extension du remboursement des soins de logopédie fait partie du programme de son parti…

Chez Ecolo, deux députées font partie des quatre qui ont décidé de voter en leur âme et conscience, ne suivant pas la position de la majorité. Il s’agit de Claire Hugon, et de Laurence Hennuy. « Voter contre le texte était au-dessus de mes forces, justifie cette dernière. J’étais 100% d’accord avec le texte. Franck Vandenbroucke se place au-dessus des lois, car aux yeux de la Constitution, un enfant est un enfant. Il n’y a pas à faire de différenciation. Le ministre doit faire quelque chose, car nous sommes face à un grave problème démocratique ».

Côté MR, tout le monde a voté contre le texte sauf Michel De Maegd. Les libéraux, d’accord pour mettre fin à la discrimination, avaient des réserves sur la forme. « En 2019, nous avons déposé une proposition de loi pour abroger le critère du QI dans le remboursement des soins de logopédie, rappelle Caroline Taquin. En cinq ans, jamais le ministre de la Santé ne s’en est servi pour que la mesure entre en vigueur ».

3. Un Franck Vandenbroucke tout-puissant

Il suffit donc d’un seul ministre pour bloquer complètement l’adoption d’une mesure. Ce jeudi, Franck Vandenbroucke a frustré tout le monde, mais réussi son pari. Un: il renvoie la balle aux régions, compétentes pour les centres de logopédie multidisciplinaire. Des centres où les enfants se rendent plusieurs fois par semaine en journée, difficiles à concilier avec l’école. A l’inverse, la logopédie monodisciplinaire prône un accompagnement individuel via des séances ponctuelles. Deux : le ministre de la Santé demande des études supplémentaires avant de supprimer le critère du QI.

« Franck Vandenbroucke joue la montre, alors que des milliers d’enfants dans le besoin attendent, s’insurge Catherine Fonck. La majorité des familles n’ont pas les moyens de payer ces séances de logopédie. Alors qu’elles sont indispensables pour le développement de ces enfants ». D’après la députée, la Belgique est le seul pays à avoir introduit le critère du QI dans le remboursement des soins de logopédie.

« J’ai discuté avec des parents, qui me disent qu’ils doivent débourser entre 300 et 700 euros par mois pour que leur enfant suive des séances de logopédie, plussoie Sophie Rohonyi. En plus, ils doivent payer une série d’autres frais pour assurer le bien-être de leur progéniture ».

4. Un secteur qui attend depuis des années

Tant les logopèdes que les parents attendent depuis des années que le remboursement des soins de logopédie soit possible pour tous les enfants. « On sait comment fonctionne Mr Vandenbroucke, ça ne nous étonne pas, se résigne la présidente de l’Union professionnelle des logopèdes francophones Nathalie Saczuk. Le secteur de la santé va mal économiquement, il faut faire des choix. Mais nous sommes déçus au vu des promesses exprimées ces derniers mois. Le ministre s’appuie sur la lasagne institutionnelle belge pour se justifier. Mais les centres de logopédie multidisciplinaire sont pleins, et certains parents n’ont pas les moyens de payer des séances individuelles. C’est triste pour ces enfants, qui auront des carences dans leur développement ».

5. Quelle solution pour la logopédie ? Un texte de la Vivaldi ou une ‘note’ du ministre

Pour tenter d’apaiser la majorité Vivaldi, le ministre de la Santé a promis de revenir avec une note, endéans les 6 semaines. Une promesse floue, critique d’emblée l’opposition, qui y voit une nouvelle tentative de noyer le poisson de la part de Franck Vandenbroucke. Les partis de la majorité, qui disent ne pas être dupes, comptent faire voter une autre proposition de loi pour assurer leurs arrières. Son contenu ? Exactement le même que celui du texte présenté ce jeudi en séance plénière de la Chambre. Mais, si du temps sera perdu pour toutes ces familles, la Vivaldi semble prête à faire payer le prix aux parents, pour s’assurer la paternité du remboursement des soins de logopédie pour tous.

Partager.
Exit mobile version