Une lecture attentive du rapport d’Amnesty International et d’autres publiés à ce sujet conduise à penser que la qualification de génocide qui y est proposée n’est pas déraisonnable.
Dans un rapport publié le 5 décembre, Amnesty International considère qu’Israël se rend coupable d’un crime de génocide dans la bande de Gaza. Son enquête rejoint sur ce point celles déjà réalisées au sein des Nations unies, en particulier par le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes dans les territoires occupés qui concluait, dans son rapport du 20 septembre 2024, que les politiques et les pratiques israéliennes «présentent des éléments caractéristiques d’un génocide».
Pour qu’on puisse considérer qu’un génocide a lieu en l’espèce, il faut d’abord montrer qu’une série d’actes portent atteinte à l’intégrité physique ou mentale des membres de la population palestinienne de Gaza, comme le prévoit l’article II de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Fondé sur une recherche documentaire, des images satellites et 212 entretiens menés avec des personnes sur le terrain, le rapport expose la politique d’Israël privant la population de nourriture, d’eau, d’accès aux sanitaires, à des médicaments en suffisance, à des vêtements ou encore à des abris. Il évoque aussi quinze tirs de missiles qui ont visé des maisons, des zones résidentielles, une église, une rue et un marché tuant au moins 334 civils dont 141 enfants, alors qu’aucun élément ne permettait d’affirmer qu’il s’agissait là d’objectifs militaires. Les actes dépeints dans le rapport ne peuvent toutefois être qualifiés de crime de génocide que s’ils sont commis «dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe comme tel», comme le précise l’article II de la Convention.
Pour Amnesty, c’est le cas au regard des faits ainsi que de 102 déclarations faites entre octobre 2023 et juillet 2024 par des autorités israéliennes militaires ou politiques influentes qui participent à la déshumanisation de la population palestinienne et justifient la perpétration de crimes à son encontre et surtout de 22 déclarations particulièrement emblématiques à cet égard.
Pour certains, cette qualification de génocide serait absurde. L’opération militaire à Gaza ne viserait nullement à détruire la population palestinienne, mais uniquement le Hamas, responsable des crimes perpétrés le 7 octobre 2023. En droit international, une conduite peut toutefois être constitutive de génocide même si elle est justifiée par des buts militaires. Lors du conflit en Yougoslavie dans les années 1990, les forces serbes de Bosnie ont justifié leurs opérations armées en arguant qu’elles visaient les groupes islamistes qui s’en étaient notamment pris à des villages serbes. Cela n’a pas empêché le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ainsi que la Cour internationale de justice de qualifier le massacre par les forces serbes de Bosnie d’environ 8.000 garçons et hommes musulmans à Srebrenica de génocide. En outre, il ne ressort pas clairement ni des actes ni des discours des dirigeants analysés dans le rapport d’Amnesty qu’une distinction soit systématiquement faite entre le Hamas et le reste de la population palestinienne de Gaza.
Une lecture attentive de tous les rapports publiés à ce sujet convainc en tout cas sur un point: la qualification de génocide qui y est proposée ne semble pas déraisonnable.